Sarah Cattan. Un café avec Claude Bloch, psychiatre-psychothérapeute: de l’effet papillon dans l’Affaire Sarah Halimi

Claude Bloch

J’ai eu envie de rencontrer Claude Bloch, psychiatre-psychothérapeute, au sujet de ce qui portera à jamais le nom d’Affaire Sarah Halimi. Chacun comprendra pourquoi les avis de professionnels du Droit et ici celui d’un Psychiatre, et pas n’importe lequel, ont un sens : il suffit pour cela de relire … les motivations de l’Arrêt concluant à l’abolition du discernement de l’individu qui jeta par la fenêtre, après l’avoir lynché, ce corps encore vivant d’une femme juive, le 4 avril 2017.

Noémie Halioua: L’Affaire Sarah Halimi

La genèse d’une implication, l’âme d’un Honnête Homme

Claude Bloch me raconte s’être d’abord demandé :  l’Affaire Sarah Halimi me concerne-t-elle ?

Lui revinrent alors en mémoire deux souvenirs :

L’attentat de la rue Copernic, dans le seizième arrondissement de Paris, survenu le 03 octobre 1980, soir de Shabbat, à 18h30, lorsqu’une bombe de très forte puissance explosa devant la synagogue de l’Union libérale israélite de France, causant la mort de quatre personnes et faisant quarante- six blessés. Il se souvint des mots … malheureux du Premier ministre de l’époque, Raymond Barre, prononcés sur TF1 le soir-même et évoquant cet attentat odieux qui voulait frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue et qui frappa des Français innocents qui traversaient la rue Copernic.

Le second souvenir qui vint à cet Homme concernait ce texte du pasteur Martin Niemöller, arrêté par les nazis en 1937 et envoyé au camp de concentration de Sachsenhausen, pour être transféré en 1941 au camp de Dachau :

Quand ils sont venus chercher les communistes,

Je n’ai rien dit. Je n’étais pas communiste

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,

Je n’ai rien dit. Je n’étais pas syndicaliste

Quand ils sont venus chercher les Juifs,

Je n’ai rien dit. Je n’étais pas Juif

Quand ils sont venus chercher les catholiques,

Je n’ai rien dit. Je n’étais pas catholique

Et puis ils sont venus me chercher,

Et il ne restait plus personne pour protester.

Claude Bloch avait la réponse à sa question : L’Affaire Sarah Halimi le concernait.

Une Lettre ouverte au Président de la République, écrite par le Comité de soutien Vérité et Justice pour Sarah HalimiBNVCA, avait parallèlement recueilli dès son lancement plus de 750.000 signatures.

L’effet papillon

Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil pouvait-il provoquer une tornade au Texas ? Telle était la question résumée par cette métaphore concernant le phénomène fondamental de sensibilité aux conditions initiales de la théorie du chaos. Edward Lorenz y avait consacré en 1972 une conférence scientifique. Et l’idée revint à l’esprit de Claude Bloch, qui compta, à la veille de l’événement initié par Eddie Suissa, un Homme seul, L’Immense marche PAS silencieuse pour Sarah Halimi, sur l’effet papillon pour donner de l’écho médiatique à L’Affaire Sarah Halimi. Il interpella Via tweeter et le hashtag #justicepoursarahhalimi, l’honneur desjournalistes : Mesdames et Messieurs les journalistes, à vos appareils photos, à vos caméras et à vos claviers, s’il vous plaît. Il en va de votre honneur de gens de presse d’informer l’opinion publique, lorsque vous avez connaissance qu’une ignominie, doublée d’uneinjustice, se produit sous vos yeux et même devant votre porte.

« Nous étions, à Paris, aux environs de 3000, comme à Marseille d’ailleurs, pour ne citer que cette ville. Cependant, tous les grands médias nationaux, de TF1 à France 2 en passant par Paris-Match ou Le Point, se déplacèrent et diffusèrent des reportages sur leurs chaînes respectives : le battement d’ailes d’un papillon, nommé @Eddie Suissa, rejoint par d’autres papillons tels que @Jonathan Behar, @Lili Landau et par tous les autres papillons modérateurs, avait abouti, non pas encore à une tornade médiatique, mais à cette formidable mobilisation du dimanche 05 janvier, Place de la République.

Cette marche rassembla environ 23.000 manifestants dans toute la France et provoqua l’écho médiatique national escompté, provoquant une brèche dans le mur du silence qui se dressait jusque-là face à l’Affaire Sarah Halimi ».

L’aide de David Médioni, fondateur de ernestmag.fr

Claude Bloch nous raconte avoir été aidé par son ami David Médioni, journaliste, lequel, après avoir travaillé dans différents journaux et médias, avait créé ernestmag.fr, un site littéraire en ligne de grande qualité.

C’est David Médioni qui suggéra à Claude Bloch de penser à Twitter afin d’alerter les médias en leur demandant s’ils comptaient       couvrir la manifestation du dimanche 5 janvier : L’Immense Marche pas silencieuse pour Sarah Halimi.

« Plusieurs Tweets en ce sens à tous les médias et journalistes que je connaissais : Le résultat fut, dès le 14 janvier, un édito sur le site de L’Express.fr :  La mort solitaire de Sarah Halimi, par Anne Rosencher, Directrice déléguée de la Rédaction.

Un scoop fut annoncé et il eut bien lieu : dans son édition de jeudi 16/01/2020, et dans la nouvelle formule du journal, l’hebdo papier L’Express publia un dossier entier : Une enquête judiciaire entachée de déroutantes contradictions.

C’était parti

Cette Marche, de la Place de la République au domicile de Sarah Halimi, n’était que le prélude à une mobilisation qui se devait et se doit d’être encore plus massive, l’objectif final étant la tenue d’un Procès en Cour d’Assises où le meurtrier de Sarah Halimi serait jugé, et cela quelle que fût l’issue de ce procès en terme de responsabilité : alors seulement, au nom du Peuple français, un jury populaire déciderait si la responsabilité pénale de Kobili Traoré était nulle, partielle, ou totale…

https://youtu.be/hikISdPdZZw

Le 8 janvier, 3 jours après L’Immense Marche, le sénateur Roger Karoutchi, lors des questions au gouvernement, au sein de l’Assemblée Nationale, demandait au Premier Ministre Edouard Philippe, au sujet de l’absence de procès pour le meurtrier de Sarah Halimi, si au-delà des règles, au-delà des codes, il trouvait cela juste. Le PM répondit et conclut ainsi : Peut-être cette décision suscitera-t-elle, au-delà de l’émotion, – petit silence – un débat. Et, si débat il doit y avoir, le gouvernement y prendra sa part ».

Facebook et Twitter confondus permirent aussitôt à cette séquence d’être vue plus de 80.000 fois. Et, à ce propos, Claude Bloch, après avoir remercié le Sénateur Roger Karoutchi de prendre à cœur et de se soucier de ce qui était JUSTE ou non, en 2020, et de le faire en posant cette question majeure devant la Représentation Nationale, recommanda à chacun de nous de bien regarder le banc des ministres car, comme chacun sait, le langage du corps est toujours très instructif dans ce qu’il nous révèle de l’inconscient de chacun.

Une Lettre ouverte à Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice

Le 10 janvier, Claude Bloch envoya une Lettre ouverte à Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Lettre où il lui rappelait que l’article 122-1 du Code pénal n’était manifestement plus adapté à l’époque actuelle, une nouvelle maladie mentale étant apparue en France depuis un certain nombre d’années, pathologie nommée le Déséquilibrisme et qui justifiait à lui seul un nouvel article du Code pénal, ou, a minima, une modification de l’article 122-1 dudit Code, qui permettrait aux juges de répondre de façon adéquate au développement quasi épidémique de cette maladie contagieuse et mortelle qui faisait  chaque jour de plus en plus de victimes dans notre pays et se propageait de par le monde.

Notre Homme désirait savoir si la Ministre comptait demander au Parquet Général de se pourvoir en Cassation, dans l’intérêt de la loi…

Effet Boule de neige et Effet Papillon se conjuguent: Des Psychiatres européens s’en mêlent…

« Des confrères médecins, suisses et espagnols, sensibles au contenu de ma Lettre ouverte à Madame Nicole Belloubet, m’ont contacté. Ils se proposèrent de rédiger un Appel, en français et en anglais, que nous ferions signer par des psychiatres Européens et que nous adresserions à Madame Belloubet, ainsi peut-être qu’au Parlement Européen : Pour ce faire, continuait mes confrères, nous demanderons à la European Psychiatric Association (EPA), de bien vouloir faire circuler cet appel parmi les PSYCHIATRES participants au CONGRÈS DE L’EPA, du 28 au 31 mars prochain, à Madrid (…) et de récolter les signatures durant ce congrès ».

Claude Bloch se souvient de ces sceptiques qui disaient et répétaient à l’envi que tout ça ne servait à rien, que toutes ces démarches n’étaient que perte de temps et/ou agitation stérile, et à qui il avait gentiment répondu qu’il comptait sur l’effet papillon pour faire tomber le mur de silence médiatique et politique devant lequel nous nous trouvions.

« Ne vous avais-je pas dit que le mur du silence, après avoir été fissuré, puis ébréché, finirait par tomber ? » répète Claude Bloch, persuadé à raison que seul le grand nombre ferait que nous soyons écoutés et, il en est sûr à présent, entendus.

Il répète avoir misé sur l’effet papillon et l’effet boule de neige, lesquels, s’amplifiant et s’imbriquant, ne pouvaient manquer de créer ce sursaut attendu : « D’abord ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, après ils vous combattent et enfin, vous gagnez » : Il me cita cette phrase attribuée à tort à Gandhi avant de me dire … la suite :

« J’ai passé une partie de l’après-midi d’hier, mercredi 15 janvier 2020, avec un confrère psychiatre espagnol, exerçant à Madrid, le Dr. Daniel S. Cohen. En même temps, nous sommes en relation, avec d’autres confrères psychiatres, suisses, de Genève. Le but de ce travail est de sensibiliser le plus grand nombre de psychiatres européens, afin de recueillir leur avis sur le sujet qui nous occupe, à savoir « l’Affaire Sarah Halimi », et plus particulièrement le volet médico-légal, qui nous concerne tous au premier chef, compte-tenu de notre spécialité.

1 Projet, 2 objectifs

Nous élaborons donc un projet, qui a pour finalité de fédérer le plus grand nombre de psychiatres européens et de les rallier à la cause de Sarah Halimi, avec comme objectif final majeur, encore et toujours, le renvoi de son assassin devant les Assises.

Le second objectif consiste à obtenir une modification de la loi actuelle, qui n’est plus du tout adaptée aux situations que nous rencontrons de plus en plus fréquemment.

Tous les psychiatres que nous avons consultés ont été aussi atterrés, choqués et scandalisés que nous l’avons nous-mêmes été, par la façon dont les choses se sont déroulées, et ceci pour ne parler QUE du contenu de l’arrêt du 19 décembre 2019 de la Cour d’Appel : cet arrêt qui a suivi, je devrais plutôt dire qui a collé aux conclusions des deux dernières expertises sur les trois effectuées, et qui a tranché en faveur de l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, aurait dû avoir, comme conséquence immédiate, de clore l’affaire Sarah Halimi, d’arriver, en somme, à Un Circulez, mesdames et messieurs, il n’y a rien à voir, l’affaire est entendue ! »

Objection, Madame la Juge !

C’était sans compter sur la détermination de Claude Bloch. Outre qu’il réfuta que des experts-psychiatres pussent se retrouver institués en Juges, certains magistrats choisissant de se retrancher  derrière des conclusions divergentes et d’ainsi se défausser de leur rôle, quittant la partie Judiciaire dans laquelle ils étaient engagés et préférant passer la main et se coucher, il rappela que les juges n’étaient en rien tenus ou liés par les conclusions desdites expertises et qu’ils pouvaient tout à fait décider d’un renvoi en Cour d’Assises, s’ils estimaient que là serait dite la Justice : un procès permettant à un jury populaire de débattre et , in fine, juger, au lieu de se soumettre à un arrêt inique qui avait eu pour effet immédiat d’escamoter et de confisquer la tenue d’un tel procès public où toutes les parties prenantes dans cette tragédie auraient été entendues, permettant que fût jugé le meurtrier de Sarah Halimi.

« Ce projet est donc en train de se structurer et nous avons de très bonnes raisons de penser qu’une bonne partie de la communauté des psychiatres européens, forte de 80.000 professionnels, ne laissera pas passer une telle injustice sans broncher ».

Claude Bloch recommande la lecture attentive de l’éditorial La mort solitaire de Sarah Halimi par Anne Rosencher, en page 14 de l’hebdomadaire : « Arrêtez-vous sur les toutes dernières lignes de cet éditorial. Je les reprends ici, pour vous, mot pour mot :  Kobili Traoré a été déclaré irresponsable pénalement, car la prise de stupéfiants aurait déclenché chez lui une bouffée délirante ».

Mais il ajoute, et ça n’est pas rien, les mots du Dr. Roland Coutanceau, responsable de la troisième et dernière expertise, auprès des journalistes de L’Express : On peut défendre les deux conclusions. C’est un choix d’interprétation subjective.

Une nuance … d’importance s’il en est. Une nuance qui, aux yeux de Claude Bloch, justifie à elle seule le renvoi en cour d’Assises de Kobili Traoré.

Pour info, ces propos furent tenus par Francis Szpiner, avocat des enfants Halimi, interrogé par François Sergent sur Akadem.

« Tout cela a pour fonction de montrer que lorsqu’on agit, lorsqu’on fait les choses, avec un objectif clairement défini, et avec les moyens dont on dispose, alors on parvient toujours à fédérer autour de soi d’autres volontés agissantes, d’autres énergies créatrices : Eddie Suissa et L’Immense marche PAS silencieuse pour Sarah Halimi en sont la preuve éclatante.

Aujourd’hui, jusque dans les travées feutrées de l’Assemblée Nationale, les lignes commencent à bouger…  Ce n’est qu’un début, mais la brèche dans le mur du silence continue de s’élargir ».

L’Effet FOMO, acronyme de l’anglais Fear of missing out

Claude Bloch nous parle encore de l’Effet FOMO, acronyme de l’anglais Fear of missing out, qui s’assimile à La peur constante de rater quelque chose, la peur d’être hors connexion et donc de risquer de manquer le train de l’information si on ne monte pas suffisamment vite dedans, un manquement qui ferait zapper une occasion d’interagir socialement. « Cet effet FOMO, il est juste incroyablement puissant. Il nous faut attendre encore un peu, mais une fois enclenché, ça déménage !! L’important sera qu’il ait commencé avant le début de la campagne des Municipales. C’est aussi pour ça que je me remue autant maintenant ».

Une Thèse de Doctorat Et l’on comprend encore mieux…

Se souvenant de sa Thèse de Doctorat soutenue en 1984 et intitulée « D’un serment à un autre », l’utilisation de la Psychiatrie à des fins politiques en URSS : aspects historiques et modalités, consacrée à l’idéologie soviétique et prenant pour exemple la condamnation et l’exil infligés au Dr. Koryaguine pour avoir, dans son propre pays, dénoncé publiquement cette utilisation de la psychiatrie à de fins politiques, Claude Bloch nous demande : Quelle est cette Idéologie actuelle, qui s’insinue dans beaucoup d’esprits, que l’on a tellement de réticence à nommer de son vrai nom, que l’on dénie,  voire que l’on nie carrément (pasdamalgame) et qui, par la peur et la terreur, en arrive à troubler le discernement de plusieurs de nos instances les plus représentatives de notre pays et les esprits les plus brillants de certains de nos concitoyens ?

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2 Comments

  1. d’après ce que j’en sais, depuis, l’abolition de l’article 64, l’assassin ne peut pas être irresponsable, même si sa responsabilité peut être considérée comme atténuée; et le « racisme », même délirant, reste du racisme. Il y a des malades psychiatriques en prison, soignés et suivis par des psychiatres, dont c’est le métier à temps plein. et c’est le placement que justifie son état, si c’est effectivement une bouffée délirante induite d’origine toxique.
    Dr D. Godard, psychiatre.

  2. Très bien. Les professionnels doivent s’engager pour Sarah. Nous préparons un texte plus littéraire, très argumenté, qui sera édité au plus tard en mai.

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