Je trouve que Claire Bretecher exagère un peu..
Elle aurait dû savoir qu’on ne file pas à l’anglaise sans avertir les gens qui vous aiment.
C’est vrai qu’elle a toujours transgressé les codes et les conventions.
Insolente, impertinente, corrosive et acidulée, drôle comme personne, cette croqueuse du monde qui dessinait avec un pinceau trempé au vitriol , le regard acéré comme un scalpel, a dessiné tout haut ce qu’on pensait tout bas.
Jamais dupe, politiquement très incorrecte, artiste de génie, elle a donné vie à des personnages venus du fond de son esprit irrévérencieux.
Inventant des créatures et des mots, débusquant avec virtuosité le snobisme et les préjugés qui lestaient la société adulte et ses héritiers ados d’un poids de crétinerie ankylosant, elle a rendu attachants et presque indispensables ses héroïnes qu’on attendait dans une impatience électrique.
Agrippine revient! Agrippine arrive!
Et le monde se teintait des couleurs du bonheur tandis que nos rires éclaboussaient les murs du salon où nous avalions goûlument les frasques d’Agrippine , et les Doc Martens d’une Zonzon qui ne vieillirait jamais.
C’est ce que nous disait la fine Claire Bretecher.
L’âge peut perdre le combat quand il attaque des caboches insoucieuses qui traversent la vie en chantonnant.
L’âge peut perdre le combat.
La mort, jamais…
Bretecher nous laisse des souvenirs de hennissements de rires, dans la chambre cataclysmique où Agrippine téléphonait à ses copines.
Un peu discourtoise, Bretecher, d’être partie sans un mot, à la fraîche, nous laissant orphelins de cette période de grâce où Thérèse d’Avilla, Cellulite et Agrippine nous arrachaient à la morosité d’un quotidien frileux qu’elle réchauffait de son pinceau acide.
On garde nos albums et nos souvenirs..
Devenus des Zonzon, nous chaussons à notre tour des Doc Martens pour faire un pied de nez au temps caché en embuscade ,en regardant avec tendresse grandir nos Agrippine persos.
Tu te crois maligne, Claire, d’être partie…
Mais tu te trompes :
Tu ne nous quitteras pas, l’inoxydable Agrippine sommeille dans nos bibliothèques que le souffle de la nostalgie va faire dégringoler dans nos mains un peu tremblantes..
Ça me troue disait Agrippine…
Moi aussi…
Allez! On se retrouvera au Paradis de la Rigolade et des briseuses de carcans étouffants..
Que cette journée vous ouvre les yeux sur un monde gagné par la crétinerie qui peut faire rire autant que pleurer…
Je vous embrasse
Poster un Commentaire