On voudrait y croire, même si, pour l’instant, il n’y a pas de données. Les chercheurs de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) espèrent avoir trouvé un début de traitement pour les cas graves de coronavirus. Le groupe hospitalier n’a pas souhaité dévoiler les résultats, tant qu’ils n’auront pas été approuvés par le comité de lecture de la revue scientifique qui pourrait les publier. Néanmoins, l’AP-HP a publié ce lundi un communiqué qui proclame que « le tocilizumab améliore significativement le pronostic des patients avec pneumonie Covid moyenne ou sévère ».
La démonstration a été menée dans le cadre de l’essai thérapeutique Corimuno, qui réunit plus de 420 patients Covid-19 et compte plusieurs « bras » (sarilumab, sérum de malades guéris…). Pendant 14 jours, 129 patients ont été inclus dans le bras tocilizumab, dont 65 ont reçu cette molécule commercialisée par le laboratoire Roche sous le nom Actemra, et 64 ont été traités de façon ordinaire – oxygène, antibiotiques, anticoagulants. Tous étaient déjà sous oxygène, signe d’une forme grave de la maladie. L’objectif, qui était de diminuer le risque de passage en réanimation et d’accroître les chances de survie a été atteint. Mais on ne sait pas dans quelles proportions.
La publication de l’article scientifique devrait intervenir en accéléré, dans quelques semaines, au lieu du délai habituel de trois mois. Ces espoirs ont été jugés « communicables » dès à présent, car « dans le contexte pandémique », il a semblé « éthique » de les partager au plus vite, a expliqué le directeur général de l’AP-HP, Martin Hirsch. « C’est la première démonstration dans des conditions contrôlées, avec un essai randomisé, pour des patients souffrant de formes sévères », a-t-il insisté.
Polyarthrite rhumatoïde
D’autres hôpitaux, comme l’hôpital Foch à Suresnes, ou à l’étranger, ont noté depuis quelques semaines des effets encourageants de cette molécule, qu’on prescrit habituellement en France à 10.000 malades souffrant de polyarthrite rhumatoïde. Mais il s’agissait d’essais ouverts, c’est-à-dire sans un « groupe contrôle » où les patients ne reçoivent pas le traitement, afin de pouvoir comparer.
« En France, on peut obtenir des résultats rapides avec une rigueur qui n’a rien à envier à d’autres pays », a souligné Martin Hirsch. La fierté de l’AP-HP est d’avoir été capable de mettre sur pied ce protocole thérapeutique en huit jours, avec toutes les autorisations nécessaires, et de parvenir à de premiers résultats avant d’autres équipes qui ont pu se lancer un peu plus tôt.
Rares effets secondaires
Il y a également une dimension psychologique dans cette annonce, après des mois de battage médiatique sur la chloroquine. La communauté hospitalière regarde avec la plus grande méfiance les essais menés sur l’association de cet antipaludéen et un antibiotique par le professeur Raoult, sans respecter les règles méthodologiques habituelles. Emmanuel Macron avait rendu visite à l’équipe de Corimuno le jour où il est allé saluer le scientifique marseillais.
L’Actemra ne s’attaque pas au virus lui-même, mais à l’inflammation qui survient généralement huit jours après l’infection. Les effets secondaires sont « rares », a expliqué le rhumatologue Xavier Mariette : le traitement peut augmenter le risque d’infection bactérienne et les problèmes hépatiques, notamment
822 Euros l’injection
Ce médicament, dont l’injection coûte 822 euros, ne présente pas de difficulté particulière d’approvisionnement, pointe également l’AP-HP. Les médecins hospitaliers pourront le cas échéant décider de le dispenser à leurs malades graves dans un cadre collégial, notamment si le Haut Conseil de santé publique y est favorable, sans avoir besoin d’une autorisation administrative.
L’essai Corimuno a reçu des financements du ministère de la Santé, du réseau REACTing/Inserm via la Fondation pour la recherche médicale, et de la Fondation AP-HP pour la recherche. Le laboratoire Roche a fourni gracieusement le médicament et les kits de dosage.
Source Les Échos
Solveig Godeluck
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