De nombreux détracteurs de la politique israélienne (et cela quelle qu’elle soit : celle de Barak pas moins que celle de Netanyahou), des gens de gauche, des sionistes « pluriels et féconds » nous reprochent « l’indigénisme juif », l’outrecuidance, le manichéisme argumentatif, la droitisation, l’identitarisme, le racisme, le fascisme, la « musulmanophobie ».
Comme si être pro-israélien, impliquait forcément d’être tout cela. Force est de constater, que la plupart de ces réactions proviennent de gens qui mettent en avance leur judéité pour proclamer leur désaccord avec nos analyses.
Nos contradicteurs nous reprochent de ne pas faire preuve d’objectivité et de ne pas citer les travaux des gens qui « critiquent la politique du gouvernement d’Israël ». Il est curieux que nos lecteurs et critiques n’arrivent pas à comprendre que nous analysons les discours antisémites et leurs ressorts culturels, religieux, politiques et rhétoriques mais que nous ne prétendons pas faire de la politique. En écrivant ce billet de réaction à une avalanche de désapprobations, anathèmes, désaccords et leçons de morale, je me suis souvenue de la préface que Jacques Givet donné à son livre écrit en 1968 La gauche contre Israël ?
L’éditeur en chef de la maison d’édition avait annoncé que son essai ne pouvait être publié que comme un pendant d’un autre essai, pro-arabe. Givet avait alors rétorqué, qu’être pro-israélien ne revenait pas à être anti-arabe, que la gauche était en train de trahir sa raison d’être et que l’antisémitisme et l’antisionisme de la gauche traduisait un « néo-antisémitisme », qui étant le plus souvent inconscient, se couvrait toujours du masque de la bonne conscience.
La ‘’Lettre ouverte au président de la République’’ – signée par moi-même avec mes collègues : Roland Assaraf et Georges-Elia Sarfati- a provoqué l’ire de certains membres de la communauté universitaire qui ont exprimé leur « désaccord total »[1] avec l’analyse, certes, schématique des discours antijuifs, mais cela est inhérent au genre de la lettre ouverte. Il est curieux de voir qu’à chaque fois que nous analysons les discours politiques et médiatiques français qui portent en germe ou ouvertement l’intention de délégitimation d’Israël, à chaque fois que nous dénonçons les auteurs de ces discours, qui adoptent de surcroît le ton des donneurs de leçons- tels des curés s’adressant à leurs ouailles irrespectueux de la bonne parole- ces intellectuels nous reprochent d’appartenir à « la droite israélienne dure », de faire partie de « l’officine du Likoud ». Alors que pas une seule fois, nous ne nous sommes prononcés sur la politique d’Israël ou sur le Premier Ministre B. Netanyahou.
Nous avons parlé de mots, de leur manipulation, de leur désémantisation dans le discours médiatique français, nous avons analysé le dispositif discursif à l’œuvre dans des textes et des interviews, des tribunes et des pétitions, dans des émissions télévisées et radiophoniques, nous avons porté une attention particulière aux discours des meurtriers des Juifs et nous les avons comparés avec les discours médiatiques francophones. Il est étonnant que tant de gens instruits prennent des mots pour des choses et prétendent ignorer la portée du langage à l’œuvre dans la construction de l’idéologie, en dépit de leur grande culture philosophique et littéraire.
Le fait de contester le vocabulaire institué par les décennies de domination du dispositif anti-israélien qui a réussi à tisser une vision fausse des Juifs et d’Israël, cela provoque la colère. Il est assez cocasse de nous reprocher de ne pas prendre à notre compte les éléments de langage doxiques de l’AFP : « droit international », « colons », « occupation », « oppression ». Nous montrons que ces mots sont utilisés pour légitimer le meurtre des Juifs. Car ils ont un sens précis dans les textes analysés, ils ne se réfèrent pas à « la politique israélienne », mais à la présence juive, désignée comme illégale à Jérusalem et en Judée. Si les Juifs sont tués en France et en Israël, c’est parce qu’ils sont Juifs et que les Juifs n’ont rien à faire, là où ils sont.
C’est ce que disent M. Merah, A. Coulibali et les frères Kouachi (terroristes français), c’est ce que répète sans relâche le discours médiatique européen. Et ceux qui s’indignent contre le constat de l’influence de ces mots sur les comportements meurtriers, ne font rien d’autre que de valider ces discours.
Parmi d’autres indignations universalistes qui s’expriment dans des textes signés par des « intellectuels juifs » et que nous analysons, « la critique de l’Etat d’Israël » consiste à postuler que l’identité juive est « dangereuse pour la démocratie ». C’est ce qu’a dit un sociologue « cosmopolite », mais d’origine juive qui se met en scène quand cela l’arrange, Alain Policar.
De même, une tribune exprimant son désaccord avec la loi récemment votée en Israël sur l’autodétermination du peuple juif, explique aux lecteurs de Libé que le principe d’une majorité juive est pernicieux pour la préservation du caractère démocratique de l’Etat d’Israël (voir ici). On aboutit à des apories dont certains ne se rendent pas compte. Mais peu leur chaut, l’essentiel est d’afficher un ethos vertueux, moral, universaliste, anti-communautaire et donc anti-juif.
Naturellement, selon cette logique, lorsqu’on se pose comme universaliste, on ne peut pas approuver le caractère particulier d’un Etat. Bizarrement, il s’agit du seul Etat au monde, dont on n’approuve pas le caractère particulier et qu’on accuse d’identitarisme. Dès qu’il s’agit de considérer les autres Etats qui s’étalent à la surface de la Terre, l’universalisme de ces détracteurs se dissipe entièrement. Personne ne critique la Russie d’être russe ou la Turquie d’être turque ni l’Arménie d’être arménienne. Mais l’idée et le fait qu’Israël possède un caractère juif, et que cet Etat défende son caractère juif, cela constitue une atteinte à la démocratie, c’est du communautarisme à l’état pur, cela va sans dire !
Le paradoxe consiste pour les indignés à mettre en avant leur judéité pour mieux s’en dissocier. Je suis Juif, mais c’est pour dire que je critique le caractère juif de l’Etat d’Israël. Je suis Juif, mais un peu, en privé, pour raconter des blagues juives aux copains. Je suis Juif universaliste et humaniste, et c’est à ce titre que je critique « la politique du gouvernement d’Israël » (expression devenue figée tant elle est rabâchée et matraquée), et surtout je suis Juif pour mieux taper sur d’autres Juifs qui ne critiquent pas cette politique comme il se doit dans les milieux universalistes, humanistes et pacifistes.
Regardez, je suis comme vous, je critique « la politique d’Israël », j’adhère à la thèse de la « colonisation » (commune à l’AFP et au discours officiel, au discours du Hamas comme à celui d’un grand nombre de pays Arabes pour qui la « colonie » c’est tout le territoire de l’Etat d’Israël, sans exception). L’universalisme soucieux de tous les peuples sur Terre, sauf pour les Juifs ? L’universalisme qui reconnaît le nationalisme palestinien, russe, turc, iranien, égyptien, mais qui rejette en bloc celui des Juifs ? Au fond, lorsque des Juifs qui critiquent « la politique d’Israël » – authentique motif obsessionnel- se disent « universalistes » aujourd’hui, que veulent-ils dire ? Qu’ils ne sont pas Juifs, car ils font partie de l’humanité sans autre spécification. Et par là, ils ne font que contribuer à nourrir les stéréotypes anti-juifs : traîtrise, couardise, double allégeance, etc.
Les Juifs ont vaincu leurs ennemis au cours des guerres successives, mais vaincre des ennemis c’est faire du mal, c’est faire souffrir l’ennemi ! Danièle Sibony a finement analysé ce phénomène dans son Enigme antisémite. Avoir des ennemis, c’est suspect, cela prouve qu’on leur a fait du mal, on les a fait souffrir, sinon pourquoi seraient-ils des ennemis ? Dans le monde sans frontière, il n’y a que de l’amour universel pour le prochain, et si ce prochain ne vous aime pas, tant pis pour lui ! C’est la logique paulinienne qui est toujours à l’œuvre dans la posture morale de ces gens. Quand Alain Policar défend le cosmopolitisme et en fait un objectif social (voir : Comment peut-on être cosmopolite ?), il se place dans cette logique-là.
Toute différence est perçue comme « communautarisme et identitarisme » sans voir que la religion de l’universalisme cosmopolite n’est rien d’autre qu’un autre type d’identité. L’identité flottante, floue, « fluide », comme il est de coutume de dire chez les post-modernistes- progressistes. Et ce qui caractérise cette position, c’est l’intolérance à toute autre identité que la leur. Evidemment, les Juifs représentent une résistance à cet idéal. Tout Juif est suspect de s’opposer à l’idéal par le fait qu’il est Juif. Ces Juifs cosmopolites, universalistes, républicains qui se voient dans la place que leur accorde Stanislas de Clermont-Tonnerre (« Il faut refuser tout aux juifs comme nation et tout accorder comme individus ») sont excédés par l’existence de ceux parmi les Juifs qui mettent en cause l’idée « d’universel » sans préconiser aucune identité particulière.
Et pourquoi faut-il que tous les suivent ? Pourquoi faut-il s’adopter les postures morales des faux dévots comme celle d’Edgar Morin, ou de ses clones d’une moindre envergure, mais dont la posture n’est pas moins absurde, ni abjecte quand on pense aux implications pratiques de leur idéologie. Leurs slogans simplistes sont nourris par la propagande islamo-gauchiste et sont fondés sur l’ignorance de la réalité et sur la croyance aux idéaux : « Les Juifs qui furent victimes de l’ordre impitoyable imposent leur ordre impitoyable aux Palestiniens. Les Juifs victimes de l’inhumanité montrent une terrible inhumanité. Les Juifs bouc-émissaires de tous les mots bouc-émissarisent Arafat et l’Autorité Palestinienne »[2].
Après tout, rien d’étonnant, Morin étant un Juif non Juif, mais « un petit juif » de Leila Shahid quand-même, ce dont il s’enorgueillit (voir P. A. Taguieff (2018 : 73)
« Dans son livre d’entretiens avec Tariq Ramadan, Au péril des idées, publié en 2015, Edgar Morin raconte qu’il s’était lié avec Leïla Shahid, ancienne délégué de l’Autorité palestinienne en France, laquelle avait l’habitude de dire à propos de lui-même, de Stéphane Hessel et de quelques autres personnalités juives qui manifestaient pour la Palestine : « Je mets mes petits Juifs en tête du cortège » » ( Leïla Shahid, citée par Edgar Morin, in Edgar Morin & Tariq Ramadan, Au péril des idées. Les grandes questions de notre temps, entretiens avec Claude-Henry du Bord, Paris, Presses du Châtelet, 2014, p. 185.)
Tous ne vont pas jusqu’au masochisme de jouir de l’humiliation publique comme le fait Morin, cela va sans dire. Mais quand-même, qu’y a-t-il sur le fond, dans ce phénomène d’embarras typiquement juif, dans ces déclarations empressées sur la place publique : nous ne sommes pas comme vous (alors que nous n’avons rien demandé à personne en faisant nos analyses) ? Pourquoi sont-ils si gênés, si agacés, si inquiets, si acharnés à crier leur universalisme –ou, selon les circonstances : leur cosmopolitisme ou leur antiracisme, ou je ne sais quoi d’autre sur tous les réseaux, listes, associations, etc. ?
Pourquoi, lorsque l’on montre les ressorts du discours anti-Israélien généralisé, nous taxent-ils d’indigènes, de communautaristes ou de sectateurs de l’extrême droite. Et si un non-Juif défendait Israël, serait-il communautariste aussi ? Pierre-André Taguieff l’est-il ? Guy Millière l’est-il ? Menahem Macina aussi ? Vraiment ? Et que faire avec ces goyim qui défendent Israël ? Seraient-ils eux-aussi, des envoyés de l’officine du Likoud ? Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. Et quand on veut noyer son conformisme, on dit que l’autre est fasciste. Les intellectuels juifs de gauche cherchent à fournir une caution à la gauche socialiste en adoptant le discours anti-Israélien, sa phraséologie qui explique le monde. Les mots qu’ils prennent à leur compte : « colonies », « occupation », « discriminations », sont aussi les mots qui conditionnent leur pensée, ces mots relèvent au sens fort du révisionnisme historique.
Tout se passe comme si en pointant le double discours politique et médiatique qui d’une part condamne l’antisémitisme, et de l’autre ouvre grandes les portes aux pogroms à venir, on privait ces juifs de leur identité de « citoyens » républicains. Ils reconnaissent bien sûr, que les Juifs sont la cible de l’antisémitisme, ils disent combattre l’antisémitisme, mais lorsqu’il s’agit de défendre le droit d’Israël à se défendre, ou son droit à dénoncer le double standard systématiquement adopté à son égard, son droit à montrer que derrière les déclarations d’amitié se cache le cynisme le plus absolu, ils ne sont plus Juifs mais « citoyens » compréhensifs de cette politique.
Ils se battent avec les mouvements décoloniaux, avec le PIR, parce qu’ils ont peur – peur absolument légitime, et que nous partageons- que ces mouvements mettent à l’œuvre des moyens « anti-coloniaux » : attentats suicides, voitures béliers, égorgements sur la place publique (nous ne rappelons que ceux qui se sont déjà passés en France et ceux qui se passent en Israël tous les jours). Car pour les « décoloniaux », les citoyens français ou européens sont des « colonisateurs ». Alors, ces Juifs sont les premiers à combattre ces idéologies dangereuses.
En revanche, lorsqu’il s’agit d’Israël, leur position est toute autre, ils condamnent les ripostes de l’Etat Hébreu (toujours qualifiées de « disproportionnés », selon une terminologie éculée), ils condamnent la « colonisation », « l’occupation » et se font bien voir par tous les gens « bien »: « antiracistes », « humanistes », « pacifistes », etc.
« Le problème n’est pas l’antisémitisme »
Dès qu’il est question des discours sur Israël, la communion des condamnations forme un bel unisson. L’argument de base est le suivant: le problème n’est pas l’antisémitisme inhérent à la cause palestinienne. (Le meurtre des Juifs en France pour venger « les frères palestiniens », comme l’ont expliqué Merah et Coulibali, ne sont que les points de détail, qui n’ont rien à voir avec le vrai problème).
L’idéologie de Haj Amin al Husseini toujours vivante, le négationnisme d’Abbas et la haine féroce du Hamas : tout cela n’est pas un vrai problème. Le problème, selon les Juifs « citoyens » universalistes, qui tiennent les mêmes discours que les ennemis jurés d’Israël, est que « les Juifs sont venus occuper la terre qui n’est pas la leur ». Cela ne se fait pas. Ce n’est pas bien. C’est contraire à la loi. Le problème, selon eux, n’est pas que ce sont les Juifs qui ont envahi la Palestine, mais que n’importe qui d’autre à leur place (Lapons, Malgaches ou Esquimaux) ne trouverait pas grâce aux yeux des Palestiniens envahis.
Les Juifs sont donc « perçus » par les Arabes comme les occupants pour des raisons anthropologiques compréhensibles. Cet argument fait fi de l’histoire de la Judée, appelée Palestine depuis les temps d’Hadrien, de l’histoire du mouvement sioniste et ses rapports financiers avec l’Empire Ottoman, il fait fi du fait que le sionisme n’a rien conquis par la force, mais a progressé dans la légalité (par une politique de rachat des terres dont les différents empires les avaient spoliés), ils feignent de méconnaître quelles circonstances historiques ont présidé à l’établissement du nouveau Yishouv :
« Le nom de Judée pendant des siècles a seulement gardé tout son sens pour les seuls Juifs, exclus de l’histoire. L’histoire de cette exclusion se confond avec celle des substitutions théologiques, mais aussi avec la transmission devenue mécanique de la terminologie savante, une fois la Judée …rayée de la carte, par l’Empire Romain, et après ce dernier, par tous les empires qui se sont accaparé son sol, sa population et ses symboles. Le changement de toponyme fut la première substitution. D’autres ont suivi : terre sainte, Dar al islam, Royaume de Jérusalem, Royaumes croisés, région de la Grande Syrie, Palestine mandataire. La Palestine est un palimpseste, sa texture originaire se trouve sous tous ces recouvrements, sous lesquels se retrouve le nom de la Judée. » (G.-E. Sarfati, G.E. 2020)
Les Juifs universalistes/sionistes de gauche font l’impasse sur l’histoire ou la nient, au même titre que les ennemis d’Israël, qui, pour faire accepter leur projet génocidaire, nient tout lien historique entre les Juifs et la Terre d’Israël, et font »comme si », cette histoire n’existait pas. L’histoire commence pour eux, comme pour les détracteurs d’Israël, après 1967. Cette attitude justifie, peut-être inconsciemment, le négationnisme de la gauche. Il y a un lien entre ce négationnisme là et le prétendu universalisme. Une blague juive illustre très bien cette tendance :
A l’ONU, les Arabes et les Juifs se plaignent auprès du Conseil sur les questions de Sécurité. Un juif raconte que le roi Solomon est allé se baigner un jour, et qu’en sortant de l’eau, il n’a pas trouvé ses vêtements, sans doute avaient-ils été volés par des Arabes. Un Arabe rétorque : c’est faux, nous n’existions pas encore à cette époque-là. Le Juif répond : ‘’Voilà un bon début’’… »
L’argument des Juifs qui ne sont pas chez eux en Judée est en accord avec la théologie chrétienne, qui a interdit cette terre aux juifs en expliquant qu’ils étaient maudits et expulsés de leur terre en signe de punition divine. Le lecteur pourra se reporter à ce propos à l’étude classique de Jules Isaac : L’enseignement du mépris. Ce discours, recyclé par l’universalisme républicain post-national, a conditionné les esprits au point qu’ils ne se rendent plus compte de sa filiation idéologique.
Et puisque nos détracteurs veulent absolument parler de la politique, parlons-en.
D’aucuns nous expliquent que leur sionisme est celui d’Amos Oz, « fécond et pluraliste ». Ils sont pour ‘’la solution de deux Etats’’. Voir Amos : Oz Aidez-nous à divorcer ! Israël Palestine, deux états maintenant. Etant donné tout ce que nous connaissons des événements sur le terrain, sur les discours des dirigeants palestiniens, adressées aux Arabes et à l’Europe quelle que soit la fraction à laquelle ils appartiennent ( qu’il s’agisse de Mahmoud Abbas, du Hamas, du Fatah, du Jihad islamique), sur le désastre des accords d’Oslo, sur l’échec de Camp David, sur les Intifada successives et sur le rôle des discours européens ainsi que l’argent européen distribué aux ONG anti-israéliens, nous avons envie de rappeler quelques faits à ces adeptes des discours lénifiants :
Divorce
Lors d’un divorce, les deux parties ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, chaque côté est reconnu par l’autre. Et les parties divorcées restent éloignées l’une de l’autre. Il ne faut pas que l’un de ces Etat soit obsédé par l’annihilation de l’autre, par sa destruction et par l’expulsion de ses citoyens. Très officiellement, le but de l’Autonomie palestinienne, du Fatah, du Hamas est de libérer « la Palestine de toute présence juive ». Depuis Oslo, cette politique est très conséquente.
Ce n’est pas un Etat que les dirigeants arabes veulent à côté de l’Etat d’Israël, c’est un Etat arabe supplémentaire A LA PLACE d’Israël. Contrairement à une fausse information, qui passe pour vérité historique depuis un quart de siècle, la charte de l’OLP n’a pas aboli tous les articles qui appelaient au jihad total contre Israël, elle a maintenu l’appel à la ‘’lutte armée’’, et à ‘’la guerre de libération’’ (G.-E. Sarfati, La charte de l’OLP en instance d’abrogation, Mots/Les langages du politique, n°50, 1997)
Les salaires que Mahmoud Abbas continue de verser aux meurtriers des Juifs en les appelant « martyrs », les manuels palestiniens qui éduquent à la haine des Juifs, les émissions de télévision quotidiennes adressées aux enfants palestiniens éduqués à devenir des ‘’martyrs’’, les camps d’entraînement pour jeunes gens, dirigés par les membres du Fatah, et par le Hamas ne sont pas vraiment des signes de volonté d’un divorce paisible.
Judée Juderein ?
Deuxième point qui semble ne pas être remarqué par les universalistes sionistes – et tenants de la paix à n’importe quel prix- sont les conditions d’établissement de ces deux Etats. La Palestine est conçue comme un Etat qui s’accaparera la Judée et la Samarie au prix du départ des Juifs de ces terres. L’Etat Palestinien acclamé par les pacifistes doit être Jüdenrein, et Jérusalem en sera la capitale. Mahmoud Abbas, en refusant toute légitimité à l’Etat d’Israël, en l’accusant de « purification ethnique », parle de Jérusalem, capitale éternelle de la seule Palestine (voir ici) ; il explique que dans le nouvel Etat Palestinien, il n’y aura pas un seul juif. Ce sont les termes mêmes de sa déclaration au Caire, en juillet 2013: “In a final resolution, we would not see the presence of a single Israeli – civilian or soldier – on our lands.” (http://www.foxnews.com/opinion/2016/09/14/all-jews-out-palestine-is-not-peace-plan.html) (Dans la résolution finale, nous ne verrions aucune présence israélienne dans nos terres).
Le Hamas, pour sa part, n’a aucune intention de changer sa charte antisémite et antisioniste, ni sa stratégie de combat visant à l’extermination des Juifs. Les journalistes d’al Jazeera semblent être mieux informés ou plus honnêtes à ce propos que les journalistes français inspirés par les dépêches de l’AFP. (Voir ici). Quant à la gauche inlassablement inspirée par Amos Oz, elle prétend ignorer ces discours ou ne saisit pas le rapport entre leurs sens et ce à quoi ils font concrètement référence. Certains Juifs de gauche prétendent que ce sont des énoncés autonymiques qui ne renvoient qu’à eux-mêmes, qu’ils ne portent pas sur le monde et qu’on ne doit pas les prendre au sérieux.
Lorsque Fathi Hamad, le dirigeant du Hamas appelle ses ouailles à « tuer les Juifs » partout dans le monde (voir ici), il sait que ces meurtres seront impunis : en Europe, il suffira de fumer du cannabis, pour être déresponsabilisé et en Israël, cela incitera des gens de Shalom Ahshav à faire plus de sacrifices pour obtenir la paix. Plus la terreur augmente, plus se multiplient les concessions destinées à l’arrêter : C’est ce que nous avons vu depuis Oslo. Le plus fou c’est que les Juifs de gauche entretiennent et cautionnent ce scenario.
Quand des Juifs soutiennent l’idée de purification ethnique
Il s’ensuit que les Juifs pacifistes (de Shalom Ahshav, de JCall et JStreet) soutiennent l’idée de la purification ethnique de la Judée et de la Samarie, qu’ils soutiennent l’idée de l’expulsion de leurs terres de leurs habitants juifs, et la création d’un espace d’où ils seront les seuls exclus. En gros, ils prônent l’auto-excommunication du chœur des nations. Ils rejouent au fond, par ce genre de propositions, la vieille idéologie antijuive chrétienne qui s’allie aujourd’hui encore chez certains avec l’idéologie islamiste.
Après tout, au nom de la paix, et de leur culpabilité (par exemple, les condamnations des ripostes toujours ‘’disproportionnées’’ d’Israël), ils sont prêts à aller à l’abattoir pour se sacrifier, pour purifier leur identité malheureuse et pour sacrifier ceux parmi les Juifs qui n’ont rien demandé de tel. Cela serait cocasse, si ce n’était pas tragique de voir que ceux dont certains intellectuels veulent tellement « divorcer », viennent jusqu’aux maisons juives pour les tuer. Pour rappeler les meurtres les plus connus : la famille Fogiel en 2011, la famille de « colons », comme annonçaient tous les médias français sans exception (nous avons un corpus médiatique exhaustif), même « le bébé-colon » n’a pas été épargné ni par les tueurs ni par les médias, Hallel Ariel, une adolescente de 13 ans tuée dans son sommeil, Dafna Meir a été tuée en protégeant ses enfants, etc.
Les sommes payées aux familles de tueurs par Mahmoud Abbas ne peuvent qu’inciter les gens à aider leurs familles tout en se faisant passer par « martyr » (voir ici et ici ). Les terroristes qui restent en vie après leurs actes et qui vont en prison, continuent de bénéficier d’un salaire. Un milliard de shekels (250 millions d’euros) est la somme annuelle que l’Autonomie Palestinienne verse aux terroristes. Le meurtre des Juifs est un commerce bien réglé par l’Autonomie Palestinienne.
Parce que ce commerce s’inscrit dans l’autodétermination de ce futur Etat Jüdenrein dont rêvent les pacifistes : l’extermination des Juifs. Si on poussait la logique des concessions jusqu’au bout, les Juifs devraient partir de Tel-Aviv et de Jaffa, qui sont des villes également revendiqués par des arabes-palestiniens. Voir par exemple cette émission pour enfants de la télévision palestinienne (ici).
Toute cette discussion montrent que l’idéologie qui sous-tend ‘’la solution à deux Etats’’, au prix de toutes les concessions, est à la fois suicidaire et génocidaire.
Bibliographie
Givet, J., La gauche contre Israël ? , Editions J.J. Pauvert, 1968.
Morin, E. Sallenave; D. , Naïr, S, tribune dans Le Monde « Israël. Palestine : le cancer », 4 Juin 2002.
Oz, A. (2004), Aidez–nous à divorcer. Israël Palestine. Deux états maintenant. Paris, Gallimard.
Policar, A., Comment peut-on être cosmopolite ? Paris : Le bord de l’eau, 2018.
Sarfati, G. –E., Comprendre le sionisme. Panorama historique et politique, Paris, Les Etudes du Crif, n°58, 2020.
Sarfati, G.E., « La charte de l’OLP en instance d’abrogation », Mots/Les langages du politique, n°50, 1997.
Sibony, D , L’énigme antisémite, Paris, Le Seuil, 2004.
Taguieff, P.A., La judéophobie. Nouvelle vague. Paris, Fayard, 2018.
Lien URL à consulter
https://www.liberation.fr/debats/2018/10/16/pour-l-egalite-de-tous-les-citoyens-en-israel_1685513
http://www.foxnews.com/opinion/2016/09/14/all-jews-out-palestine-is-not-peace-plan.html
https://www.youtube.com/watch?v=GUXOlc3Va5E
https://www.youtube.com/watch?v=avF_4ljvas4
[1] Les expressions en italique sont celles utilisées par les indignés.
[2] Morin, E. Sallenave, D., Naïr, S . 2002, T
Linguiste et analyste du discours, Yana Grinshpun s’intéresse aux stratégies argumentatives à l’œuvre dans les discours militants et les discours de victimisation fondés sur la mise en œuvre de la doxa. Elle est membre du RRA, réseau français de recherche sur l’antisémitisme et sur le racisme.