Il y a 20 ans j’écrivais, à propos de la gestion des usages de drogues, que notre époque était celle du principe de précaution poussé à son paroxysme dans une recherche insensée du risque zéro généralisé que l’arrogance de la technoscience voudrait nous imposer : risque zéro de la guerre, du suicide, de la maladie, du tabac, de l’alcool, de l’alimentation, des transports, des loisirs, du travail, des drogues, de l’amour et du sexe, bref la vie était déjà devenue en 2001 un gigantesque degré zéro à atteindre.
La science se garde bien entendu de reconnaître que les sociétés ont toujours accepté de prendre le risque de mettre en danger des vies humaines pour des raisons sociales et économiques. L’histoire des sciences et des techniques fondées sur l’empirisme n’est pourtant qu’une succession de prises de risques conscientes et intentionnelles sans lesquels aucun progrès n’aurait vu le jour.
Le « Meilleur des mondes » ou … un monde meilleur?
La société sans risque n’est plus une société mais l’antichambre d’une salle d’hôpital aseptisée qui ressemble plus au « Meilleur des mondes » qu’à ce monde meilleur promis pas la science.
Aujourd’hui le Covid-19 n’échappe pas non plus au principe de précaution et à l’idéal du risque zéro. Il vient même d’être l’élu dans l’application de ce principe né en Allemagne à la fin des années 1970 et estampillé Jürgen Habermas, l’un des meilleurs philosophes de la démocratie contemporaine.
L’idée en est simple : en cas de dommage grave et irréversible ou de menace évidente, il convient de ne pas attendre la preuve absolue d’une relation de causalité scientifique établie pour prendre des mesures effectives. Toutefois, le principe ainsi énoncé était destiné à guider les pouvoirs publics en période de controverse et non à les paralyser. Il contredit ainsi le scientisme naïf du XIXe siècle tout en proscrivant la précipitation paniquarde et la démagogie sécuritaire.
Encore un effort pour être sanitairement républicain et efficace
Le vrai principe de précaution, celui qui n’est pas érigé en absolu, ne bloque en réalité pas le progrès : il le fait avancer, mais à condition d’être bien compris.
Les mesures prophylactiques mises en place en France comme en Belgique ressemblent plus à une prévention générale du malaise dans la civilisation qu’à une réelle politique de prévention des maladies contagieuses telle que nous pouvons la trouver dans certains pays d’Europe ou d’Asie.
Encore un effort pour être sanitairement républicain et efficace.
© Michel Rosenzweig
Michel Rosenzweig, philosophe de formation (histoire de la philosophie, ULB) et psychanalyste, s’intéresse à la géopolitique, et notamment aux enjeux relatifs à la montée de la nouvelle judéophobie inscrite dans l’idéologie de l’islam politique radical et conquérant. Il a, par ailleurs, travaillé dans le domaine de la recherche sur les psychotropes (drogues légales et illégales, médicaments) pendant de nombreuses années, en se spécialisant dans la gestion des consommations, des comportements à risques, des dépendances et des addictions, et a publié à ce sujet: Notamment Drogues et civilisations, une alliance ancestrale, préfacé par le Prof. Bernard Roques de l’Académie des Sciences de Paris, De Boeck Université, Paris Bruxelles, 2008.
Rosenzweig écrit pour Metula News Agency, Guysen news international et Causeur.
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