Sarah Cattan. Quand l’Affaire Sarah Halimi est faussement “contée” par Conspiracy Watch

Le papier d’aujourd’hui est une réponse à un post public étonnant de Rudy Reichstadt, mettant en cause Tribune juive et l’accusant … de relayer, concernant l’Affaire Sarah Halimi, des thèses conspirationnistes.

Pour info à nos lecteurs, Rudy Reichstadt se présente comme politologue de formation, directeur de Conspiracy Watch, un “observatoire du conspirationnisme », et membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès. Adoubé par le ministère de l’éducation nationale, qui le met à l’honneur dans sa ressource en ligne Déconstruire la désinformation et les théories conspirationnistes[1], Rudy Reichstadt ne montre dans cette intervention concernant l’Affaire Sarah Halimi rien d’un chercheur à la tête d’un quelconque observatoire. Il semble de surcroît ignorer le fonctionnent normal de la Justice.

Ne boudons pas, néanmoins, ce que nous appelions de nos vœux : aujourd’hui, L’Affaire Sarah Halimi, chacun en parle. Et les media aussi. Et Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme aussi, sous la plume de son directeur, Rudy Reichstad.

Ainsi, s’il arrive encore de manquer de s’étouffer devant ces titres qui demandent si Sarah Halimi a bien été tuée parce qu’elle était juive, la chose se fait rare : notre Ministre elle-même n’a-t-elle pas argué, hier, qu’enfin, il fallait bien passer à autre chose, puisque la circonstance aggravante pour antisémitisme avait bien été actée. Telle une obole consentie, et après moult tractations, mais cela, Nicole Belloubet l’a tu, tant est éloquent et lourd de sens le temps mis à obtenir ladite circonstance aggravante, laquelle, au lu des pièces du dossier, ne pouvait être refusée sans risquer l’opprobre du monde, et je ne parle pas du seul monde juif.

Ce détail étant réglé, notre Ministre évoqua la question qu’on qualifiera de subsidiaire pour certains, celle de savoir si, au moment de la commission des faits, Traoré était … fou : il était fou, affirma-t-elle, se basant sur les motivations de l’arrêt. Et hop : circulez, que diable.

Il reste à prouver que Traoré est FOU

Fou. Le mot est lancé. 7 experts se disputent et à 6 contre 1, une majorité se dégage pour parler d’abolition de son discernement alors que Daniel Zagury plaide la seule altération. 7 experts qui concordent sur l’existence d’un épisode psychotique, possiblement déclenché ou aggravé par la prise de cannabis, une BDA aigüe au moment des faits, mais aussi sur l’absence de toute névrose dans la vie du tueur, lequel était bien connu des services de police pour des faits qui le menèrent en taule plus souvent qu’à son tour.

Fou. Si on l’appelle ainsi, il faut entendre que vous qui, avec moi, demandez à ce que malgré tout statue une Cour d’Assises, vous n’appartenez pas au monde civilisé et doté de raison. Vous faites peu de cas du code Napoléon qui, dès 1810, interdit de punir ceux que le Moyen Age considérait comme possédés du démon et jugeait avec une sévérité accrue.

Fou. Aujourd’hui, des experts posent un diagnostic. Aujourd’hui, le juge, la plupart du temps, se range à leur avis : Ce qui pose problème, c’est l’isolement grandiose des experts, écrit Pierre Lamothe[2] . Il faudrait qu’ils s’ouvrent à la contestation, comme dans les pays anglo-saxons, où la défense peut diligenter, elle aussi, des expertises, ajoute-t-il.

Lorsque, le 19 décembre dernier, la Chambre de l’Instruction de la Cour d’appel de Paris a rendu, au sens de l’article 122-1 du Code pénal, une décision d’irresponsabilité pénale pour Kobili Traoré, dit en proie, pendant les faits, à une bouffée délirante aigüe, possiblement aggravée par la prise de cannabis, l’individu fut immédiatement hospitalisé d’office en psychiatrie.

La famille de Sarah Halimi s’est aussitôt pourvue en cassation.

Une fois sues les motivations de l’arrêt rendu, chacun dispensa son avis, et Tribune juive donna et donnera encore la parole à des professionnels du droit, aux Conseils de la famille, mais toujours à ceux qui savaient le dossier, et le savaient bien, les avis d’une Anne Hidalgo ou d’une Marine Le Pen nous intéressant beaucoup moins.

Parmi ceux qui s’exprimèrent sur TJ, un Joann Sfar mais encore le beau papier de Franz-Olivier Giesbert dans Le Point : La honte du 19 décembre.

Et puis, à l’occasion de La marche pas silencieuse organisée par Eddie Suissa, le journal relaya le papier de Pascal Tenno, qui avait l’avantage d’émaner d’un non juif : chacun sait qu’ils manquèrent, ceux-là, non suspects de communautarisme. 

Des Juifs honteux et des non-juifs exhortant étrangement la seule communauté juive à prendre du recul, à ne pas céder à l’émotion, que dis-je, à la panique, oh nous en trouvâmes. D’un Régis de Castelnau à un Christian Saint-Palais, lequel nous pria de nous abstenir de discréditer et injurier les juges qui venaient de rendre une décision susceptible de recours dans un dossier complexe.

S’il faut encore et encore en revenir aux faits, aux seuls faits, d’un dossier dont les dysfonctionnements sont limpides

Pour le docteur Daniel Zagury, se basant sur les données du suivi médical, la rechute quand le traitement fut diminué composait un tableau archétypique dont la réalité clinique était incontestable.

La deuxième expertise et la troisième expertise concordaient avec le diagnostic d’état psychotique aigu posé par Daniel Zagury.

De cette unanimité dans le diagnostic, les psychiatres ne tirèrent pas la même conclusion : pour le deuxième et le troisième collège d’experts, ce trouble psychotique bref d’origine exogène avait aboli au sens de l’article 122-1 du code pénal le discernement de Traoré et la consommation de cannabis n’avait fait qu’aggraver le processus psychotique déjà amorcé. De surcroît, il avait peu conscience de la dangerosité de ce produit : certes, notre homme aurait pris volontairement du cannabis ce jour-là, mais au moment des faits, son libre-arbitre était nul, et il n’avait jamais présenté de tels troubles antérieurement.

En résumé, notre Traoré ne pouvant pas savoir que le cannabis allait provoquer chez lui une bouffée délirante, ce n’était donc pas l’ivresse cannabique qui avait déclenché sa folie meurtrière et là était toute la différence avec un chauffard qui aurait pris le volant après avoir bu ou fumé du cannabis, se mettant consciemment en état de causer un accident. (Sic)

Pour le seul Daniel Zagury, la prise de cannabis était une intoxication chronique volontaire. Le médecin suggéra donc de retenir une altération du discernement de Kobili Traoré et non pas son abolition :  Traoré, pour l’expert, était accessible à une sanction pénale, et pouvait être renvoyé devant la Cour d’Assises.

La séance du 19 décembre

Les trois magistrats de la Cour d’appel, souverains comme les Juges de l’Instruction pour prendre leur décision, choisirent de retenir l’abolition du discernement de l’individu : leur décision fut prise au terme de l’audience publique du 19/12 où les experts des trois collèges furent entendus : Aucun élément du dossier n’indique que la consommation de cannabis par l’intéressé ait été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une telle bouffée délirante. Il n’existe donc pas de doute sur l’existence chez Kobili Traoré, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, conclurent-ils.

Une histoire surréaliste de baril de poudre et d’étincelle

C’est alors que des esprits particulièrement tordus demandèrent si un crime pouvait être antisémite et délirant à la fois. Il fut répondu, de façon alambiquée, que oui : Une histoire de baril de poudre et d’étincelle nous fut même servie.   Traoré aurait été, au moment des faits, le baril de poudre, et cette malheureuse Sarah, l’étincelle.

Entrée en lice de Conspiracy Watch

Le directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme, se targuant d’avoir échangé, lui, avec plusieurs des protagonistes de l’affaire, dont l’avocat du meurtrier, eut connaissance des motivations de l’arrêt et retint cette précision : le meurtrier continuerait à représenter une menace pour lui-même et les autres.

Monsieur Reischatd n’était manifestement pas présent au Tribunal, le 19 décembre. Il n’entendit pas Zagury dire et répéter que, s’il avait Traoré devant lui en son cabinet, il le ferait sortir de l’hôpital aussitôt.

Le directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme ne vit ni n’entendit Traoré écouter et s’exprimer, pleinement maître de ses propos.

Le directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme consent toutefois à revenir sur l’existence d’une préméditation chez le tueur d’une Juive et à reconnaître que l’absence d’unanimité dans les expertises diligentées par les juges d’instruction aurait dû déboucher sur la tenue d’un procès aux Assises et veut bien, grâces lui en soient rendues, consentir au questionnement du pouvoir consenti par notre système judiciaire à l’expertise psychiatrique, laquelle ne relève pas de la science exacte…

Le directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme, donc, en préalable, questionne…

Lorsque Conspiracy Watch accuse

Mais le directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme, questionne On ne sait qui, On ne sait quoi, car le voilà qui, par un retournement étonnant de la pensée, accuse : Un texte de Pascal Tenno, publié sur le site « France Libre 24 » (FL24.net) et repris sur le site « Tribune juive », laisse très ouvertement entendre que la défaillance de l’instruction avait en réalité pour but d’empêcher que l’Etat rende des comptes sur la passivité d’un policier ayant choisi de ne pas intervenir.

A l’appui de ce qui va lui servir de démonstration, le directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme, écrit : Comme dans tout texte conspirationniste, la thèse alternative est affirmée à coups d’insinuations rhétoriques.

Parlant de légitime émotion suscitée par l’arrêt de la cour d’appel, le directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme, insiste sur les considérations conspirationnistes : Le recours à la théorie du complot abîme ce que nous avons en commun. C’est aussi le plus beau cadeau que puissent faire ceux que cette affaire révulse aux indifférents et aux complices du déni de justice contre lequel ils se dressent.

Ebaubi par ce discours à la structure éminemment discutable, et après avoir redit au lecteur que bien que n’étant pas un troisième degré de juridiction, La Cour de Cassation ne cassait que les erreurs de droit, lequel ne se limitait pas à la procédure pénale, nous voilà contraints de rappeler au directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme, les faits. Juste les faits. Ceux que récita le frère de Sarah Halimi et que depuis si longtemps nous répétâmes ici-même et sur les ondes ad nauseam.

Les Questions posées par William Attal n’étaient en rien des affirmations

Traoré, qui s’est laissé arrêter sans la moindre résistance et a tout de suite reconnu avoir tué Sarah Halimi, a aussitôt été transféré en psychiatrie : notre homme péta un câble, ce qui fit qu’il ne fut interrogé que … en juillet, soit 3 longs mois après les faits.

De reconstitution, exigée tout au long par Maître Buchinger, il n’y eut pas : pourquoi, nous répondait-on ? L’homme niait-il quoi que ce fût ? Non. Alors Pourquoi ? Pour comprendre ce que fit et ne fit pas la police présente sur les lieux 3 minutes après avoir été appelée ? On ne force pas ainsi une porte derrière laquelle se trouverait un ou plusieurs terroristes, nous fut-il répondu. On attend. Des instructions.

A quoi on rappellera à raison que la tenue d’une reconstitution n’était absolument pas impossible au motif que se posait la question de l’abolition du discernement, et qu’au contraire, l’acte de reconstitution a vocation à faire la lumière sur l’ensemble des faits dont le juge avait la charge de connaître au stade de l’instruction, en ce compris la possible abolition du discernement mais pas que : dans une reconstitution, on évalue les théories impossibles mais aussi, au-delà des dires du mis en examen, surtout ceux des témoins. Ce qui ne fut pas fait.

Haro aux conspirationnistes. Pointage des dysfonctionnements

Ceux qui interprétèrent ce refus de reconstitution comme une tentative d’éviter le questionnement relatif à la passivité de la police furent considérés comme … complotistes.

Qui était Traoré, qu’on nous présenta d’emblée comme un petit malfrat en rien radicalisé ? Voilà encore un point qu’il conviendrait de taire, sous risque de passer pour un conspirationniste : or Traoré lui-même, à la séance du 19 décembre, nous apprit qu’il priait, 5 fois par jour, et pas n’importe où : à la mosquée Omar, connue sous le nom de Mosquée Jean-Pierre Timbaud, et encore mieux connue comme Mosquée salafiste qui fit l’objet en 2014 du procès de moult djihadistes qu’elle abritait, via sa messagerie internet, communiquant à l’aise par l’intermédiaire de l’opus brouillon.

Le trajet que fit Traoré pour accomplir son forfait est à juste titre questionnable, émanant d’un esprit dit égaré : redisons-le encore, qu’à 4 heures du matin, il emprunta l’unique voie permettant d’accéder au balcon de sa proie : en passant chez les Diarra, famille nombreuse que cet être au discernement aboli épargna.

Parlons de cet individu qui prit le temps de se changer. Qui, une fois face à sa victime, la lyncha en récitant une sourate dont il donna lui-même, le 19 décembre, le nom : Al Fatiha. L’une des sourates les plus haineuses à l’encontre des Juifs.

Un Traoré qui, se retrouvant au moment du geste ultime confronté aux regards de la police et des voisins rassemblés, simula … un suicide : celui de Sarah. Qu’il empoigna et balança, vivante, du quatrième étage.

Un Traoré qui, une fois son forfait accompli, refit le chemin inverse, se changea.

Mais un Traoré encore qui, au cours de son séjour en UMD, réussit à se faire fournir le cannabis qui allait provoquer une nouvelle bouffée délirante.

Un Traoré duquel lesdits experts auditionnèrent les seuls proches : parents, ami.

Non Rudy Reichstadt, les victimes ne cherchent pas dans le procès une forme de contribution quasi thérapeutique à leur processus de deuil : ils exigent que la vérité soit dite.

Et vous, directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme, à force de voir du complotisme partout, vous en voyez là où il n’y en a pas et où, à l’inverse, il y a … un sérieux problème.

Que Vous, Rudy Reichstadt, Politologue, dit gardien de l’information sur Internet, vous attachiez à démonter une supposée théorie du complot, voilà qui serait conforme à votre fonction. Sauf qu’ici vous le faites au prix d’une interprétation bien extensive dudit complotisme, vous acharnant à plaquer les théories fumeuses appliquées au 11 septembre sur une Affaire qui n’a rien à y voir : personne, Rudy Reichstadt, n’a sous-entendu l’existence d’un cabinet noir au sein du Palais et d’où seraient drivés les magistrats.

Une affaire éminemment politique et seulement politique

Nous parlons bien d’autre chose, d’une affaire éminemment politique et seulement politique, d’un temps sombre et tragique de l’Histoire dont les livres à venir attesteront : nous parlons de la grande maladie qui touche la France et que nous ne soignons pas, choisissant lâchement de ne pas la nommer.

Georges Bensoussan, l’avis éclairé d’un Historien Lanceur d’alerte

Georges Bensoussan

Pour ne pas le paraphraser, nous allons citer Georges Bensoussan qui s’exprima récemment sur l’Affaire Sarah Halimi[3], parce que nous le rejoignons en tous points :

Nous le rejoignons mot pour mot lorsqu’il explique que la maladie mentale épousant les codes sociaux et culturels de son temps, la grande scène d’hystérie des mardis de Charcot à la Salpêtrière a massivement disparu et le désordre mental a pris d’autres visages : avec Traoré, la bouffée délirante prend la forme (tout aussi délirante) de la propagande islamiste dont il s’imprègne continûment.

Nous le rejoignons mot pour mot lorsqu’il affirme que le crime commis par Traoré est un marqueur social, et que c’est en cela qu’il est paradoxalement, et en même temps, structuré par la raison: il bat à mort une femme que les codes culturels de son environnement présentent comme le diable sur la terre: le «Juif», celui dont Youssef al-Qaradawi, le prédicateur le plus suivi dans les milieux Frères musulmans, en France et ailleurs, estime que le génocide qui l’a frappé était un châtiment divin, et que si Dieu le veut, le prochain massacre sera exécuté par la main des musulmans eux-mêmes.

Nous citerons encore l’auteur des Territoires perdus de la République lorsqu’il affirme que refuser le procès, c’est s’interdire de questionner cet environnement pathogène : In fine, c’est le dédouaner. Cette décision laisse donc dans l’ombre ces zones du territoire contrôlées par les propagandistes salafistes. Elle illustre ce que l’historien Pierre Vermeren nomme Déni français (Albin Michel). Un déni qui a un prix, le sang d’une femme battue à mort et défenestrée au vu des voisins et des policiers qui n’interviennent pas faute d’ordre adéquat.

Nous suivrons encore et encore Georges Bensoussan lorsqu’il explique ce qu’un débat contradictoire aurait pu nous apprendre de plus sur cette affaire : Précisément ceci : qui a fabriqué un tel environnement ? Qu’est-ce que cette affaire dit d’une immigration qui n’a pas toujours été bien intégrée ? Voire qui, dans certains cas aujourd’hui, se désassimile sous l’effet d’un processus récent de réislamisation ? Un procès aurait éclairé ce délitement de la nation, il aurait questionné la frilosité des autorités qui n’ont pas donné à temps l’ordre d’intervenir, alors que le calvaire de cette femme a duré près d’une heure. Il aurait interrogé le silence des médias dans les jours qui ont suivi, et qui renvoyait les Juifs à leur solitude ancienne, celle qui fait de l’antisémitisme (plus de la moitié des actes racistes pour 0,7 % de la population) une « affaire juive », une solitude qu’en 2016 déjà, dans Marianne, Éric Conan évoquait avec justesse en titrant « Extension du domaine de la solitude juive ».

Nous suivrons encore celui qui fut assigné à la 17ème Chambre pour les raisons que l’on sait : L’antisémitisme est aujourd’hui si criant qu’il serait difficile de le cacher sans sombrer dans le ridicule. Ce qui est tabou, ce sont les antisémites. On dénoncera le mal en laissant dans l’ombre ses auteurs, ce qu’on résume en français par l’expression : « Parler pour ne rien dire. » Le tout accompagné d’exaltation au « plus jamais ça », d’une visite obligée au Mémorial et d’une certaine forme de commémoration qui honore les Juifs morts pour mieux oublier les vivants. Cette affaire offre le spectacle pathétique d’une défaite annoncée quand se marient déni, démission et lâcheté.

Cette affaire signe un double abandon, celui du judaïsme populaire sacrifié sur l’autel d’une hypothétique paix civile, et de manière plus générale, l’abandon des classes populaires

Ça suffit. Ça suffit. De recourir aux accusations de prétendu complot

Ça suffit de faire semblant, en plein essor du djihad judiciaire, alors que la justice française sanctionne promptement les violences commises par les Gilets jaunes et autres auteurs, alors qu’elle relaie avec un empressement inédit les plaintes pour incitation à la haine raciale, à la discrimination et autres attaques contre le genre humain, de faire mine de trouver normal, voire banal, voire anodin, les 10 mois de discussion pour reconnaître comme à l’arraché le caractère antisémite du cas Sarah Halimi.

Et il faudrait encore à présent passer son chemin et accepter cette décision qui ferait de Traoré un sain d‘esprit qui serait devenu fou pendant 55 minutes.

Accepter cette fable de substances absorbées comme … à l’insu de son plein gré.

Accepter ce cas particulier d’un individu trop dangereux pour être en prison, trop normal pour être interné,

Accepter en somme qu’on nous le gardât un temps décent dans un lieu médicalisé en veillant à ce que, à Dieu ne plaise, il n’eût accès à l’herbe tueuse de Juives, tout en sachant qu’il a pu en recevoir au sein-même de ladite UJMD.

Ainsi, est-il concevable à un esprit bien formé que nous soyons légion à nous interroger, sans pour autant convoquer quelque pression politique, sur une Affaire révélatrice des fractures françaises en ceci qu’elle signe un double abandon, celui du judaïsme populaire (dont Sarah Halimi était emblématique) sacrifié sur l’autel d’une hypothétique paix civile, et de manière plus générale, l’abandon des classes populaires.

Une Affaire où, loin de chercher la seule dimension antisémite dans cette décision, nous voyons, à l’instar de Georges Bensoussan, une illustration de la déchirure du tissu social français.

Est-il concevable à un esprit d’honnête homme d’accepter que l’Affaire Sarah Halimi est décidément mal venue, ébréchant comme elle le fait le dogme du vivre ensemble et illustrant la faillite de cette mythologie : Juger le meurtrier de Sarah Halimi aurait pu éclairer, à cet égard, le déni des élites françaises, un déni dont elles ne paieront pas le prix, puisqu’elles pratiquent, on le sait, un entre-soi résidentiel, culturel et scolaire. Elles n’auront pas non plus à payer (du moins dans l’immédiat) l’échec de l’intégration d’une partie de cette immigration qui a affecté les classes populaires.

Les conséquences de ces bouleversements seront acquittées par ceux qui n’ont pas les moyens d’ériger la frontière invisible de l’entre-soi social. Et par les Juifs dont beaucoup, en particulier venus des quartiers populaires, ont déjà quitté le pays. Cette décision laisse l’impression qu’en haut lieu, on est prêt à sacrifier les plus fragiles pour sauver un semblant de paix sociale. Aux Juifs, elle indique la direction de la sortie. Et aux complotistes, qui fantasment nuit et jour sur le « pouvoir juif », elle dit le vide dudit pouvoir. A fortiori dans un pays où 62 % de leurs compatriotes se disent « indifférents » à leur départ…

Source : Grand Entretien. Georges Bensoussan interrogé par Alexandre Devecchio. 3 janvier 2020. Le Figaro Magazine.


[1] Monde diplomatique.

[2] Médecin chef du service médico-psychologique régional (SMPR) des prisons de Lyon.

[3] Georges Bensoussan. Grand Entretien avec Alexandre Devecchio. Le Figaro Magazine. 3 janvier 2020.

Sarah Cattan

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6 Comments

  1. Il est scandaleux, en effet, que même Rudy Reichstadt n’hésite pas à se rendre coupable de la sélectivité malhonnête necessaire pour arriver à une decision des plus honteuses.

    Et,du moins implicitement, à renoncer à la mise en pratique d’une méthodologie – relevant du scepticisme le plus rigoureux – si necessaire aux analyses entreprises par les chercheurs serieux, en ce qui concerne les praticiens d’une science inexacte, dont la qualité de leurs “analyses indépendantes” et de leurs arguments contradictoires laissent beaucoup à désirer.

    Quelle difference avec la letter ouverte de l’admirable Monsieur Claude Bloch.

    (https://www.jforum.fr/une-justice-qui-a-non-seulement-failli-mais-trahit.html)

  2. J’ai pleuré et même crié malgré moi en lisant le magnifique compte rendu de la déclaration de Pascal Hattal sur les circonstances ignobles de l’odieux assassinat de sa soeur Sarah Halimi.Moi qui adorais la France de de Gaulle, j’ai maintenant honte pour elle en raison de la lâcheté injustifiée et impardonnable de son président, de ses juges, de sa police face à leur révoltante attitude ici dénoncée courageusement. Vous pouvez rendre publique mon nom et le présent point de vue.

  3. Qui pourrait ajouter quelque chose à cet article ? Hier je suivais sur une chaîne un documentaire sur le nazisme ! L’histoire ne recommence pas…….Mais elle continue pour n’avoir pas suffisamment lutté et combattu l’antisémitisme pour l’annihiler. Que sert-il encore à chercher les coupables si l’on n”éradique pas ce mal mondial et si ancien?
    Dans le crime horrible de Sarah Halimi, le peuple de France ne pourra pas faire l’économie d’un double procès…..Celui du véritable assassin et de son complice volontaire l’Etat français qui aura refusé la justice d’un crime qui jusqu’à ce jour reste impuni.

  4. Article absolument remarquable. Au point que je me permets de demander d’y ajouter le long commentaire que j’avais déjà fait le 6 janvier dernier à “Le frère de Sarah Halimi bouleverse la manif” sur JForum. Le voici:

    Un extrait de “L’Antisémitisme français. Aujourd’hui et demain” de Simon Epstein, Editions Belfond, 216, bd. Saint-Germain, Paris, 1984. Page 41:

    “L’expérience historique du vingtième siècle permet de dénombrer à ce sujet plusieurs modèles relationnels entre la police d’un pays donné, d’une part, et les Juifs du même pays, d’autre part. Le cas optimal, on s’en doute, est celui où les Juifs, en tant que tels, n’ont pas à être protégés par la police. Le cas suivant, …”

    Un peu plus loin, même page:

    “Une quatrième possibilité, impliquant déjà une coopération active, est illustrée par une photo qui fut diffusée dans la presse mondiale en 1933 au cours des premières persécutions hitlériennes. Un avocat juif, Spiegel, est promené dans les rues, sans chaussures et le pantalon coupé à mi-jambe. Autour du cou, il porte un grand écriteau: “Je n’irai plus me plaindre à la police.” Attaqué par des nazis il avait cru trouver refuge dans un commissariat, mais fut aussitôt remis aux mains de ses poursuivants. Il sera d’ailleurs assassiné peu de temps après, à Dachau.

    Ultime modèle. La police fait elle-même la chasse aux Juifs.”

    Cet ultime modèle décrit par Simon Epstein ne concerne pas la police allemande. Début de la page suivante:

    “… Toutes ces indications méticuleuses figurent dans les consignes que le directeur de la police de Paris, Hennequin, diffuse le 12 juillet 1942 en vue de la grande rafle du 16, celle qui emplira le Vel d’Hiv.”

    Déjà près de quarante ans nous séparent de la rédaction de ce livre prophétique écrit après l’attentat de la rue Copernic en 1980 et après celui de la rue des Rosiers en 1982. Aussi quarante ans à peu près séparaient ce livre de la rafle du Vel d’Hiv et du massacre de six millions de Juifs, environ aussi quarante ans après la réhabilitation si rassurante de Dreyfus. Aujourd’hui, il y a où aller. L’Etat d’Israël existe mais, puisqu’il est très mal vu en France d’être sioniste, on peut rester politiquement correct en allant par exemple en Amérique. L’hiver à Pittsburgh est rude, par contre il y fait bon en été. Il est plus facile d’attendre encore. Mais les aiguilles de l’horloge tournent.

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