A l’initiative de KODIROV Khurshid, Une soirée prestigieuse s’est tenue par l’ambassade d’Ouzbekistan au cercle interallié pour rendre hommage au pays qui a accueilli plus de 3 millions de réfugiés ( dont environ 1 million juifs) pendant la seconde guerre mondiale.
Après le discours de S.E.M. Sardor Rustambaev, l’ambassadeur Ouzbékistan en France, ce fut au tour de Vyacheslav Shlomo Shatokhin de nous présenter son film « Dernier enfance d’été » consacré à l’accueil des enfants juifs par les peuples ouzbeks lors de la Seconde Guerre Mondiale.
Après la projection de ce documentaire, quelques personnes d’origine polonaise, dont Marek Halter, Waldemar Kobryner, Henri Bielasiak qui ont été évacués en Ouzbékistan et ainsi pu être sauvés sont venus témoigner.
La soirée qui a bénéficié du soutien de l’Ambassade d’Israël à Paris se termina par un succulent dîner.
Un peu d’histoire
J’ai voulu avec Viatcheslav (Shlomo est son prénom juif) Shatokhin l’auteur du film « Dernière été d’Enfance », organiser cette soirée pour sensibiliser le gouvernement ouzbèk à créer les musées d’Evacuation à Tachkent et Boukhara, confie KODIROV Khurshid.
Nous nous sommes tous les deux passionnés par l’histoire de l’évacuation des enfants orphelins et des juifs vers l’Ouzbékistan.
Durant 2019, j’ai collecté beaucoup de mémoires et témoignages des juifs (habitant actuellement en France) qui étaient réfugiés en Ouzbékistan pendant la Seconde Guerre Mondiale.
L’une des pages les plus fameuses de l’histoire de l’Asie Centrale est étroitement liée à la plus grande tragédie connue par le peuple juif ainsi que le terrible désastre qui a touché la population de la partie européenne de l’Union Soviétique durant la seconde guerre mondiale. Cela s’est passé dans ce qui était alors la République Soviétique d’Ouzbékistan, au cœur de l’Asie centrale.
En 1939, le pacte Germano-Soviétique est signé et stipule que les deux puissances ne s’affronteront pas durant les dix années suivantes. Mais en Juin 1941, Hitler rompt cet accord et lance l’opération Barbarossa qui vise à envahir l’URSS.
Cette invasion, nommée « Grande Guerre Patriotique » en Union Soviétique trouve l’armée Rouge et le pays complétement impréparés, ce qui provoque un incroyable désastre militaire et humain dans toutes les zones occupées par les nazis, c’est-à-dire l’Ouest de l’immense URSS et plus précisément : l’Ukraine, la Biélorussie, et l’Ouest de la Russie.
Mais la taille du pays, qui s’étend jusqu’à l’océan Pacifique permis à de nombreux réfugiés de fuir les zones de combats en partant vers l’Est. C’est ainsi que l’Ouzbékistan accueillis 3 millions de réfugiés dont environ 1 million de juifs, parmi lesquels environ 200-300 mille orphelins, des adolescents, des veuves et des personnes âgées qui venaient d’Ukraine, de Moldavie, de Biélorussie, de Russie et aussi de Pologne.
A l’époque, l’Ouzbékistan comptait 6 millions d’habitants dont 1.5 millions avaient été prélevés par l’Armée Rouge pour combattre le nazisme.
Les Ouzbeks qui demeurèrent dans leur République s’illustrèrent par la bravoure et l’humanité avec laquelle ils accueillirent les réfugiés, le plus souvent de la même manière qu’ils auraient donné l’hospitalité à des membres de leur propre famille. Il existe trop d’histoire d’orphelins littéralement adoptés comme de nouveaux enfants par les familles d’accueil. Un véritable mouvement d’adoption est né durant ces années de guerre. Les Ouzbeks qui avaient déjà des familles nombreuses à l’époque ont redoublé d’efforts pour se donner les moyens d’aider les réfugiés. Ils montrèrent ainsi leur détermination à en accueillir le plus grand nombre possible.
Shaakhmed Shamakhmudov et son épouse Bahri sont célèbres pour avoir adopté 14 orphelins de guerre provenant de différentes Républiques soviétiques y compris deux juifs. Un monument qui leur était dédié avait été déplacé du centre de Tachkent vers la périphérie à l’époque du Président Karimov. Or, le nouveau Président de l’Ouzbékistan (indépendante depuis 1991), Shavkat Mirziyoyev a tenu à ramener ce monument au centre-ville (à côté du palais de l’amitié entre les peuples) pour lui donner la visibilité qu’il mérite.
Vyacheslav Shatokhin, né en 1961 d’une mère évacuée vers l’Ouzbékistan pendant la grande guerre patriotique, et dont la famille avait décidé de demeurer en Asie centrale après le conflit, connait des quantités d’histoires pleines d’humanité datant de cette sombre période. « Un véritable mouvement pour l’adoption est né en Ouzbékistan à l’époque et ce sont des centaines de milliers d’enfants et d’adolescents sans familles qui ont trouvé un foyer ».
Shatokhin considère que tout film, livre, voire musée consacré à cet épisode constituerait une « mizvah » envers le peuple Ouzbek et ses incroyables et innombrables bonnes actions envers les réfugiés.
Avant d’arriver à Tachkent, la mère de Shatokhin, Nazarovna Hotimlyanskaya (née en 1930) était passée par Ferghana (au Nord-Est de l’Ouzbékistan), accompagnée de sa propre mère et de sa tante, en provenance de Poltava (Ukraine), cependant que son grand père, Nazar était tué dans les combats de l’année 1941.
Diplômé en Droit de l’Université de Tachkent en 1983, Vyacheslav Shatokhin a émigré à New York en 1997. Depuis 2010, il a dédié beaucoup de temps à la collecte d’information concernant l’évacuation des juifs vers l’Ouzbékistan. Il possède aujourd’hui de très importantes archives contenant des récits de quantité de témoins.
Pendant de nombreuses années, Shatokhin a cherché la meilleure façon de remercier le peuple Ouzbèk pour son comportement envers les réfugiés de guerre. Depuis 2010 il a collecté une immense base de photos et documents. Il a également collecté les témoignages de personnes dont les familles furent accueillies en Ouzbékistan. Avec ses propres modestes économies, il a financé le tournage de « Dernier été d’enfance » en 2018. Par ailleurs, il travaille actuellement avec Leonid Teruchkine (Directeur du département de recherche au centre d’éducation sur l’Holocauste de Moscou) afin de rédiger un livre à propos de la contribution du peuple Ouzbèk au sauvetage des juifs soviétiques.
Le documentaire « Dernier été d’enfance» a été diffusé à la télévision ouzbèke. Les héros de ce film, ce sont les enfants évacués vers l’Ouzbékistan pour les sauver des camps de concentration et d’une mort certaine. Dans ce documentaire, ils se souviennent comment le peuple ouzbèk a partagé ses derniers morceaux de pain avec les réfugiés sans jamais envoyer aucun enfant dans un orphelinat !
Le message-clé est de rendre hommage et de faire passer à la postérité les actes de bravoure du peuple ouzbèk pendant la période la plus dure de ce conflit mondial.
Des poèmes de Gafur Gulom, un fameux écrivain et poète ouzbèk, tels que « Je suis juif » ou encore « Tu n’es pas orphelin » montrent l’attitude des Ouzbèks vis-à-vis des réfugiés juifs et des orphelins. Selon Vyacheslav Shatokhin, sans l’héroïsme de la nation ouzbèke, le nombre de victimes juives de la Shoah eut été plus élevé.
Tachkent, la capitale de l’Ouzbékistan peut être nommée avec raison la « Capitale soviétique de l’évacuation », étant la ville qui a reçu le plus grand nombre de réfugiés durant la grande guerre patriotique. La taille de la communauté juive de la ville a considérablement augmenté à cette époque. Et nombre des juifs évacués sont demeurés sur place après le conflit parce qu’ils n’avaient nulle part où aller.
Un Musée de l’évacuation est en construction. Ce projet sera présenté à Paris cette année.
Sylvie Bensaid
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