Malgré une densité de population quatre fois supérieure à celle de la France et un système de santé publique moins largement pourvu, Israël ne déplore que 44 morts du Covid-19 sur son territoire. Le mérite en revient à la mobilisation de l’État, de l’armée et de la société civile ainsi qu’à la fermeture des frontières dès le début de la crise.
Dans la catégorie des pays qui, pour diverses raisons, sont mieux parvenus à endiguer l’épidémie de Covid-19, on trouve Israël. Au 4 avril 2020, le directeur du ministère de la santé Moshe Bar Siman Tov – homologue israélien de Jérôme Salomon – rapportait 7589 cas confirmés dont 44 morts, 115 dans un état grave et 427 guéris, soit un taux de mortalité de 0,57%, chiffre à comparer avec le tristement élevé 12% d’une Italie qui commence heureusement à percevoir des jours plus favorables.
Comment expliquer une telle résilience de l’État juif, dont la densité de population est plus de quatre fois supérieure à celle de la France et dont le système de santé publique – bien réel depuis la loi de Santé publique de 1995 – est beaucoup moins largement pourvu que le nôtre ? Au-delà de l’avantage que représente évidemment une plus faible population, il semble que c’est bien un modèle politique et une certaine conception de la solidarité nationale qui représente l’une des forces majeures d’Israël pour résister à la crise.
Raisons d’État
L’efficacité étatique a été remarquable. Dans un pays où d’usuel les tergiversations démocratiques font loi et où trois élections législatives en un an n’ont pas suffi à doter le pays d’une coalition pérenne capable d’installer un Premier ministre à sa tête, la classe politique a su se remettre en rang et prendre des décisions quasi-unanimes. En témoigne la fermeture rapide des frontières aériennes aux touristes venant « de France, d’Espagne (…) d’Allemagne » dès le 6 mars, là où Emmanuel Macron déclarait encore dix jours après que « le virus n’a pas de passeport ».
Ces décisions ont été prises malgré le chaos politique né des élections du 2 mars et des procédures à l’encontre de Benyamin Netanyahou. La raison d’État prenant le pas, un gouvernement de coalition entre le Likoud et Benny Gantz a émergé pour assurer au moins six mois la gestion de l’épidémie. Qu’il s’agisse d’une manœuvre politique ou d’un effort en faveur de l’intérêt général, la décision a pris le pas sur la délibération.
Le nerf de la guerre
Si d’aucun filent la métaphore de la guerre, Israël a su tirer profit de l’expérience d’un état d’urgence permanent depuis 1948. Avec une vigueur peu commune, le pays a su mobiliser et mettre en symphonie toutes ses forces et développer parfois des solutions peu orthodoxes. Pour assurer l’approvisionnement en matériel, qui s’est révélé être le nerf de cette « guerre » mondiale, le Mossad a rapatrié plus de 8 millions de masques et quelques respirateurs des pays du Golfe, en plus d’une commande massive de 11 000 respirateurs et d’une production locale qui devrait avoisiner les 7 000. L’inventivité technologique des unités d’élite a également servi à trouver un substitut aux respirateurs ou à créer des masques réutilisables.
L’intrication profonde entre l’armée et la société civile a également été d’une grande aide. D’un côté, une société civile disciplinée et animée d’un puissant sentiment de solidarité nationale n’a pas eu de mal à se conformer aux exigences de confinement – bien que les religieux qui peuvent être dispensés du service militaire aient été moins scrupuleux. De l’autre côté, les effectifs de l’armée ont pu prêter main forte aux services civils, dans des opérations telles que « Gardiens de l’âge d’or », déployant un millier de soldats pour fournir nourriture et médicaments aux personnes les plus fragiles. La gestion de l’épidémie fut tant guidée par une organisation militaire et sous-tendue par le patriotisme que le ministre de la Défense Naftali Bennett a demandé à ce que plusieurs prérogatives lui soient transférées.
L’armée mobilisée
Enfin, l’armée participe au confinement dans les grandes villes et à des missions d’informations comme à Bnei Brak, où une partie de la population orthodoxe a refusé d’appliquer le confinement. On peut entendre ceux qui fustigent un encadrement militaire et technologique trop strict, ou ceux qui doutent de l’honnêteté du personnel politique. Par ailleurs, il est trop tôt pour tirer un trait en bas de l’addition, et chaque pays a dû composer avec des réalités culturelles, démographiques et géographiques bien propres qui ne dépendent pas seules d’une volonté d’action subite. Mais la gestion israélienne de l’épidémie – mélange étonnant de rigueur militaire et d’une inventivité citoyenne au service de sa nation chérie – a de quoi inspirer et fait une fois de plus la lumière sur un État qui n’a pas fini de surprendre.
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