Le président américain souhaite en finir avec la campagne contre le coronavirus dont il parle déjà au passé. Vivement celle de la présidentielle.
Donald Trump n’en pouvait plus, se plaignait d’être claquemuré depuis « des mois » à la Maison Blanche. Alors que Washington restait officiellement confiné, il a passé le week-end dans la villégiature présidentielle de Camp David, dans le Maryland. Il reprendra dans la semaine Air Force One pour la première fois depuis le 28 mars.
Cette échappée le conduira en Arizona, ancien bastion républicain désormais disputé par les démocrates, où il visitera une fabrique de masques. Puis un déplacement dans l’Ohio devrait suivre. Renouer avec cette routine n’est pourtant pas ce qu’il attend avec le plus d’impatience. Qu’on en finisse avec la campagne contre la pandémie due au coronavirus dont il parle déjà au passé. Vivement la campagne tout court, celle de la présidentielle.
« J’espère que dans un avenir pas trop lointain, nous aurons des rassemblements massifs où les gens seront assis côte à côte. Je ne peux pas imaginer un meeting où seulement un siège sur quatre, ou un siège sur six, est occupé » pour éviter la propagation du virus, a-t-il expliqué mercredi. Un tel spectacle « ne serait pas très beau », a assuré le nostalgique des marées de casquettes rouges frappées de ses slogans.
Un optimisme forcené
« J’espère que nous serons en mesure de faire de bons meetings à l’ancienne, avec vingt-cinq mille personnes, où tout le monde est déchaîné parce qu’ils aiment notre pays », a ajouté le président. Il affiche un optimisme d’autant plus forcené que sa réélection se jouera dans tout juste six mois.
Donald Trump a beau vouloir de toutes ses forces revenir en arrière, lorsque les indicateurs économiques lui promettaient un chemin vers la victoire, une autre campagne s’est ouverte dans les ruines fumantes d’un pays stoppé net par « l’ennemi invisible », et elle est encore indéchiffrable.
Donald Trump a régulièrement exprimé sa frustration à propos de la dévastation provoquée par un virus longtemps sous-estimé. « J’avais bâti la meilleure économie de l’histoire de ce pays, de l’histoire du monde », a-t-il assuré au mépris des statistiques, revendiquant l’exclusive paternité d’un succès qui devait beaucoup, aussi, à l’administration démocrate précédente.
Interrogations sur le système de santé
Non seulement il a perdu ce qui devait être son principal argument, mais il peut difficilement accuser aujourd’hui comme il le faisait hier son adversaire, Joe Biden, d’être l’agent d’un socialisme rampant. L’accusation produit toujours son petit effet sur les esprits crédules branchés sur la chaîne conservatrice Fox News, mais elle est devenue inaudible depuis que l’Etat fédéral déverse sur le pays des centaines de milliards de dollars au prix d’un creusement du déficit budgétaire qui aurait poussé naguère à la sédition de républicains devenus enragés.
La pandémie devrait également renforcer les interrogations des électeurs de novembre sur les dysfonctionnements d’un système de santé qui laisse de côté vingt-huit millions de personnes. En la matière, les démocrates ont une longueur d’avance sur le président.
Ces cartes rebattues ne privent pas Donald Trump de tous ses atouts. S’il n’a pas marqué les esprits par sa gestion de la crise sanitaire, il n’a pas non plus perdu le soutien de ceux qui boivent ses paroles, y compris lorsqu’il suggère une potion de détergents pour nettoyer vigoureusement l’appareil respiratoire des malades du Covid-19. Mais le président est désormais à la remorque de l’incertain et de l’imprévisible.
Source: Le Monde. 3 mai 2020.
Gilles Paris, écrivain et journaliste, est correspondant du Monde à Washington.
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