Tribune Juive

La France en réanimation : le prix des vies sauvées

Alors que la France détient le triste record de la pression fiscale la plus importante du monde, six millions de fonctionnaires et assimilés et un endettement public qui dépasse les 100 % du PIB, nous constatons que, proportionnellement à sa population, elle fait partie des pays les plus impactés par le coronavirus.

En décidant de confiner strictement la population, le gouvernement français a porté un coût d’arrêt sévère à l’économie. Selon l’INSEE, pendant le confinement la perte d’activité pour le secteur marchand est de 41 %, et même 49 % en excluant les loyers. Rompant avec son vocabulaire habituel, sobre et administratif, l’INSEE a comparé l’économie française à « un organisme placé sous anesthésie [qui] n’assure plus que ses fonctions vitales ».

Le coût de ce confinement pour les finances publiques n’est pas encore chiffrable, mais devrait se compter en centaines de milliards d’euros, répartis notamment entre des manques à gagner fiscaux, des crédits d’impôt, des abandons de créances, des prêts aux entreprises, des aides publiques aux ménages ou aux associations ou encore des prestations sociales, comme la prise en charge du chômage partiel.

Toutes ces dépenses n’ont été ni budgétées, ni provisionnées et viennent s’ajouter aux 2400 milliards d’euros de dette publique que portait déjà la France avant le confinement.

Le prix d’une vie sauvée, le prix du confinement

Cet arrêt brutal de l’économie nous conduit à nous interroger : le remède n’est-il pas pire que le mal ?

Fin avril, le bilan officiel annonce plus de 22 000 morts du coronavirus. Selon une étude épidémiologique de trois chercheurs de l’EHESP et du CHU de Rouen, 61 739 décès auraient été évités en un mois. En admettant que sur l’ensemble du confinement ce chiffre puisse être porté à 100 000, à quel prix cela s’est-il fait ? Si le coût de la crise s’élève à 200 milliards d’euros pour l’État, cela revient à deux millions d’euros par vie sauvée.

Sans négliger aucunement la valeur de toute vie humaine, rappelons que l’âge médian des personnes décédées du coronavirus est de 84 ans. 75 % ont plus de 75 ans et 38 % meurent en EHPAD. Par ailleurs une très grande partie des personnes décédées présentaient des causes de comorbidité (problèmes cardiaques, problèmes respiratoires, obésité, diabète…).

Les 22 000 morts du coronavirus sont ceux que l’on voit, mais le confinement et la crise économique qu’elle engendre causent également des décès que l’on ne voit pas, liés entre autres à des rendez-vous médicaux annulés, des opérations chirurgicales reportées, des détections de maladies qui seront retardées, des recherches sur des traitements médicaux qui prennent du retard ou qui seront interrompues faute de ressources, une dégradation de l’hygiène de vie, l’anxiété et les risques associés pour les personnes licenciées ou ne pouvant pas entrer sur le marché du travail faute d’opportunité, des suicides…

Tous ces décès indirects ne seront évidemment jamais comptabilisés dans les statistiques officielles. Il n’est pas possible de savoir si le nombre de morts « épargnées » est supérieur au nombre de morts causées par le confinement.

Une chose est certaine cependant, les personnes temporairement sauvées sont en immense majorité des personnes âgées. Ce ne sont pas elles qui devront payer la facture, pendant de longues années.

Quel que soit le montant exact du coût de la crise pour les finances publiques, comment sera-t-il assumé ? Comment la répartition des richesses va-t-elle s’opérer ?

La solution la plus probable, la plus facile à assumer politiquement et en apparence la moins dommageable pour l’économie, serait de recourir à la création monétaire. Les banques centrales, à l’exemple de la banque centrale américaine, se sont déjà engagées à créer ex nihilo des centaines, voire des milliers de milliards, pour acheter les dettes publiques de leurs Etats.

Une création monétaire considérable, conjuguée à une diminution des biens et services disponibles, parce que, la production ayant chuté, les prix vont fortement augmenter. L’inflation permet aux responsables politiques de ne pas perdre la face en déclarant leur pays en faillite.

L’inflation est politiquement plus facile à assumer que l’augmentation des impôts, nécessairement impopulaires, surtout dans un pays comme la France où 46 % de la richesse créée est accaparée par des prélèvements obligatoires. L’inflation provoquée par les banques centrales peut paraître plus douce qu’un nouvel impôt, il ne s’agit pourtant ni plus ni moins que d’un vol de pouvoir d’achat pour tous les détenteurs de cette monnaie. L’inflation va léser les ménages dont l’épargne a un rendement inférieur au taux d’inflation, notamment l’assurance vie.

Elle bénéficiera par ailleurs aux ménages et entreprises endettés, ainsi qu’à l’État, qui verront le coût de leur dette allégé. L’inflation, comme la fiscalité, opère une redistribution des richesses. Heureusement les épargnants ont aujourd’hui des moyens de se protéger contre la spoliation liée à l’inflation, en investissant dans des cryptomonnaies, des métaux précieux, des matières premières ou dans l’immobilier.

Les finances publiques, ainsi que la légitimité du gouvernement vont ressortir exsangues de l’épreuve. Qu’il nous soit permis d’espérer que de cette crise donnera néanmoins quelques bons fruits, que le gouvernement ne se contentera pas de naviguer à vue mais réalisera, de gré ou par la contrainte des faits, des réformes dont la France a besoin depuis des années et dont elle se meurt à petit feu de ne pas les voir se réaliser.

Source
Extrait d’un article de Etienne Chaumeton IREF

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