L’antisémitisme en temps de Covid 19.
Sans que forcément, nous nous en rendions compte, les épidémies rappellent les périodes les plus sombres de notre histoire, notamment la peste noire.
La peste noire débute dans les années 1340 aux abords de la mer noire. Très rapidement, elle s’étend en Europe, puis atteint certaines régions en Asie. Elle aurait tué près de 30% à 50% de la population européenne de 1347 à 1352.
Mais cette épidémie aura d’autres conséquences. De grands massacres ont suivi la peste noire car elle a surexcité la haine et la furie contre les Juifs. Les Juifs ont été accusés d’empoisonner les puits ou de répandre la maladie.668 ans plus tard, ce sont dans les réseaux sociaux, que des individus, des groupes/groupuscules délirants, vont diffuser ou relayer des rumeurs, des informations erronées, mensongères et trafiquées afin d’attiser la peur, tout en cherchant des boucs émissaires.
Mais, et à notre connaissance, ce sont des militants ou des sympathisants principalement d’extrême-droite et des suprémacistes blancs, endoctrinés et fanatisés, tant en France qu’aux Etats-Unis, qui ont posté ces messages et des islamistes, dans la sphère arabo-musulmane, chargeant principalement Israël.
En France, ordinairement, les mêmes militants antisémites alimentent régulièrement leurs comptes de propos racistes, antisémites, xénophobes, homophobes et se nourrissent les uns et les autres des mêmes lectures et des mêmes contenus.
Des théories complotistes le plus souvent délirantes
Dans les différentes plateformes (Twitter, Facebook, WhatsApp, YouTube et le réseau russe VKontakte), ils les soupoudrent de théories complotistes le plus souvent délirantes.
Cette fois, la différence tient au fait qu’ils utilisent cette grave crise sanitaire pour accuser plus précisément les Juifs d’en tirer profit. En quelque sorte, les militants d’extrême-droite s’adaptent et adaptent leurs accusations récurrentes, à des fins stratégiques.
Une propagande centrée, recentrée sur le Covid 19
C’est ainsi qu’ils continuent de diffuser de la propagande, mais cette fois elle est centrée, recentrée sur le Covid 19.
D’expérience, les antisémites savent que, souvent, les réseaux sociaux s’érigent en tribunaux populaires permanents, que certains sujets deviennent viraux.
Il savent aussi que les internautes se lâchent littéralement et les internautes se shootent vraiment sur les réseaux sociaux.
Ils savent aussi que beaucoup se répandent pour chercher/trouver/désigner des fautifs, responsables, coupables, des boucs émissaires. Dans cet univers glauque, l’antisémitisme s’alimente donc très facilement. C’est alors une avalanche de propos violents.
Les vidéos conspirationnistes d’un Soral et celles d’un Dieudonné visionnées plus de 400.000 fois, en temps de … Covid
De fait, les antisémites utilisent l’irrationnalité ambiante pour transmettre leur message à un large public, effrayé et en colère. C’est ainsi qu’ils espèrent capter l’attention du plus de monde possible. Ils savent par ailleurs, que, comme les gens sont confinés chez eux, certains visionneront plus rapidement les vidéos et séquences conspirationnistes d’Alain Soral et de Dieudonné, par exemple. En temps de Covid 19, elles totalisent plus de 400.000 vues. Ce qui est particulièrement inquiétant.
Corona virus pour Goy, Buzyn, Lévy et Salomon
Mais, là encore, rien d’étonnant. Traditionnellement, les vidéos de Dieudonné totalisent autant de vues, quelquefois beaucoup plus. Cependant, certaines vidéos ont été créées à cette occasion. Comme par exemple, celle qui a été baptisée « Corona virus pour Goy ». Son auteur défendait la « théorie » antisémite et complotiste selon laquelle le Coronavirus aurait été « mis au point par les Juifs » dans le but « d’asseoir leur suprématie ». Plus tard, des listes de noms ont été publiées. Ces médecins et ces responsables politiques ont été catégorisées comme juives, souvent sur la base de leur simple nom de famille.
« Dans la mise en accusation d’Agnès Buzyn, d’Yves Lévy et de Jérôme Salomon, dont la commune judéité est soulignée par les caricaturistes, la dénonciation complotiste s’entrecroise avec une incrimination de complicité dans une opération criminelle, dans laquelle on peut voir une forme dérivée de l’accusation de meurtre rituel. Résurgence d’une mentalité archaïque », explique le philosophe Pierre-André Taguieff dans un entretien publié sur le site Conspiracy Watch, le 1er avril 2020. Nous retrouvons là , en effet, une constante durable et abominable de l’antisémitisme en l’accusation assassine de meurtre rituel. Comme l’ont souligné récemment deux universitaires, « les démons habitent nos sociétés démocratiques et ce sont bien les humains qui les fabriquent».
Marc Knobel est historien et membre du Crif. Il est notamment l’auteur en 2013 de « Haine et violences antisémites. Une rétrospective 2000-2013 ». Berg International.
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