Les lecteurs de Tribune juive interpellent les auteurs des papiers. Se livrent à de justes critiques. Permettant un débat digne de ce nom. Certes il en est qui vous strangulent et vous accablent de tous les maux. Disons que d’une manière générale ce lectorat est divers, absolument pas constitué uniquement de Juifs, et que d’une manière générale ils sont cultivés, certains m’ayant fait découvrir de sacrés bouquins.
Hier l’un d’entre eux, commentant mon papier sur les profanations du cimetière juif d’Alsace, sujet que je n’avais encore jamais abordé, a proposé, sagement, une solution : ignorer. Ignorer les antisémites. Pour voir. « Vous allez hurler : mais je pense que nous devrions moins parler de l’antisémitisme, ça donne des idées aux imbéciles qui n’en ont pas (des idées) d’ailleurs il y a autant d’actes anti-chrétiens et les journaux se taisent pour ne pas exciter les foules animales.
Au contraire : parler de tous ces musulmans silencieux, que nous avons connus, aimés et qui existent encore mais ont peur de parler. Nous faisons de la pub aux tueurs en parlant de leurs actes odieux. Ce n’est pas de l’angélisme c’est du réalisme. Essayons.
Se taire pour ne pas exciter les foules animales, dites-vous.
D’une manière très claire, autant je considère utile mais peu productif que de lister une à une toutes les manifestations haineuses, et d’où qu’elles soient, et qui qu’elles visassent, autant jamais je ne m’interdirai de parler d’un sujet sous prétexte d’une feinte prudence, sous couvert de stratégie: se taire, et voir…
Je regrette de ne pas avoir plus avant parlé des profanations, quelles qu’elles soient : j’ai travaillé, lu, passé du temps sur cet outrage fait au sacré… Et voilà encore qui méritait une analyse digne du sujet.
Je parlerai. Et des politiciens corrompus, aussi
Alors ce matin, moi qui ai laissé les autres s’exprimer sur les affaires Weinstein and C°, moi qui ai quitté le sieur Ramadan lorsqu’il entra à son tour dans cette zone-là, je voudrais dire 2 mots sur nos politiciens corrompus. Mais surtout sur notre comportement et notre co-responsabilité, justement lorsque, outre de voter encore et encore pour ceux-là, nous laissons passer dans un silence éloquent leurs frasques.
Lorsque les avis d’un DSK et les prêches d’un Tariq Ramadan sont encore sollicités
Il me gêne tout autant de constater qu’un DSK est consulté pour ses compétences économiques que de voir annoncée parmi les conférenciers la présence de Frère Tariq à tel ou tel événement.
Elles me gênent les affaires glauques et infiniment vulgaires de costards prêtés ou donnés à un Fillon ou un Lang, surtout lorsque le premier se vendit comme l’incarnation de la probité et le second comme le chantre qui faisait marcher l’IMA, celui qui aujourd’hui, en col mao, nous vend L’arabe comme langue française.
Lui se porte Candidat, en direct de sa cellule: c’est légal. C’est repoussant
Que dire alors d’un Balkany que j’ai certes étrillé lorsque d’aucuns poussèrent des cris effarouchés de le voir condamné et crièrent à l’antisémitisme. Mais quoi. Il faudrait donc se taire et faire comme si, lorsque, dès le lendemain, l’épouse fidèle, la compagne politique, elle aussi mise en examen, endossa le costume du suppléant, et surtout se taire encore lorsque lui annonça, de sa cellule, sa candidature. Par téléphone. En plein Conseil municipal : il en a le droit.
Se taire alors lorsqu’un Bayrou, lui encore, qui nous a saoulé avec ses candidatures successives et ses leçons de morale à 2 sous, se trouve à son tour … mis en examen. Pour complicité de détournements de fonds public blabla. Lui qui osa chanter – il aurait pu a minima s’abstenir – chanter donc, en février 2017, qu’il existait des élus qui respectaient les règles.
Mis en examen ? Mais ça n’est rien me répond-on. Et ça ne vaut pas inculpation.
Ça me dérange. Fortement. Comme cela me dérange chez un Netanyahou qui crie au Coup d’Etat, – et pourquoi n’en serait-ce pas un, dites-moi- et qui continue à représenter l’Etat hébreu, alors même que l’on apprend que son avocat aussi est inculpé pour … blanchiment.
Où sont passées la dignité et la décence
Où donc est passée la dignité et qu’avez-vous fait de la décence.
Celle, démodée, d’un Bérégovoy qui ne supporta pas que fût mis en cause son honneur et préféra … en finir. Un 1er Mai. En 1993. Ce million de francs prêté sans intérêts et dont la Chancellerie devait trancher, affirmant qu’il n’y avait là aucun caractère frauduleux.
Est-ce trop demander que de se mettre à l’écart, provisoirement, dans le seul intérêt du pays : il semble que oui. Puisque les peuples acceptent tout ça. Acceptent que les mêmes, une fois mis officiellement en examen, s’accrochent à leur fauteuil. Que leurs comparses nous sortissent que Cela allait de soi que François allait continuer à occuper son poste. Son poste quoi. C’est le sien. Et les quelques millions d’argent public supposés détournés On en parlera plus tard. Peut-être. Le champion de la moralité publique était donc un mec comme les autres : lui qui gifla en 2012 l’enfant qui fouilla dans sa poche. Lui dont tous nous jugeâmes la réaction … saine.
Je ne me tairai pas
Alors je vais le redire : se tairont ceux qui voudront. Ceux qui se sont tus lorsque l’enseignant-chercheur Mamoudou Barry fut battu à mort cet été, tué un soir de finale de foot, trop noir qu’il était.
Ceux qui se sont tus et se taisent encore lorsque des gens du métier discutent du sort qu’il faudra réserver à l’assassin de Sarah Halimi, trop juive qu’elle était.
Ceux qui se taisent devant les menaces de mort encourues par les autres, ceux qui osent parler, un Waleed ou une Zineb, laquelle de surcroit se permet de porter une jupe. Une jupe rendez-vous compte. Sans voile et genoux découverts. Presque une chanson de Rika Zaraï.
Taisez-vous encore lorsque soudain un Mélenchon se mêle de louer les progrès en direction de l’humanisme d’une Marine Le Pen.
Taisez-vous. Allez choisir les cadeaux et décorer le sapin. Ayez, ou pas, mauvaise conscience. Souvenez-vous que dénoncer l’innommable n’empêche pas de s’adonner à une vie faite aussi de réjouissances et d’une nécessaire légèreté.
Sarah Cattan, j’aime tout ce que vous écrivez mais particulièrement aujourd’hui.
Honte à ceux qui se taisent, nous ne serons plus jamais des juifs honteux !