Un tweet affirme que des arbres ont été plantés dans une forêt allemande et qu’ils forment une croix gammée. Ce motif forestier, découvert en 1992, a bel et bien existé.
Une croix gammée au milieu des bois ? C’est ce que raconte une série de photos, partagée dimanche 12 janvier sur Twitter, par un utilisateur passeur d’anecdotes et d’histoires: Sous le IIIe Reich, des arbres auraient été plantés de façon à former une croix gammée vue du ciel. Ils n’auraient toutefois été découverts qu’un demi-siècle plus tard. Une histoire étonnante mais vraie, même si la forêt a aujourd’hui disparu.
A l’automne 1992, le stagiaire d’une entreprise paysagiste allemande réalise des prises de vue aériennes des forêts du Brandebourg, au nord de Berlin, pour identifier des lignes d’irrigation, raconte l’hebdomadaire allemand Der Spiegel (lien en anglais). Soudain, au milieu des centaines de pins verdoyants de la commune de Zernikow, sa vue s’arrête sur un étonnant groupe d’arbres. Environ 140 mélèzes forment une croix gammée brune de 60 mètres d’envergure, au milieu de la forêt.
Plantés dans les années 1930, selon le garde forestier local, ces conifères, les seuls à perdre leurs aiguilles en hiver, font apparaître l’emblème nazi quelques semaines par an seulement, lorsqu’ils arborent leur couleur jaune ou brune au milieu des pins.
Le mystère perdure sur l’origine exacte de cette initiative. Certaines sources attribuent la paternité du symbole à un dirigeant nazi local, qui aurait ordonné à des membres des Jeunesses hitlériennes de planter ces arbres à l’occasion de l’anniversaire d’Adolf Hitler. De son côté, un fermier affirme qu’enfant, il les aurait plantés lui-même pour le compte d’un garde forestier, raconte le Spiegel. Die Welt (en allemand) rapporte qu’ils auraient été plantés par le garde forestier local en 1938, mais ses motivations restent inconnues. Enfin, il pourrait s’agir d’un signe de gratitude envers le régime, de la part de la population de Zernikow.
Cette découverte, dans l’Allemagne récemment réunifiée dirigée par Helmut Kohl, fait scandale. Les autorités pressent les responsables forestiers de couper les arbres pour faire disparaître la croix gammée. L’objectif est d’empêcher que les lieux deviennent un lien de pèlerinage néo-nazi, selon la BBC (en anglais). En 1995, 40 arbres sont abattus, mais cinq ans plus tard, l’agence Reuters révèle que le motif est toujours visible. Le ministère de l’Agriculture du Brandebourg décide alors d’abattre tous les arbres, mais un conflit de propriété forestière l’en empêche, raconte CNN .
Vingt-cinq mélèzes supplémentaires sont finalement sciés le 4 décembre 2000, de sorte que le dessin ne ressemble plus, aujourd’hui, à une croix gammée.
D’autres paysages façonnés à des fins de propagande
Si l’histoire semble étonnante, elle n’est pas unique : il pourrait y avoir d’autres cas similaires dans toute l’Allemagne, selon le Spiegel. Dans la forêt d’Asterode (Hesse), des soldats américains ont découvert dans les années 1970 une autre croix gammée ainsi que le nombre 1933, l’année d’accession au pouvoir d’Adolf Hitler, explique Le Point.
L’histoire la plus étonnante se déroule loin des forêts allemandes
Il faut aller jusqu’au Kirghizistan, en Asie centrale, comme le raconte le New York Times, pour trouver, sur le versant d’une montagne de Tash-Bashat, une autre forêt en forme de croix gammée. La légende raconte qu’ils auraient été plantés par des prisonniers de guerre allemands au sortir de la Seconde Guerre mondiale, à l’insu de leurs geôliers soviétiques. Le motif est apparu deux décennies plus tard. Mais là aussi, ce paysage dérangeant a suscité bien des récits contradictoires : le superviseur de la forêt, d’origine allemande, aurait fait planter les sapins de cette manière dans les années 1940, à moins qu’il ne s’agisse de l’œuvre d’une nationaliste allemande, après la mort de Staline, explique le New York Times.
De manière générale, les forêts en forme de croix gammée ne sont qu’un exemple de l’utilisation du paysage à des fins de propagande. L’Italien Benito Mussolini a lui aussi fait planter, en 1939, une forêt de pins formant les lettres DVX (pour le mot latin “dux”, qui signifie “guide”) sur le mont Giano, à 100 km de Rome. Déclarée monument culturel en 2004, cette forêt a en partie brûlé en 2017, selon la Deutsche Welle (en allemand). Au-delà des forêts, les paysages demeurent des moyens de communication pour le pouvoir politique : aux Etats-Unis, les quatre présidents américains sculptés dans le granite du mont Rushmore (Dakota du Sud) en sont un spécimen mondialement connu. Dernier exemple en date : une phrase inscrite dans la roche du mont Sokda, en Corée du Nord, à la gloire du défunt dirigeant Kim Jong-il.
Source: Julien Nguyen Dang. Franceinfo France Télévisions
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