Hier, alors que d’un coup, d’un seul, la presse internationale à l’unisson s’interrogeait sur les méthodes chinoises concernant la communication et la liberté d’expression, alors que notre Président mettait en doute[1] la transparence de Pékin dans sa gestion de l’épidémie, la Chine révisa son bilan, l’ajustant à quelque 1 290 morts supplémentaires à Wuhan.
Rappelons combien ce bilan de l’épidémie de Covid-19 en Chine fut discuté, même s’il nous fut répondu que, décédés chez eux faute de pouvoir être pris en charge dans les hôpitaux, certains patients ne furent pas inclus dans le bilan officiel. (Sic)
Voilà désormais, pour la seule ville de Wuhan, un bilan de 3 869 morts, pour 4 632 décès et 80 000 contaminations en Chine, dont 50 333 à Wuhan. 3869. Nous revient en mémoire la forte affluence, fin mars, dans les funérariums de Wuhan, où les habitants venaient chercher les cendres de leurs proches morts durant les deux mois de confinement, images qui nous avaient tous laissés perplexes quant à la véracité du bilan officiel.
Des hypothèses
La Chine imagine-t-elle sérieusement que ce bilan officiel fera taire les spéculations, qu’il s’agît des odieuses théories complotistes – Yves Lévy n’a-t-il pas inauguré le laboratoire P4 de Wuhan d’où le virus est sorti – et les interrogations légitimes, amenant à formuler des hypothèses ?
Hypothèse : le mot, à défaut et parfois à volonté confondu avec les théories complotistes, désigne pourtant une proposition que l’on se contente d’énoncer sans prendre position sur son caractère véridique, c’est-à-dire sans l’affirmer ou la nier : Il s’agit donc d’une simple supposition. Une fois énoncée, une hypothèse peut être étudiée, confrontée, utilisée, discutée ou traitée de toute autre façon jugée nécessaire, par exemple dans le cadre d’une démarche expérimentale.
C’est exactement de quoi il est question à propos du Covid-19. De la pandémie.
Alors que d’aucuns s’interrogent pour savoir si le dénommé SARS-CoV-2 avait pu être créé en laboratoire, d’autres, plus imprudents que téméraires, l’affirment[2], établissant un lien entre le Covid-19 et le VIH : c’est qu’il est de plus en plus malaisé de taire l’implication de la Chine dans l’origine de la pandémie et de s’interroger sur la façon dont ce virus s’est propagé, contaminant la planète. D’évidence, chacun aurait aimé entendre l’Institut, lequel invoque un devoir de réserve.
Du Washington Post qui nous rappelle avoir eu accès à des mémos de la diplomatie américaine, laquelle aurait, depuis 2018, alerté Washington de risques de sécurité à l’Institut de Virologie de Wuhan, aux propos assénés par notre Prix Nobel de médecine, lequel assure avec certitude que le virus du Covid-19, travail très minutieux d’horloger, d’apprenti sorcier, sortait dudit laboratoire, où il aurait été fabriqué, peut-être dans l’optique d’en faire un vaccin contre le SIDA, en passant par la communauté scientifique internationale qui, se basant sur le séquençage du SARS-CoV-2 et son code génétique, exclut d’une même voix l’hypothèse d’un virus fabriqué par l’homme : tous désormais ont envahi les plateaux télé et radio, l’argument d’autorité passant en boucle pour nous répéter qu’il convenait de cesser nos élucubrations, balayant encore l’hypothèse qu’un laboratoire chinois eût possédé, sans l’avoir fabriqué, le SARS-CoV-2 et que celui-ci s’en fût échappé accidentellement.
Moult enquêtes étant lancées, nous voilà tous d’accord sur un point : étant donné le degré d’incertitude à ce jour, les débats quant aux origines du Covid-19 sont loin d’être clos.
Où est passée Huang Yanling
Pour autant, revenons un instant à Wuhan. Au laboratoire de l’Institut de Virologie précisément. Huang Yanling ? Ce nom vous dit-il quelque chose ? Elle est l’une des chercheurs évaporés dans la nature. Des collègues la donnent pour le fameux patient zéro du Covid-19, affirmant que Huang serait morte de la maladie. Mais la presse officielle chinoise répond que la jeune femme travaille désormais dans une autre province. Quant à l’Institut de virologie, après avoir dans un premier temps, nié la présence de la chercheur parmi ses équipes, il dut bien la reconnaître, son nom ayant été trouvé sur le site internet[3]. Sa photo, elle, a disparu.
Tout cela, me direz-vous, ne prouve pas que …
Nombreux, nous aimerions bien que Huang Yanling … donne signe de vie.
Li Wenliang, Feu Li Wenliang
Et Li Wenliang, encore ? Cet ophtalmologue lanceur d’alerte de Wuhan qui affirma que sept de ses patients semblaient contaminées par le SRAS, syndrome respiratoire aigu sévère, et qu’elles étaient en quarantaine dans le service d’urgence de l’hôpital où il travaillait, à Wuhan. Li Wenliang venait de donner l’alerte sur un nouveau coronavirus, qui allait être officiellement identifié par les autorités chinoises comme le 2019 n-CoV … le 7 janvier.
Ce père de famille, dont l’épouse allait mettre au monde un deuxième enfant, est devenu symbole de la répression, patient contaminé mais encore martyr officiel … bien encombrant. Il mourut le 7 février à 34 ans, et depuis, quelque 1,4 million d’abonnés en colère viennent se recueillir sur sa page du réseau social Weibo, appelée par d’aucuns le mur virtuel des lamentations chinoises, et y dénoncent les ratages originels du régime face au virus mais surtout la réécriture de l’histoire de l’épidémie par la propagande, qui a le front de parler de victoire du Parti dans cette guerre patriotique, le tout sous la houlette du président Xi Jinping.
Sur le mur de Li, 800.000 messages postés depuis le dernier message du médecin sans doute contaminé par ses propres patients à l’hôpital central de Wuhan et qui annonçait le 1er février, soit une semaine avant de décéder, qu’il avait été finalement diagnostiqué positif.
Ne taisons pas la manipulation du Parti qui ose récupérer, après l’avoir muselé et à défaut de pouvoir l’effacer, le visage et le nom du jeune médecin qui pointa les manquements du régime : n’avait-il pas, le 30 décembre 2019, alerté via la messagerie chinoise WeChat ses collègues diplômés de l’école de médecine des dangers d’une mystérieuse nouvelle pneumonie ? Il fut aussitôt convoqué par la police de Wuhan, avec ses 7 collègues, pour avoir répandu de fausses rumeurs, forcé à signer une déclaration stipulant que son avertissement se basait sur une rumeur infondée, et le pouvoir put étouffer la nouvelle jusqu’au 20 janvier, niant toute transmission d’homme à homme du virus et laissant la maladie se répandre en silence à travers la capitale du Hubei et au-delà.
Ai Fen est-elle libre de ses paroles
Et Elle ? Ai Fen ?
Cette Directrice des urgences à l’hôpital central de Wuhan en savait trop elle aussi. Elle fut sommée par le chef de l’établissement de cacher la nouvelle[4] même à son mari. Depuis ? Depuis, Ai Fen a posté une vidéo d’elle en blouse blanche ; elle y jure que tout va bien, démentant ainsi les rumeurs sur sa disparition. Une video qui fit dire à nos collègues de RSF, inquiets du sort de trois journalistes chinois, Chen Quishi, Fang Bin et Li Zehu, qui enquêtaient à Wuhan, qu’ils espéraient qu’il ne s’agissait pas là d’une mise en scène du régime.
Censure encore. L’ONG Human Rights Watch, par la voix de son directeur Kenneth Rotha, a accusé Pékin de faire taire les critiques sur la riposte chinoise à l’épidémie de pneumonie virale, et a encore dénoncé l’élimination de rapports sur le virus en Chine au cours des premiers jours de l’épidémie : L’heure est à la transparence totale, même si elle est embarrassante, car la santé publique doit passer avant la préservation d’un pouvoir politique particulier.
Pour info : la Cour suprême de Pékin réhabilita le 28 janvier huit de ces médecins-lanceurs d’alerte, – dont Li Wenliang – qui avaient tenté d’avertir la population au début de l’épidémie : il fut concédé que l’information délivrée par les huit personnes n’était pas fabriquée de toutes pièces, rapporta Le Monde: Ça aurait été une bonne chose que le public se fie à cette rumeur, commence à porter des masques, prenne des mesures pour se protéger et évite le marché aux animaux sauvages de Wuhan, écrit le juge rédacteur de ce rapport.
Wuhan, « la plus française des villes de Chine »
On dit de Wuhan, 11 millions d’habitants, que c’est la plus française des villes de Chine, avec sa centaine d’entreprises françaises, telles Peugeot-Dongfeng, Renault, L’Oréal ou encore Pernod-Ricard…
Pour info, c’est en 2004 que la France et la Chine décident de s’associer pour lutter contre les maladies infectieuses émergentes et que l’idée du P4 prend forme. S’il était prévu dès 2017 que 50 chercheurs français viendraient en résidence au P4 de Wuhan pendant cinq ans, la chose ne se fit jamais. Si la mise en exploitation du labo a lieu en janvier 2018, lors de la première visite d’État d’Emmanuel Macron à Pékin, il semble que la coopération franco-chinoise ne se fit pas non plus : Les Chinois travaillent sans regard extérieur de chercheurs français, affirma Alain Mérieux à Radio France.
Stoooooop : Vous êtes priés d’arrêter là et d’attendre. Peut-être plusieurs années pour que des études scientifiques confirment les origines de la contamination : ce fut le cas pour l’épidémie de SRAS de 2002-2004.
C’est une fois de plus le Sans dot de Molière, auquel vous êtes sommé d’acquiescer : Vous n’êtes pas un scientifique Et vous vous mêleriez de parler de manipulation intentionnelle de laboratoire possible.
Vous insistez ? Mais oui. Chacun sait que le
labo P4 – en référence aux pathogènes de classe 4 que le niveau de
sécurité du labo permet de manipuler – hébergeait quelque 1.500 spécimens
différents des souches les plus dangereuses des virus connus, permettant ainsi
de mener des recherches de pointe pour réagir à l’apparition de maladies
infectieuses. Mais chuuut. Qui vous a dit qu’il travaillait aussi pour des
recherches en armes biologiques ?
[1] Clairement, des choses se sont produites que nous ne savons pas, estime le Président de la République dans un entretien au Financial Times. Ne soyons pas naïfs au point de dire que la Chine a été meilleure que nous.
[2] Professeur Luc Montagnier, Prix Nobel de médecine.
[3] RFI
[4] Interview accordée le 10 mars.
La paille dans l’œil du voisin…
Je trouve admirable la façon dont la Chine gère 1 milliard et demi d’individus. J’aimerais bien que la France en prenne de la graine. Déjà nos banlieues iraient mieux. Et le reste aussi…
Salutations communistes !
D’accord avec vous, Yossi.
Et en colère contre les pseudo-infos glissées subrepticement dans cet article comme si elles étaient acquises : « Yves Lévy n’a-t-il pas inauguré le laboratoire P4 de Wuhan d’où le virus est sorti »….
C’est une hypothèse non démontrée et qui ne le sera probablement jamais.
Elle laisse d’ailleurs entendre que le virus fut « fabriqué » dans ce laboratoire.
Or, aucun doute ne subsiste sur son évolution naturelle, sans intervention humaine.
Ainsi que le titre « folie communiste ». Le dire c’est ne rien y connaitre.
La Chine, depuis des décennies, est un régime autoritaire capitaliste ; quel que soit son nom officiel.
au contraire, il y a tous les doutes sur l’origine du virus; l’hypothese d’une sortie accidentelle d’un des sept complexes de labo hautes sécurité, est parfaitement envisageable (P3-P4 labo national zhengdian, P3 institut de virologie , P3 Wuhan university, P3 Huazhong university, P3 hubei CDC, P3 Hubei animal CDC, P2 Wuhan CDC);
et la chine n’est pas capitaliste, mais socialiste, dictature du parti communiste;
Comme d’habitude, merci pour cet article.
Juste quelques réflexions : en France comme en Chine, il ne fait pas bon se retrouver à l’hôpital, même si là-bas la mortalité est moindre que chez nous : 5,6% chez eux contre 12,9% chez nous, (source : w o r l d o m e t e r s.i n f o/c o r o n a v i r u s).
Ensuite, question réhabilitation, ils sont quand même plus rapides que nous (une semaine chez eux, des années chez nous). Bon je dis ça, je dis rien, on ne tire pas sur les ambulances en temps de guerre.
le labo P4, ce n’est pas du complotisme: depuis 18 ans, on y étudie les coronavirus; les chercheurs, dont Shi Zhengli, a été chercher des chauves-souris dans divers endroits de Chine, du Zhejiang, Yunnan, et a ramené au labo de l’Institut de Virologie de Wuhan des échantillons infectés; elle a découvert l’origine du virus de SRAS dans des chauves-souris du Yunnan, Jinning, grotte Shitou. d’autre part, le labo P4 a mis 14 ans à se faire, de l’accord Franco-Chinois de 2003 à son accreditation en 2018; beaucoup de problemes; l’entreprise de construction qui devait être française expérimentée a été une entreprise chinoise non expérimentée IPPR. enfin, la gouvernance de l’institut de virologie de Wuhan est en doute, après avoir nommé à sa tête une femme de 37 ans, Wang Yanli, inexpérimentée; le pangolin incriminé venait de Malaysie (capturé en opération anti braconnage à la frontière); les chauves souris du Yunnan ou Zhejiang; comment ont-elles fait pour venir à Wuhan? On sait que le premier malade testé n’a jamais eu de rapport avec le marché aux poissons de Wuhan; et on sait qu’on n’y vendait pas de chauve-souri. où sont tous les animaux du marché aujourd’hui? bref, pas de preuve, mais une probabilité très haute que le virus vienne du labo.