Il survécut miraculeusement à un terrible accident d’hélicoptère en 1991, et c’est depuis, explique-t-il, qu’il s’est remis à l’étude de la Torah avec une rare ferveur, affirmant d’ailleurs que la Torah était le meilleur scénario jamais inventé. Il y a de la passion, de l’inceste, des meurtres, de l’adultère, il y a vraiment de tout.
Kirk Douglas, acteur, réalisateur, producteur, auteur, philanthrope, dont la devise est qu’il faut apprendre à rendre, fête aujourd’hui 9 décembre son 100e anniversaire. Environ 150 autres invités l’entoureront: au milieu de sa famille, dont ses trois fils et ses sept petits-enfants, ses vieux amis, comme le réalisateur Steven Spielberg, et d’autres sommités d’Hollywood, il y aura le rabbin David Wolpe du Sinai Temple, situé à l’ouest de Los Angeles : c’est que c’est lui qui dirigea les études hebdomadaires de l’acteur pendant de nombreuses années, lui aussi qui officia lors de la seconde bar Mitzvah de l’acteur, lorsque Kirk Douglas, alors âgé de 83 ans, déclara : Aujourd’hui, je suis un homme.
Son fils Michael Douglas[1] et son épouse, la comédienne Catherine Zeta-Jones, ont organisé l’événement qui accueillera les dirigeants de nombreux organismes caritatifs et institutions des Etats Unis et d’Israël auxquels Kirk et son épouse Anne offrirent bien plus de cent millions de dollars ces dernières années : Il faut apprendre à rendre, avait expliqué l’acteur, ajoutant qu’il venait, lui, d’un milieu d’une abjecte pauvreté et n’aurait jamais rêvé de devenir un millionnaire. Alors il faut savoir rendre.
SPARTACUS
C’est à Amsterdam, au nord de l’état de New York, qu’il naquit le 9 décembre 1916, sous le nom d’Issur Danielovitch. Il est le fils d’un immigrant juif russe qui survint aux besoins de sa famille de six filles et d’un fils en étant chiffonnier et brocanteur. Dans Le Fils du chiffonnier, Kirk raconte, outre l’enfance pauvre, les souffrances liées à l’antisémitisme, évoquant l’immigration de sa famille aux États-Unis depuis la Russie, quand certains groupes, notamment les juifs, ont ressenti la stigmatisation d’être traité comme des étrangers, des étrangers qui ne deviendraient jamais de vrais Américains.
Symbole du rêve américain, Kirk devint l’une des plus grandes stars masculines de Hollywood dans les années 1950-1960, avec 87 films au compteur. Qui eût cru que cet acteur blond aux yeux bleus qui incarna Spartacus et tant de personnages durs et rudes au cinéma portait chaque matin des phylactères et écrivit, entre autres, un ouvrage expliquant l’Holocauste aux enfants.
Mais c’est lui encore qui combattit à sa manière le silence autour de la liste noire de Hollywood consacrée aux communistes présumés au temps de McCarthy, exigeant que le nom du scénariste Dalton Trumbo, qui figurait sur cette liste noire depuis une décennie, soit légitimement crédité de l’écriture du script de Spartacus, bravant les mises en garde affirmant qu’un tel acte risquerait de mettre un terme à sa propre carrière à Hollywood.
FAIRE L’AMOUR À LANA TURNER AVEC L’ESTOMAC VIDE
Concernant sa pratique religieuse, il explique ne pas croire que Dieu veuille des compliments : Dieu veut que vous fassiez des choses de votre vie et que vous aidiez les autres. Il affirma avoir toujours jeûné lors de Yom Kippour : J’ai toujours travaillé sur un tournage mais je jeûnais. Et laissez-moi vous le dire, c’est difficile de faire l’amour à Lana Turner avec l’estomac vide.
Lors de son 90eme anniversaire, Kirk Douglas avait déclaré : Dans la tradition juive, un anniversaire donne à une personne des pouvoirs spéciaux et si elle formule un souhait, ce dernier se réalise. Je souhaite à tous ceux qui vivent sur la terre d’Israël que les conflits actuels puissent se résoudre, que plus personne ne meure ou soit blessé et que vous puissiez continuer à vivre vos vies en paix.
Homme engagé, à l’image de Spartacus, le gladiateur qui souleva une armée d’esclaves contre Rome, Kirk Douglas prit, il y a quelques semaines encore, la parole au nom du tout Hollywood pour avertir les Américains de la menace que représentait à ses yeux Donald Trump : J’ai toujours éprouvé une profonde fierté à être Américain. Je prie que pour le temps qu’il me reste, cela ne change pas, déclara-t-il au Huffington Post. Sans jamais nommer le candidat républicain, Kirk Douglas cita un récent discours de Trump, dans lequel il se montrait favorable aux tests de dépistage pour les immigrants potentiels, et n’hésita pas à comparer les propositions politiques de Trump à celles d’Hitler. J’ai vécu les horreurs de la Grande Dépression, et les deux guerres mondiales. La deuxième a été lancée par un homme qui avait promis qu’il rendrait à son pays ses lettres de noblesse, concluait-il, faisant allusion au slogan de campagne de Trump Make America Great Again.
Dans les pas de son père, Michael Douglas avait dénoncé vivement, en 2015, l’antisémitisme dans une lettre ouverte publiée dans le Los Angeles Times, après que son fils Dylan eût subi des insultes dans la piscine d’un hôtel du sud de l’Europe parce qu’il portait une étoile de David autour du cou : Je lui ai dit : Dylan, tu as eu ta première expérience antisémite. L’acteur oscarisé, de mère non-juive, en a profité pour affirmer qu’il avait recommencé à s’intéresser à la religion depuis que son fils s’y intéressait, ajoutant qu’il avait appris à la dure que ceux qui haïssaient ne faisaient pas de distinctions aussi fines. Dans cette lettre ouverte où l’acteur passe en revue quelques-unes des racines profondes de l’antisémitisme, de l’économie à la haine d’Israël, il exhorte les dirigeants religieux, politiques et les citoyens à dénoncer cette haine, appelant à un défi capable d’arrêter cette folie.
Sarah Cattan
[1] Pour info, Michael reçut en Israël le Nobel juif, le Prix Genesis, décerné à une personne de renommée internationale qui est un modèle dans sa communauté et dont les actions et les réalisations expriment un engagement envers les valeurs juives, la communauté juive et Israël, et qui peut inspirer la jeune génération de Juifs dans le monde entier. L’acteur reversa la dotation associée à ce prix à des associations juives œuvrant pour la diversité dans le judaïsme.
Pour ceux qui penseront: ah? IL n’a pas l’air Juif…
un commentaire de François Heilbronn, prof à Sciences Po:
« A tous ceux-là et à ceux qui l’ont pensé, je rappelle que les Juifs sont liés par une religion, une morale, une histoire, une langue, ce qui constitue tous les attributs d’un Peuple, d’une Nation, mais que nous ne sommes pas une race. »
Né de parents juifs à Jérusalem sous mandat britannique, écarté de toute religion depuis mon enfance, venu étudier la Médecine en France à l’âge de 20 ans, ayant épousé entre-temps une orpheline dont le père a été fusillé au Mont Valérien en tant que Résistant F.F.I. et la mère déportée à Auschwitz en tant que juive, devenu enfin père à mon tour,
j’avoue que, compte tenu des événements tragiques qui se déroulent à nouveau au Proche-Orient, et ce depuis quatre ans, mon souhait le plus ardent est que les diverses religions commencent à évoluer ensemble vers une entité éthique universaliste de bon aloi devant mettre fin aux guerres fratricides récurrentes.
Un rêve ? En tout cas, le fanatisme jihadiste islamique, dans le monde entier, prend des tournures cauchemardesques!
Attendre ne fera que retarder l’évolution nécessaire pour éviter d’autres catastrophes humanitaires.
On disait autrefois que la religion était l’opium des peuples. Or les peuples ont évolué, et c’est maintenant la violence religieuse qui les menace.