Un magnifique voyage mémoriel par l’Association Les Sentiers de la mémoire des élèves de premières et terminales de Coutance et un enseignant particulièrement engagé pour rappeler la mémoire des enfants juifs et tsiganes pendant la shoah en République tchèque et en Pologne
C’était hier à Theresienstadt avec Christian Savary et ses élèves de Coutances première étape d’un voyage mémoire des enfants juifs victimes de la Shoah depuis Prague, Theresienstadt pour finir vendredi à Auschwitz.
J’ai parlé de Inge Auerbacher, j’ai lu un extrait de son livre et posé la reproduction de son portrait devant le mémorial des victimes allemandes de Theresienstadt pour rappeler les disparus dont elle parlé dans son livre « Je suis une étoile. Une enfant de l’Holocauste » et la photo de Ilse Weber musicienne qui créa des berceuses pour les enfants de Theresienstadt et qui fut assassinée à Auschwitz. Sa berceuse Weigela sera diffusée aux élèves .
Je diffusai un extrait de Brundibar, cet opéra joué maintes fois par les enfants à Theresienstadt, y compris lors de la visite de la croix rouge.
Hier nous avons aussi découvert avec émotion le mémorial du village de Lidice qui commémore le martyre de du village tchèque de Lidice du 10 juin 1942 ( 2ans jour pour jour avant celui d’Oradour sur Glane).
Cet acte de barbarie fait suite à l’assassinat du nazi Reinhard Heydrich (appelé le boucher de Prague, qui a dirigé la conference de Wannsee) à Prague le 27 mai 1942, par des résistants tchèques courageux, encore appelé opération Anthropoid.
C’est le seul assassinat réussi d’un dignitaire nazi sous le Troisième Reich.
Le 10 juin 1942, un détachement de SS investit le paisible village de Lidice près de Prague. On suspecte des membres du commando de s’y être réfugiés. Le village est incendié et rasé, y compris le cimetière !
Dès l’aube tous les habitants sont sortis de leur maison.
Tous les hommes adultes (192) furent exécutés et les femmes (190) transportées vers le camp de Ravensbrück. 105 enfants furent envoyés à la Gestapo à Łódź pour être gazés à Chelmno. Ceux aux yeux bleus et cheveux blonds, considérés comme appropriés pour une germanisation (qui montraient des traits aryens distincts), furent placés dans des familles SS pour grandir comme de bons nazis.
Sur les 105 enfants de Lidice, seulement 17 enfants sont retournés dans leur village. 153 femmes sont retournées dans leur village, anciennement épouses et mères, elles étaient désormais veuves sans enfants.
Sur les traces de la vie juive de Prague
Sur les traces de la vie juive de Prague à travers l’absence de la ville juive détruite et disparue, dont il ne subsiste que des synagogues et un morceau de son cimetière.
D’abord nous partons à la gare pour découvrir le monument à la mémoire de Sir Winton qui sauva des enfants juifs tchèques en les emmenant en Angleterre dans des « kindertransports ». Les élèves ont lu dans la gare les noms de ces enfants sauvés.
Découverte de la mémoire de la barbarie nazie contre les juifs de Prague et ceux de toute la Bohème Moravie
Puis c’est la découverte de la mémoire de la barbarie nazie contre les juifs de Prague et ceux de toute la Bohème Moravie.
On découvre sur les murs de la synagogue Pinkas des lignes et des lignes de victimes Juives : en jaune le nom de la ville dont chaque victime est originaire, en rouge le nom de famille, en noir le prénom . En fond permanent on entend la lecture continue des noms et un émouvant Kaddish.
Puis les élèves ont arpenté le vieux cimetière juif … Enfin… Ce qu’il en reste : avec en particulier la tombe du rabbin Loew. Le nom de Rabbi Lœw est surtout associé à la légende du Golem, une créature imaginaire faite d’argile et censée défendre le ghetto juif et effectuer les travaux les plus pénibles. On raconte que son créateur est le Maharal lui-même, et qu’il était le seul à pouvoir l’animer en effaçant la lettre aleph du mot emeth sur son front et grâce à un parchemin placé dans sa bouche et sur lequel était inscrit le nom sacré de Dieu. Mais, un jour que le Golem était devenu incontrôlable, il se mit à tout détruire sur son passage, obligeant le rabbin à l’arrêter pour toujours. Le Golem serait alors redevenu un tas d’argile inerte conservé dans les combles de la synagogue Vieille-Nouvelle
Le guide a aussi expliqué les symboles des tombes juives et les coutumes juives pour enterrer nos morts. Il a expliqué le rôle du Mikve ou vain rituel pour les femmes juives.
Synagogue Klaus
Nous sommes ensuite allés découvrir les objets du culte juif dans la synagogue Klaus : torah, mappoth, hanoukioth… pour découvrir les fêtes Juives et traditions.
Demain ce sera Łódź et sa triste mémoire et Chelmno ensuite .
Aujourd’hui nous sommes allés à Łódź avec le groupe des élèves des sentiers de la mémoire et leur enseignant Christian Savary. Nous avons tenté de trouver les traces de l’ancien ghetto dans le quartier de Balluty. Seule la plaque de la prison du ghetto… Sinon on se retrouve face à un vide, face à l’absence de mémoire juive. Quelles sont les maisons du ghetto dans ce quartier de Balluty ?
Christian à lu un le texte “Donnez-moi vos enfants” de Rumkovski, le chef du Judenrat, cet homme mégalomane, très décrié qui demanda aux parents juifs du ghetto de lui donner les enfants juifs . Il finira lui aussi à Auschwitz dans le dernier convoi.
J’ai aussi parlé de Elie Buzin le père de notre ministre de la Santé qui est né à Łódź et vécut dans le ghetto avant d’être déporté à Auschwitz.
Il a aussi lu le poème “les joyeux pessimistes” de Abram Cytryn, jeune poète juif de Łódź âgé de 13 ans au début du ghetto et de 17 ans quand il fut gazé à Auschwitz. Le peine fut lu dans la rue ou se trouvait son dernier logement avant sa déportation.
Nous avons vu le monument à la mémoire des enfants polonais assassinés.
Nous sommes allés dans le centre de dialogue Marek Edelman (ce juif qui fut l’un des organisateur de la révolte du ghetto de Varsovie et qui continua sa vie après la guerre à Łódź. Nous avons vu la sculpture de Jan Karski sur son banc.
Nous avons arpenté le magnifique cimetière de Łódź. Enfin nous sommes allés à la gare de Radegast d’où partaient les convois pour Chelmno.
Hier après-midi nous sommes allés à Chelmno . Le chateau n’existe plus; seul subsiste le bloc où on entassait les vêtements.
Imaginer l’inimaginable… Penser à l’absence de trace de l’horreur.
Il fallait que personne n’en revienne.
Christian Savary lit un témoignage de Podchlebnik, l’un des rares survivants de l’horreur . Il réussit à s’échapper par miracle du lieu. Les élèves écoutent dans le silence.
Nous découvrons dans une clairière, les fosses… le crématoire … les mémoriaux.
Les élèves ont arpenté le lieu et se sont retrouvés devant un arbre où l’une d’entre eux a lu les noms des 82 enfants de Lidice qui furent gazés à Chelmno .
Puis dans le silence nous sommes repartis en bus vers Varsovie, chacun sidéré par l’horreur dont ces nazis furent capables et par l’impensable de cette extermination des juifs enfants, adultes, vieux ou jeunes pour que aucun ne survive.
Nous sommes à Varsovie
Nous sommes à Varsovie . Découverte des vestiges du ghetto juif , des inscriptions au sol un mur , le musée Korczak où j’expliquais son histoire, son rêve de république des enfants, et la place incroyable des enfants pour lui. Les élèves ont mis en scène un texte de Marek Edelman devant le mémorial construit autour de la bouche d’égout. Christian Savary a expliqué le fonctionnement du ghetto et la mort qui rôdait
Nous sommes ensuite allés au cimetière voir le monument de Korczak et les enfants et la tombe de Marek Edelman et le monument érigé sur les anciennes fosses communes .
Enfin nous sommes allés à l’umshlagplatz d’où partaient les convois pour Treblinka.
Puis nous sommes allés à Trèblinka
Puis nous sommes allés à Trèblinka. Christian nous a décrit le fonctionnement terrifiant de ce lieu devant la maquette. Puis Christian nous a lu un extrait du Testament d’un poète juif asssassiné de Katznelson. Nous avons transmis des témoignages de Willenberg , nous sommes allés vers les Mémoriaux.
Première journée à Àuschwitz
Première journée à Àuschwitz : ce fut une journée dense avec une guide polonaise : Àuschwitz 1 et le musée avec l’impressionnante exposition de Yad Vashem et le pavillon à la mémoire des déportations et exterminations de France ( avec les témoignages d’Ida Grinspan, de Serge Lemberger, Henri Borlant…) puis Birkenau, la rampe où arrivaient les déportés pour être sélectionnés vers la mort directe ou le travail, les blocks de pierre du camp des femmes, les baraques en bois l’emplacement du camp des familles tsiganes (assassinés le 3 août 1944), l’espace immense du « Kanada » où on amassait les vêtements, les chambres à gaz ou ce qu’il en reste, et l’étang où étaient jetées les cendres. Les jeunes élèves se sont mis en cercle, ont ensuite lu les noms des enfants juifs français assassinés à Àuschwitz par convoi tous ensemble puis ont allumé une bougie suivi d’un temps de recueillement. Ce fut un moment très intense . Merci Christian Savary pour ces enfants et leur famille.
L’histoire romantique de Ovadia Baruch
Hier nous avons lu les noms de 11400 enfants juifs déportés de France.
Le thème de la journée d’aujourd’hui c’est un message de vie.
Ce matin, nous sommes partis dans une vieille usine en friche près de Àuschwitz 1. Il s’agit des ruines de l’usine Union Werk, zone utilitée du camp. Christian Savary a rappelé la mémoire de Jacques Stroumsa ce violoniste de Thessalonique qui y travailla pendant sa deportation à Àuschwitz. Il raconta aussi l’histoire romantique de Ovadia Baruch, originaire de Thessalonique: il y travailla aussi et, se voyant mourir il appela sa maman en ladino. Une jeune fille déportée reconnut le ladino. Ils tombèrent amoureux et se retrouvèrent par miracle après la guerre à Thessalonique.
La reproduction de son portrait peint fut montrée aux élèves.
La Juden Ramp
Puis nous sommes allés à la Juden Ramp ou arrivèrent quasiment tous les deportes juifs de France. Là, deux élèves lurent le poème « Déportation » de mon ami Maurice Schiff dit « Momo la Baraka » qui, à 3 ans, échappa miraculeusement à la déportation contrairement à toute sa famille.
La veille, les élèves du conseil d’administration de l’association « Les Sentiers de la mémoire » avaient échangé en direct au téléphone avec Maurice, qui vit en Ardèche. Je racontais en quelques mots l’histoire de Maurice et montrait son portrait peint de lui quand il était petit.
Puis nous avons fait le tour extérieur d’Auschwitz à pied jusqu’à l’emplacement du bunker 1 ou maison rouge qui fut une chambre à gaz.
Là, nous avons lu le poème de Maurice Schiff intitulé « maman » à la mémoire de sa maman assassinée à Àuschwitz
Nous sommes ensuite dirigés vers l’emplacement du camp des juifs tchèques (venus là après un passage à Theresienstadt) .
Là, Christian nous a parlé de Rudolf Vrba, cet homme tchèque épris de liberté, échappé d’Auschwitz, qui avait tenté d’informer l’occident de ce qui s’y passait avec le Rapport Vrba-Wetzler en juin 44 … sans succès malheureusement.
« Espoir » de Serge Smulevic
Nous sommes enfin allés à l’étang où étaient jetées les cendres et là, un élève a lu le poème « espoir » de Serge Smulevic, un survivant d’Auschwitz et Monovitz que je connaissais. Il a témoigné toute sa vie avec des poèmes, des dessins et caricatures et en correspondant avec beaucoup d’élèves en France. Je racontais son histoire et parlais de sa fille Myriam ou Sala qui écrivait elle aussi des poèmes sur la déportation. Christian a lu un texte émouvant de Zalmen Gradowski sonder Kommando, pour porter plus loin son message. Il est assassiné le 7 octobre 1944 lors de la révolte des Sonderkommandos dont il est un des chefs mais nous a laissé un témoignage poignant près des chambres à gaz.
C’est sur ce texte que la semaine s’achève pour symboliser le sens même de l’association les sentiers de la mémoire.
La parole à Christian Savary, des Sentiers de la Mémoire
Ils avaient 6 ans, ou bien 7, parfois 11. D’autres étaient plus grands et avaient atteint 17 ans. D’autres n’avaient pas encore un an. Ils étaient avant tout des enfants. Ils étaient Français, Belges, Polonais, Tchèques, Slovaques, Néerlandais, Allemands, etc … Ils étaient Juifs. D’autres étaient Tsiganes. Ils s’appelaient Colette, Simon, Idi, Zuzana, Eva, Elie, Petr, Abraham, Hershel, Anne. Plus d’1 million et demi d’enfants de moins de 15 ans furent assassinés pendant la Shoah. En France, 11400 furent déportés. Certains parvinrent à se cacher , à être cachés, certains s’évadèrent, d’autres furent sauvés. Ce sont ces destins brisés que nous explorerons lors de cette 14 ème aventure mémorielle et historique des Sentiers, commencée à Bruxelles, Malines et Amsterdam en octobre dernier et qui se poursuit à partir de ce matin vers Prague, Terezin, Lidice, Łódź , Chełmno, Varsovie, Treblinka, Auschwitz, Birkenau et Cracovie. A 15 ans, enfermé dans le ghetto de Łódź, Abraham Cytryn écrivait : « Chers amis ! Au diable la tristesse dont n’a que faire la jeunesse. Le pessimisme ne vaut rien. Chers amis ! On ne rit pas tous les jours. A bas la mélancolie et vive la joie ! (…) ». Son père est mort de faim et d’épuisement dans le ghetto dés 1942. Abraham est assassiné à Birkenau en août 1944 emportant avec lui son dernier manuscrit et son talent.
Un immense merci à toutes celles et ceux qui soutiennent ce projet, les familles, les institutions (Ville de Coutances, CMB, Conseil Départemental de la Manche, Conseil Régional de Normandie, Fondation pour la Mémoire de la Shoah), nos partenaires locaux.
Francine Mayran gère Peindre la mémoire de la Shoah et des génocides
Les Sentiers de la Mémoire est une junior association du lycée Lebrun de Coutances (Manche). L’objet de cette association est l’étude, la compréhension et la transmission de la mémoire des crimes de masse perpétrés au XXème siècle, et plus particulièrement celle de la Shoah.
Merci infiniment de faire connaître l’association les sentiers de la mémoire et Christian Savary un enseignant exceptionnel. Ce voyage donne espoir en la jeunesse (qui a décidé de consacrer une semaine de ses vacances à la mémoire juive et la Shoah). Des jeunes à la conscience réveillée, qui reviennent transformés de ce voyage. Ils apprennent la culture juive, le drame de toutes ces vies juives disparues, le courage et la nécessité de résister, le refus de l’indifférence . Bravo à cet enseignant si engagé qui sème chez les jeunes des graines pour leur vie, pour notre vie!