Dans un éditorial de Valeurs actuelles du 23 décembre, Maître Gilles-William Goldnadel, annonçant la condamnation en appel de la Présidente du Syndicat de la Magistrature en L’affaire du Mur des cons, allait nous prouver que L’Affaire Sarah Halimi n’était pas finie.
Après avoir rappelé combien il fut et combien il est et sera toujours l’un des contempteurs les plus sévères de la justice française contemporaine lorsqu’elle rend ces arrêts idéologiques comme ces décisions étrangement légères, l’avocat pria cependant de ne pas jeter tous les magistrats français dans le même bain de suspicion ou d’opprobre.
Revenant sur cette décision qui révulsa l’âme et l’esprit, en l’occurrence celle de la Chambre de l’instruction qui décida, contre la jurisprudence de la Cour de cassation qui veut qu’en cas de contrariété d’expertises sur l’irresponsabilité pénale, la Cour d’assises de renvoi soit compétente, cette décision qui heurtait le bon sens et la conscience, outre qu’elle ouvrait des perspectives admirables pour les pénalistes sans état d’âme qui ne tarderaient pas à invoquer la jurisprudence Sarah Halimi au profit de l’un de leurs clients toxicomanes invétérés ayant par exemple écrasé un enfant sur un passage clouté, redisant fortement que notre Traoré exempt de toute maladie mentale au dire des 7 experts judiciaires commis pourrait même, ô comble de raisonnement, se retrouver défendu par un avocat qui saisirait la justice en raison d’un internement abusif, Gilles-William Goldnadel se fit un honneur, un devoir et une fierté d’annoncer à ses lecteurs qu’en L’Affaire du Mur des cons, dont l’existence fut révélée par son client le journaliste Clément Weill-Raynal, au grand dam du syndicat des journalistes CGT de FR3 et d’une grande partie de l’appareil médiatique, d’annoncer donc qu’alors qu’en première instance, Mme Martre, ès qualité de présidente du Syndicat de la Magistrature, s’était vu relaxée des poursuites engagées, eh bien, en appel, et en dépit de l’assistance renouvelée du Parquet animé par un bel esprit de corps et d’âme, la Cour venait enfin de condamner sèchement la dame.
Entre le Mur des cons irresponsable et l’irresponsabilité du tortionnaire de Sarah Halimi, il n’y a qu’un mètre, titra ainsi Maître Goldnadel.
En effet, étonnamment tue par les media, la procédure à l’encontre du Syndicat de la Magistrature, celui du Mur des cons, se poursuivait : faut-il rappeler que ces juges qui représentaient un tiers des magistrats syndiqués avaient trouvé amusant de placer au pilori non seulement leurs adversaires politiques mais encore des parents de victimes assassinées, Gilles-William Goldnadel allant plus loin :
J’affirme que des juges de cette engeance peuvent parfaitement et sous l’empire addictif de la même idéologie refuser d’infliger des châtiments appropriés à des djihadistes aux mains ensanglantées, refuser de poursuivre des islamistes antisémites, poursuivre au contraire ceux qui les dénoncent… ou déclarer irresponsable pénalement le tortionnaire d’une vieille dame juive. Tant la perspective d’utiliser l’outil carcéral à l’encontre de ceux qu’ils estiment victimes de la société leur est aussi insupportable que jubilatoire le plaisir de châtier sans pitié des délinquants financiers issus des beaux quartiers.
Revendiquant l’honneur d’être l’adversaire déclaré de la justice idéologisée, Maître Goldnadel tira une morale judiciaire de l’histoire :
Ne jamais désespérer de la justice. S’il y a des juges soumis à l’idéologie quelquefois sans même s’en apercevoir, il y en a d’autres qui résistent, rien que pour faire leur devoir.
L’affaire Halimi n’est pas finie.
Le Mur de la Honte
Avant de rappeler aux lecteurs comment le « scandale éclata », précisons que notre Collaborateur et ami, Frédéric Sroussi, avait évoqué Le Mur des Cons dans 2 de ses papiers: Si Sarah Halimi s’était appelée Malika Ashraoui ( publié le 1er décembre 2019 ), et La justice est politique: réponse au faux naïf Regis de Castelnau, publié ici le 22 décembre.
Clément Weill-Raynal … et Le Mur des Cons
Ce fut en 2013 que le scandale éclata, avec la révélation par notre collègue Clément Weill-Raynal de ce panneau, ce Mur, dans les locaux parisiens du Syndicat de la magistrature et sur lequel figuraient des images d’hommes politiques, mais encore de journalistes et parents de victimes : Une video avait montré à la France les dizaines de photos accrochées sur ce trombinoscope, et le site Atlantico avait diffusé l’innommable. Bilger le baptisa Le mur de la Honte.
Une quinzaine de plaignants avaient saisi le tribunal correctionnel, lequel avait certes critiqué ledit panneau qualifié d’injurieux et d’inconcevable de la part de magistrats, mais avait pratiquement relaxé l’ex-Présidente du Syndicat de la magistrature, Françoise Martres, pour des questions de forme, la condamnant uniquement pour injure envers le général Philippe Schmitt dont le grand tort avait été de critiquer le laxisme de certains juges après l’assassinat de sa fille par un récidiviste dans le RER.
La dame se retourna vers la Cour d’appel de Paris et défendit à nouveau une dimension satyrique, exutoire, ludique, Gargamel et Dark Vador figurant eux aussi sur le panneau.
L’ex-Présidente du Syndicat de la magistrature, Françoise Martres, condamnée en appel
La Cour la condamna cette fois pour injure publique envers Philippe Schmitt, père d’Anne-Lorraine, assassinée de 34 coups de couteau dans le RER D, le 25 novembre 2007, par un récidiviste, mais encore à l’encontre du Rassemblement national et de Robert Ménard, maire de Béziers.
Pour rappel encore, les autres plaignants s’étaient, eux, satisfaits de la virulente critique du Tribunal.
Reste qu’aujourd’hui encore, cette affaire n’est pas sans anodine et interroge sur la partialité supposée de certains magistrats.
Relire Péguy
Il faut relire Péguy, qui signa toutes les protestations publiées dans L’Aurore pour demander la révision du procès Dreyfus. Lire Le Mécontemporain que Finkielkraut lui consacra[1].
Et garder à l’esprit cet extrait d’un article Bernard Mallet, in Réflexions sur le comportement du Juge consulaire[2] : Il est toujours permis de garder un idéal et pourquoi pas un certain enthousiasme dans ce que nous faisons ; la matière le permet. Faute de quoi nous risquons d’être habitués, ce que condamne Monsieur Drai, nommé en 1988 Premier Président de la Cour de Cassation, en nous rappelant ce mot de Péguy : Un juge habitué est un Juge mort pour la Justice.
Lire encore Le Mur des cons, le vrai pouvoir des
juges de Philippe Bilger[3],
essai où sont dénoncées les dérives de la justice, l’auteur[4]
nous entraînant dans les arrière-cours des palais, et se livrant à L’autopsie
d’une justice écartelée entre juges rouges militants, magistrats du parquet
soumis au politique et autres poches de résistance, constituées notamment par
les juges d’instruction qui, depuis les années 1990, sans exposition
médiatique, sans parti-pris idéologique, traquent ce qu’ils croient être « la
vérité » au risque parfois d’en oublier le droit.
[1] Gallimard. 1992.
[2] Persée. 1990.
[3] Albin Michel. Octobre 2019.
[4] Avocat général à la cour d’assises de Bobigny et Paris pendant vingt années, Philippe Bilger, aujourd’hui Président de l’Institut de la parole, anime le blog Justice au singulier.
GW Goldnadel, pourtant avocat, plaide beaucoup devant les médias ; mais très peu (voire jamais…) devant les tribunaux. La raison ?
Il est facile de déployer des arguties pseudo-juridiques devant les lecteurs de la presse, normalement non-juristes et souvent acquis à sa cause.
Alors qu’avoir les mêmes prétentions devant un tribunal pourrait engendrer un fou rire (sous cape, bienséance oblige) voire énerver les magistrats présents et éventuellement faire dresser les oreilles du Conseil de l’Ordre (des avocats).
C’est ainsi qu’il gratifie (enfin…dixit cet article) les simples lecteurs que nous sommes d’une critique savante de la décision judiciaire de ne pas juger le meurtrier de Sarah Halimi.
MAIS plaiderait-il la même cause devant un tribunal ?
Car, s’agissant d’une décision de cour d’appels, s’il croyait son propre discours, il aurait pu porter l’affaire à la cour de Cassation.
Chiche ? NON. Il s’abstient soigneusement de la faire. La raison, encore et toujours ?
Il sait pertinemment que la décision fut prise conformément à la LOI. En l’occurrence, l’article 122-1 du code pénal fixant les conditions de l’irresponsabilité pour cause psychiatrique.
En conséquence, en l’état actuel de la loi, toute instance judiciaire déciderait à l’identique ; à savoir que le meurtrier de Sarah Halimi n’est pas accessible à une sanction pénale.
Modifier la loi ? OUI. Il le faut. S’engage-t-il pour ça ? NON. Il n’en parle même pas.
Bref, on nous sert un charabia pseudo-judiciaire ; agrémenté, pour mieux nous brouiller, hors sujet et hors contexte, de l’affaire du mur des cons…
En somme : il n’y a RIEN à faire dans l’affaire Sarah Halimi ; SAUF modifier la loi.