Refuser de se taire: Le Carnaval d’Alost sanctionné pour antisémitisme. Sarah Cattan

En mars 2019, nous demandions avec d’autres que fût supprimé de la liste du Patrimoine culturel de l’Unesco le Carnaval d’Alost, empreint d’antisémitisme dit cette fois folklorique. Ce Carnaval belge fut d’abord dénoncé par l’AMS.

Juste un incident, qu’ils disaient…

La chose n’était qu’un incident, avait plaidé le bourgmestre, juste un incident, un rien monté en épingle par ces casse-bonbons de Juifs et leur manque d’humour assurément. Et le directeur d’UNIA – Institution interfédérale étatique, censée combattre les discriminations, avait déclaré qu’il n’y avait rien à reprocher au scandaleux Carnaval d’ALOST et qu’il n’y avait pas d’incitation à la haine.

Alors que les participants, avec l’accord du bourgmestre d’Alost, véhiculaient les pires stéréotypes antisémites, indignes et datant du moyen-âge et qu’il existait dans le Royaume de Belgique une loi destinée à condamner ces ignominies, pourquoi aucune condamnation officielle ne se faisait-elle entendre, poursuivait l’OMS, fustigeant ce Royaume où règnerait, selon un rapport officiel, une augmentation récente et exponentielle des agressions antisémites…

De Belgique aux Etats-Unis, les dérives du carnaval sont fustigées

D’autres se joignirent au chœur des plaignants. Allant jusqu’à dire que le carnaval d’Alost souillait la réputation de la Belgique en tant que pays hôte des institutions européennes. Les images du carnaval prises le 3 mars dernier à Alost nous donnent la nausée, écrivait Shimon Samuels[1], évoquant ces stéréotypes haineux de Juifs au nez crochu et munis de sacs remplis d’argent, qui faisaient penser à la Belgique de la collaboration avec l’occupant nazi.

L’indignation monta. Jusqu’à l’Unesco, un brin… obligée de se positionner, vu que ledit carnaval avait été inscrit en 2010 sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, rituel vieux de 600 ans qu’il était : Appelant les autorités belges à réagir, un communiqué rappela que l’esprit de satire du carnaval d’Alost et la liberté d’expression ne sauraient servir de paravent à de telles manifestations de haine.

La compagnie carnavalesque Vismooil’n devait être condamnée ouvertement, avaient renchéri les associations juives, faute de quoi un départ de l’industrie diamantaire anversoise pourrait être envisagé.

Protestations auxquelles se joignirent des représentants de l’exécutif européen, s’étranglant et disant pour leur part qu’il était impensable que de telles parades eussent lieu dans les rues européennes 74 ans après la Shoah.

Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, après avoir rappelé que dans le passé certains chars du carnaval d’Alost avaient déjà créé la controverse, fustigea la banalisation de vieux clichés, de vieux mythe de l’antisémitisme. Et dénonça la violence qui était à montrer ces enfants, déguisés en juifs orthodoxes, chapeau noir et papillotes sur les tempes, s’amusant sur le char.

Le bourgmestre d’Alost se plaignit alors de recevoir des menaces et force courriels de haine. Il promit de s’occuper des suites de ce qu’il appelait désormais l’incident au carnaval.

Les protestations se multipliaient, venues de Philippe Meyer, du CCOJB[2], du FJO[3], dénonçant clairement la reproduction de caricatures antisémites dignes de l’époque nazie, et l’incident, à force de bruit, sortit de Belgique et fut discuté jusqu’aux États-Unis.

Déjà d’autres chars et déguisements avaient fait polémique lors du même carnaval : en 2015, des participants s’étaient déguisés en djihadistes et en 2013, d’autres ne s’étaient-ils pas déguisés en nazis, défilant avec un faux wagon destiné à déporter les francophones de Belgique.

C’était « pour de rire », qu’ils disaient…

Aucun de tous ceux-là n’avait compris que c’était pour de rire. Un zeste de subversion que diable.

A quoi le président du CCOJB répondit qu’au vu du contexte actuel, alors qu’il y avait meurtres de Juifs parce que Juifs, que des théories complotistes avaient pu récemment être assénées en cour d’assises… ce n’était d’évidence pas le moment … d’en rire. Il dit le distinguo existant entre la satire religieuse et le fait d’attiser la haine : Il peut y avoir des satires religieuses tout à fait acceptables. Mais lorsqu’on attise la haine envers un groupe en utilisant des stéréotypes qui ont déjà amené à de la violence, ça, c’était tout à fait insupportable.

L’antisémitisme le plus caricatural, celui qui avait inspiré les journaux nazis et collabos comme Der Stürmer et Je suis partout, est récurrent au Carnaval d’Alost et cela dans une totale impunité. Cette année comme d’autres avant elle, il dérape…, écrivait pour sa part Roger De Lathouwer[4]

Le Juif éternel, c’est fi-ni

L’argument suprême de la censure, ce presqu’attentat à leur Liberté, fut brandi, suivi de The commentaire : si vous portiez plainte contre le carnaval d’Alost, quelle était votre position concernant les dessins de Muhammad dans Charlie Hebdo… A quoi il fut rétorqué qu’il s’agissait là d’un recours aux clichés qui nourrissaient la haine des Juifs. Qu’en 1940, les nazis avaient diffusé un film de propagande intitulé Le Juif éternel. Que revoilà l’utilisation des préjuges morphologiques comme redoutable outil de stigmatisation du Juif.

Que les choses soient claires : l’antisémitisme n’est pas, de mon point de vue, un racisme comme un autre. Il est le mal qui signe la limite irrationnelle de l’humain dans notre humanité, avait écrit Dominique Eddé dans sa Lettre à Alain Finkielkraut[5]

Relayé par Bernardo Stenhof dans son papier Belgique : après l’insulte de quelques-uns, le déshonneur de tous[6]: L’UNIA subjectivisait le problème : ce n’étaient pas les carnavalesques qui avaient commis un acte antisémite caractérisé, mais les Juifs qui s’étaient sentis blessés. Et que pouvait la Justice face à l’hyper-sensibilité de « certaines personnes » ? Il y avait péril en la demeure, nous disait-il. Et le roi qui pourrait servir à quelque chose une fois en empêchant son royaume d’ajouter au malheur du monde était pris d’une extinction de voix.

Et puis, ce 2 décembre, une dépêche de l’AFP nous annonça que le maire d’Alost venait d’annoncer le retrait par ses soins de la liste du patrimoine de l’humanité de l’Unesco de son carnaval annuel. Il avait expliqué, Christoph D’Haese, avoir décidé de devancer le retrait du carnaval de la liste de l’Unesco, vu qu’il venait d’apprendre que l’organisation avait prévu de le faire mi-décembre, les discussions pour trouver un accord n’ayant pas abouti.

Les citoyens d’Alost avaient souffert d’accusations grotesques, avait-il ajouté.

Les dirigeants d’Alost préféraient sauter avant d’être poussés, avait rétorqué le responsable de l’Association des Juifs d’Europe, basée à Bruxelles.

Ils sautèrent donc. Croyant montrer ainsi un zeste d’honneur, voulant prendre l’Unesco de court, alors qu’ils n’étaient pas maîtres de la décision, et annoncèrent dans la presse ladite retrait. Comme s’ils l’avaient décidé.

La décision de l’Unesco

Ce 13 décembre, lors   La réunion annuelle du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui se tenait à Bogota, l’Unesco retira le carnaval d’Alost du patrimoine culturel immatériel, une grande première : L’Unesco se devait d’être vigilante et ferme quant aux dérives d’un festival classé au Patrimoine de l’humanité et qui en bafoue les valeurs élémentaires, déclara Audrey Azoulay, sa directrice générale.

A suivre…

Était-ce la fin de l’histoire ? Quelle serait l’édition 2020, en février ? Y aurait-il, à défaut, un Sauvage grimé en noir, des chaînes autour des poignets, censé faire peur aux enfants, tel celui qui défila en aout à la ducasse d’Ath.

Voilà l’Unesco à nouveau interpellé par Bruxelles Panthères, ce collectif antiraciste qui rappelle à l’organisation onusienne qu’il est temps de réagir à la négrophobie sévissant en Belgique.

Israël, pour sa part, par la voix d’Israël Katz, chef de la diplomatie israélienne, a salué le retrait du carnaval belge d’Alost de la liste de l’Unesco 


[1] Shimon Samuels est directeur des relations internationales au Centre Simon Wiesenthal.

[2] Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique.

[3] Forum der Joodse Organisaties.

[4] Roger De Lathouwer est membre fondateur du CCLJ et du CCOJB aux côtés de David Susskind.

[5] Parue le 10 mars 2019. L’Orient Le Jour.

[6] In Metula News Agency. Bernardo Stenhof est ambassadeur auprès des Nations Unies et au Conseil des droits de l’homme.

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

3 Comments

  1. Je suis nee et ete elevee en Belgique,d’ou j’ai fait mon alya en 1965.
    Je n’y ai souffert d’aucun antisemitisme.
    Mais la Belgique actuelle n’est plus celle de ma jeunesse
    J’en suis malade de tristesse et de degout.

    • bien dit ANNIE,d’ailleurs,il n’y a pas que la belgique,la France,entre autre a sa part d’entisemitisme avec tous les » muses « qui l’habitent,bientôt il va y en avoir plus que de Français sans compter qu’elle n’a pas les (cuisses) propres,rappelez vous,39/ 45 et la collaboration avec les nazis!!!

  2. Sanctionné? UNESCO a retiré ce carnaval du patrimoine culturel immatériel, c’est tout. Les derniers qui donnent de l’importance à cela ce sont les habitants d’Alost donc ça leur laisse totalement indifférent. L’UNESCO, c’est qui? C’est une organisation liée aux Nations Unies. Et à ces mêmes Nations Unies est lié le Conseil des droits de l’homme dont entre autre l’Arabie saouidite et le Venezuela sont membres, et qui n’arrête pas à adopter des résolutions contre l’Israël. Donc il me semble que dans le contexte du carnaval d’Alost on aime bien référer aux Nations Unies mais à la carte.
    Personnellement je vois dans les commentaires au sujet de ce carnaval plus de commentaires virulents vis-à-vis des flamands et des belges que des commentaires antisémites.
    Ce carnaval est un… carnaval donc on se moque d’individus et des groupes dans la société. Çà fait parti de la libre expression. Et celle-ci est la base d’un état de droit et de la démocratie. Au moment où on commence à dire que certaines opinions ne peuvent plus être exprimées ou certaines caricatures ne peuvent plus être faites on rentre dans une définition subjective et arbitraire de la liberté d’expression ce qui signifie sa fin et le début d’un état totalitaire. N’importe le passé d’un groupe dans la société, il ne devrait jamais être protégé contre le ridicule. Tous les citoyens sont égales pour la loi.
    Il ne faut pas chercher l’antisémitisme où il n’est pas, il existe mais il ne se manifeste absolument pas dans le carnaval d’Alost.

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*