1 jour, 1 texte. Numéro 66 : Raphaël Jerusalmy, « La France », Le Droit de Vivre, avril 1978

Raphaël Jerusalmy

L’écrivain Raphaël Jerusalmy (né à Paris en 1954) collabore régulièrement, dans les années 1970, au Droit de Vivre. Dans cet article publié en avril 1978, il rappelle les fondamentaux universalistes de la France et confère à l’antiracisme la dimension d’un « devoir civique ». Il fait par ailleurs allusion à la Coupe du monde de football, qui doit avoir lieu en Argentine en juin 1978, cible d’une campagne de boycott en raison du régime dictatorial des généraux et de la répression menée à l’encontre des opposants. Jerusalmy évoque par ailleurs le dissident soviétique Vladimir Boukovski, accueilli au Royaume-Uni en 1976 après douze ans d’emprisonnement en URSS. Il conteste aussi la présence à Paris d’un bureau de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).

« C’est avec vigueur et sévérité que je condamne et continuerai de condamner l’attitude intolérable de certains de nos compatriotes. Aucun citoyen français qui se respecte ne peut rester insensible au tort que les racistes causent à son pays. Le combat antiraciste est, avant tout, un devoir civique.

Je voudrais, aujourd’hui, parler de la véritable France. C’est, en plus de ses victimes diverses, cette France-là qu’il nous faut défendre contre la profanation raciste. Cette France-là a su, en défendant son prestige à travers l’histoire, défendre la démocratie dans le monde.

Nos concitoyens d’extrême droite pensent que le Français est une sorte d’espèce humaine rare menacée par d’autres espèces. Sans doute veulent-ils nous parquer dans une réserve nationale, et l’entourer de miradors. Ils semblent avoir oublié que c’est un Français qui représente, dans le monde entier, l’homme universel. Ce Français s’appelait Montaigne et écrivit : « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition ». Depuis la Renaissance, notre pays est le pays de l’humanisme. C’est un pays cosmopolite où les hommes du monde entier sont venus sans peur chercher la connaissance. Le prestige de la France, c’est d’avoir été la plaque tournante de la pensée et de la culture occidentales. Chassés de pays barbares, des hommes de toute race sont venus s’y réfugier afin de promouvoir la liberté et le progrès. Notre plus grand empire ne fut ni militaire ni colonial. Ce fut notre rayonnement culturel né du libre-échange des hommes et des idées. Ces idées-là valent bien plus que le pétrole.

Nos concitoyens d’extrême gauche pensent que les Français sont une série de classes antagonistes. Ils voudraient que nous chantions l’Internationale que chantent les dictatures isolationnistes d’URSS et de Chine. Ils semblent oublier, entre Bastille et République, que notre peuple a rédigé la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Car, c’est parce que les hommes sont nés libres et égaux que les citoyens ont pu prétendre à ces droits. Il ne suffit pas d’être citoyen ; encore faut-il être homme, au sens le plus digne du terme. L’exemple de la France de 1789 a traversé les frontières sans qu’on le véhicule dans des tanks. L’image de marque de notre démocratie, notre tradition d’humanisme et l’importance que nous attachons à la notion de Justice, voilà notre Internationale. Voilà pourquoi notre pays fut longtemps un asile pour les exilés et les opprimés. L’argent peut bien aller se réfugier en Suisse. Nous préférons le capital humain.

Mais alors, si tel est notre prestige aux yeux du monde, pourquoi sommes-nous aujourd’hui critiqués ? Pourquoi les réfugiés soviétiques préfèrent-ils rejoindre les États-Unis ? Pourquoi les terroristes de l’OLP ont-ils choisi d’installer un QG au sein de notre capitale ? Pourquoi voyons-nous inscrits sur nos murs et dans certaines publications des phrases qui sont tout le contraire de notre Montaigne et de notre Déclaration des Droits de l’Homme ? Je répondrai en disant que certains Français, ignorant tout de leur propre pays, se sont vendus à des idéologies de dictatures et convertis à des doctrines nazies. Je dirai que ces Français-là ont fait fi de leur citoyenneté pour servir d’autres causes et desservir notre liberté. Ils ont profané la démocratie et brutalement rejeté notre culture humaniste. Par-là, ils sont devenus racistes, nazis ou gauchistes et ne sont donc plus, par définition, des Français. Ils sont tout simplement des racistes, des nazis, des gauchistes, c’est-à-dire des hommes sans foi ni patrie, des hommes contre l’Homme. Ils ne sont ni Français, ni Russes, ni Américains. Ils sont l’Internationale de la terreur et le Heil ! de la Haine.

Il ne peut y avoir pour moi une autre France que celle dont j’ai parlé. Il n’y a que la France de Zola et de Vercors. Il ne doit y avoir pour le monde qu’une France qui s’indigne contre l’injustice et défend les droits de l’Homme. Les autres n’ont pas plus le droit de prétendre à la citoyenneté française que les Algériens qu’ils briment ou que les prisonniers politiques dont ils oublient le sort. La France véritable n’ira pas jouer au football en Argentine ! Elle ne se laissera pas ridiculiser par un bureau de l’OLP. Elle ne laissera pas Boukovski à la porte. Elle restera, pour le monde et l’histoire, un asile et une justicière pour ne pas devenir cette autre « France » des racistes et des imbéciles. M. Chirac nous parle d’une « certaine idée de la France » : il ne peut s’agir que de celle dont je viens de faire l’éloge. Rebâtir la France, messieurs, passe par le devoir antiraciste qui est un devoir civique.

Au-delà de notre industrie et de notre armée, il y a un peuple. Au-delà de notre presse et de notre littérature, il y a une culture. Et, au-delà d’une certaine idée de la France, il y a un idéal certain pour notre pays : défendre les citoyens et les hommes.

Aragon disait : « Il n’y a pas de race française, mais il y a une nation française ». Prenez garde que la « race » n’assassine la nation. Il n’y a de citoyens que parmi les hommes »

Source: LICRA. 17 mai 2020.

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1 Comment

  1. En d’autres termes il ne peut pas y avoir la France ET les indigènes de la République (les nouveaux nazis) : les deux s’excluent mutuellement. Donc la France n’existe plus.

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