La loi Avia risque de s’avérer une arme de plus à disposition des islamistes pour tenter d’interdire toute critique de leurs menées conquérantes.
La loi Avia met en avant, dans son préambule, le fait que l’anonymat permis par les réseaux sociaux favorise la multiplication tous azimuts d’actions malveillantes : messages de haine ou de dérision, menaces, campagnes de diffamation, diffusion de photos ou de vidéos intimes. Mais, de fait, la loi concerne exclusivement la lutte contre les contenus « comportant une incitation à la haine ou une injure à raison de la race, de la religion, de l’ethnie, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap ». Et, dans sa portée pratique, son objet paraît encore plus restreint.
On peut augurer que les plates-formes en ligne vont agir en fonction des risques de poursuites associés aux divers contenus qu’elles sont susceptibles de diffuser. Tout dépendra, en la matière, de la tendance plus ou moins forte des divers groupes concernés par la loi à s’en servir pour attaquer en justice ceux qui tiendront des propos qui leur déplairont. Se contenteront-ils d’agir quand ils seront réellement victimes d’incitation à la haine ? Ou tenteront-ils plus largement de bâillonner toute voix qui leur serait défavorable ? Même s’ils perdaient les procès qu’ils intenteront, l’effet d’intimidation et de dissuasion sera alors assuré du fait des désagréments, des coûts et de la perte de réputation liés au fait d’être traîné en justice.
Le terme d’islamophobie, présent dans une première rédaction de la loi, a disparu du texte définitif, rem-placé par l’expression « idéologie haineuse antimusulmans » sans que cela change le parti que les tenants d’un islam politique vont pouvoir en tirer. Si on en juge par l’utilisation qu’ils font de la loi Pleven de 1972, modifiant la loi de 1881 sur la liberté de la presse, les islamistes sont en pointe dans l’utilisation stratégique de lois qui se veulent protectrices. Celles-ci leur ouvrent un boulevard tant tout propos évoquant sans fard la face sombre de l’islam peut être accusé d’incitation à se méfier de celui-ci, vite assimilée à une forme d’incitation à la haine.
En fait, le terme même d’islamophobie trahit la réalité. Il évoque des réactions négatives envers l’islam dans sa globalité alimentant un rejet indiscriminé des musulmans en général. Or, les études portant sur les réactions de l’Occident envers l’islam et les musulmans, études d’opinion comme testings auprès des employeurs, montrent que c’est seulement l’islam politique, avec son refus de la liberté de conscience (un musulman ne peut se convertir à une autre religion) et de l’égalité (il n’est pas question que les hommes et les femmes aient les mêmes droits), qui est rejeté. Les manifestations de la dimension spirituelle de l’islam, tel le jeûne du ramadan, ne le sont pas. Les tenants d’un islam politique cherchent à s’abriter derrière le respect dû à une religion pour tenter d’interdire toute critique de leurs menées conquérantes. Ils peuvent compter sur la loi Avia pour les aider dans cette entreprise.
Philippe d’Iribarne est directeur de recherche au CNRS et a publié “Islamophobie, intoxication idéologique” (Albin Michel).
Source: Valeurs actuelles. 21 mai 2020.
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