Les réfugiés, les juifs et HIAS en Europe

Lorsque j’ai ouvert le nouveau bureau européen de HIAS (la Hebrew Immigrant Aid Society) dans la capitale belge à la fin de l’année dernière, je pensais savoir quels grands défis m’attendaient : établir des relations avec les institutions officielles de l’UE et offrir aux communautés et aux individus juifs européens la possibilité de s’intéresser plus, par le biais d’une organisation juive, aux problèmes humanitaires et à ceux posés par les déplacements forcés. Après avoir secouru des Juifs persécutés et les avoir aidés à se réinstaller dans des pays où ils peuvent être en sécurité et reconstruire leur vie, HIAS œuvre à présent pour les réfugiés chrétiens, musulmans et autres réfugiés du monde entier.

Chad: Photo by Glenna Gordon

Comme presque partout en Europe, le COVID-19 nous a poussé à nous adapter. Il a donné un nouveau sens à notre mission, mais aussi construit de nouveaux obstacles. Nos activités destinées aux réfugiés à travers l’Europe pour Shabbat, qui devaient permettre aux congrégations et aux groupes juifs de partager l’expérience du Shabbat avec des réfugiés, ont à présent lieu en ligne. Notre Seder pour les réfugiés, ainsi que d’autres activités de mobilisation communautaire prévues avant l’été, ont toutes été annulées. Le Refugee Aid Service Corps, un programme qui place, pendant les mois d’été, des chefs de mouvements étudiants juifs européens dans les bureaux de HIAS sur le terrain en Afrique et en Amérique latine, a été gelé.

Malgré ces obstacles, nous continuons notre travail pour prévenir, atténuer et réduire la propagation du COVID-19 parmi les communautés de réfugiés en leur donnant des informations essentielles sur le virus, comment accéder à leurs droits aux soins médicaux et comment rester en sécurité. Nous trouvons également des moyens d’offrir nos services à distance, notamment en fournissant des informations pertinentes aux réfugiés, en évaluant leurs besoins essentiels et en fournissant des conseils personnalisés.

Lesbos : MANDATORY CREDIT: Bill Swersey

En effet, les réfugiés sont les plus à risque. Ils vivent dans des endroits surpeuplés et dans des conditions souvent insalubres, avec des services de santé médiocres et un accès limité à l’eau potable. Ils n’ont pas le luxe de la « distanciation sociale ». En Grèce par exemple, HIAS travaille avec des réfugiés et des demandeurs d’asile sur l’île de Lesbos. Début mars, le gouvernement grec a suspendu les nouvelles demandes d’asile et envoyé des troupes à la frontière turque pour bloquer les réfugiés. Les déplacements des réfugiés ont été restreints, les exposant à la maladie dans des camps sales et surpeuplés. Alors qu’un seul cas a été enregistré sur les cinq îles grecques qui abritent 42 000 réfugiés, les experts disent que le coronavirus se propagera de manière incontrôlable s’il atteint les camps. HIAS Grèce s’est jointe à d’autres agences humanitaires de premier plan pour demander au gouvernement grec de mettre les demandeurs d’asile en lieu sûr.

Les Juifs comprennent les dangers auxquels sont confrontés les réfugiés, en particulier pendant les pandémies. Plus que tout autre, ils doivent veiller à éviter de blâmer les étrangers pour les maladies. Tout au long de notre histoire, nous les Juifs avons été amplement blâmés pour tous les maux. Je pense en particulier à responsabilité qu’on a voulue nous faire porter pour la peste (ou la Mort noire) qui a décimé les peuples d’Europe au 14e siècle.

La fête de Pessach approche, elle est l’une des plus anciennes représentations symboliques de l’expérience de réfugiés vécue par les Juifs. Pendant une grande partie de notre histoire, nous avons été des migrants nous-mêmes, fuyant la persécution, les conflits et la faim. Alors que plus de personnes sont déplacées par la violence et la persécution que jamais auparavant, ces puissants symboles de souffrances inimaginables mais aussi de la résilience et de l’espoir sans fin des réfugiés sont particulièrement poignants.

Cette année, la crise sanitaire empêchera de nombreuses familles de se rassembler pour le seder. Alors que les familles seront dispersées dans différents endroits, le seder de cette année offre une occasion unique de réfléchir aux limites de notre liberté – et les dangers auxquels sont confrontés les autres, comme les réfugiés. Pour Pessach, HIAS propose, gratuitement, sa propre Haggadah. Le livre explore le « lien entre l’histoire de la Pâque antique et les réfugiés d’aujourd’hui ». Il se peut que nous ayons l’ordre de rester confinés à domicile pour les vacances de cette année. Ma propre famille sera en Israël et aux Pays-Bas, pendant que je célèbrerai à Bruxelles. Cette année, ensemble via Zoom, à la fin de notre seder virtuel, nous chanterons, « l’an prochain à Jérusalem » – avec un peu de chance, sans quarantaine de 14 jours.

Ilan Cohn                                                                                                           Directeur, HIAS Bruxelles

HIAS mets régulièrement à jour sa page de réponse au COVID-19. Vérifiez ici les dernières mises à jour.

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