Au lendemain de l’audience qui s’est tenue devant la Chambre d’instruction mercredi 27 Novembre, Francis Szpiner, avocat des enfants de Sarah Halimi, se dit … amer. Et, Croyez-moi, ça n’est pas le style de notre homme.
Le ténor, peu friand des plateaux télé et qui ne goûte guère aux micros tendus au sortir du Palais, l’avocat qui a hier, selon nous, marqué bien des points, constate ce matin la quasi absence de relai médiatique à une affaire tout de même hors de l’ordinaire : la défenestration de Sarah Halimi par son voisin, en plein Paris, au milieu de la nuit, ce massacre dont fut victime cette directrice de crèche, coupable, aux yeux de son voisin musulman, d’être juive.
Je suis amer. Je constate que finalement cette affaire a été très peu suivie. Car à part l’article Timothée Boutry dans Le Parisien et le reportage de France 24 : Rien. Rien sur les chaînes télévisées. Rien sur les radios. Rien dans la Presse écrite.
Il était 17 heures et Le Figaro n’avait pas encore publié le compte-rendu de Barbara Lefebvre.
Une femme qui a été assassinée par quelqu’un qui a dit Allahou Akbar ne mérite pas, pour les media, un suivi
Dans la presse nationale : rien, continuait Maître Szpiner. Ce qui veut dire qu’à un moment donné, une affaire qui a ému la communauté juive, une femme qui a été assassinée par quelqu’un qui a dit Allahou Akbar, ce qui n’est pas neutre, une affaire encore où la justice semble hésiter sur la conduite à suivre, ne mérite pas, pour les media, un suivi.
Et d’ajouter : On a ainsi le sentiment que cette absence de suivi, c’est la gêne de parler frontalement de l’antisémitisme en France. Surtout quand cet antisémitisme est le fait non pas de l’extrême droite, mais d’un musulman.
La gêne de dénoncer un antisémitisme qui n’entre pas dans les clichés de l’antisémitisme traditionnel, celui venu du bon facho d’extrême-droite
Il semble ce soir impossible à Francis Szpiner de ne pas nommer la gêne de dénoncer un antisémitisme qui n’entre pas dans les clichés de l’antisémitisme traditionnel, celui venu du bon facho d’extrême droite : Quand j’avais dénoncé, au moment de l’affaire Ilan Halimi, cet antisémitisme des banlieues, tout le monde m’était tombé dessus. Et je constate malheureusement que ce que je disais à l’époque était vrai, et a empiré. C’est ce qui s’est vérifié à Toulouse, lorsque j’ai plaidé dans l’affaire Mérah : j’ai vu la sympathie et la solidarité autour de la famille Mérah. Je ne dis pas ici que les gens qui vivent en banlieue sont antisémites : je dis que la culture antisémite existe et qu’elle est niée par un certain nombre de gens. Moi je fais un constat.
L’avocat insiste sur la déposition de Daniel Zagury : Il a dit : il y a 5 points à aborder. Le 6e, c’est l’antisémitisme. Bien que la question ne m’ait pas été posée et que ça n’était pas dans ma mission, qui était de dire si le mis en examen devait ou pas être jugé, j’aborderai la question de l’antisémitisme car je l’ai traitée dans mon rapport.
Là était la première observation de Francis Szpiner.
Y aura-t-il une jurisprudence Sarah Halimi
Ma 2e observation, c’est que, dramatiquement, l’affaire Sarah Halimi pourrait être l’occasion d’une nouvelle jurisprudence et je dois dire que je suis encore abasourdi par les réquisitions de l’avocate générale. Revenant sur les dépositions des Rapporteurs des 3 expertises psychiatriques où tous les experts étaient d’accord pour dire qu’il s’agissait d’une bouffée délirante aiguë, et que la cause de cette bouffée délirante aiguë était en lien direct avec la consommation excessive de cannabis, Maître Szpiner s’arrête sur celle du Docteur Zagury, qui incarne le bon sens : il dit que lorsqu’ on consomme une substance illicite, dangereuse pour la santé, quand bien même on n’en connaît pas tous les effets, on est responsable des conséquences, et que donc ça induit une responsabilité pénale, nul n’étant censé ignorer les effets du cannabis.
Il s’offusque des 2 autres. D’un Bensoussan qui parla de la banalisation de la chose… Des gens qui ne savaient pas que… De Kobili Traoré qui ne pouvait connaître les effets hallucinogènes de sa consommation. Il osa évoquer les pays qui légalisaient.
Mais que l’avocate générale reprenne à son compte cela est, au niveau de l’ordre public, hallucinant.
Une avocate générale qui soutient l’abolition du discernement, en reprenant les arguments du Dr Bensoussan : On ne peut pas dire qu’il sait que sa consommation, sur la personnalité qui est la sienne, va un jour provoquer quelque chose d’horrible, a bien dit Carole Frazier.
Si j’étais avocat de trafiquants de drogue, ce que je ne suis pas, je ferais citer Madame l’avocate générale comme témoin pour expliquer que finalement si on vend de la drogue, on le fait sans en savoir tous les effets nocifs. C’est hallucinant, et, en entendant l’avocate générale et Bensoussan, j’allais dire, plagiant Finkielkraut : Fumez ! Fumez ! Fumez !
Si on retient l’irresponsabilité de Kobili Traoré, on remet en cause toute la jurisprudence. On considérera qu’il y a une impunité de fait pour celui qui prend des substances illicites au motif qu’il n’en connaîtrait pas les conséquences.
Alors j’espère qu’on remettra les pendules à l’heure et qu’il y aura un procès d’autant que Monsieur Traoré est apparu à l’audience en pleine forme, et que donc il est parfaitement capable de subir un procès, de pouvoir s’y défendre, et de s’expliquer.
Déclaré irresponsable, Traoré rentrera chez lui
J’ajoute d’ailleurs que le docteur Zagury, et c’est un point énorme du dossier, dit : moi, si j’avais aujourd’hui Monsieur Traoré dans mon service de psychiatrie, eh bien je le relâcherai, parce que aujourd’hui il est parfaitement normal, il ne souffre en réalité d’aucun trouble de la personnalité, majeur, il n’a pas de maladie mentale, si ce n’est que je sais que – il a prouvé car lorsqu’il était en UMD, il avait réussi à se procurer du cannabis, ce qui avait entraîné une bouffée délirante inquiétante. Donc le Docteur Zagury dit qu’en réalité on ne peut pas garder ce type en psychiatrie.
Ce qui fait que lorsque l’avocate générale dit : Je vous demande de déclarer cet individu irresponsable, d’ordonner sa mise en liberté, et qu’il soit interné, ça veut dire que Déclaré irresponsable, Traoré rentrera chez lui.
Ça veut dire que dans un temps plus ou moins court, on pourra croiser Monsieur Traoré dans la rue. Qui dit qu’il ne prendra pas du haschisch ?
En tout cas j’estime qu’il s’agit d’une question suffisamment grave pour être débattue par une Cour d’Assises, et non pas sur la base d’expertises qui ont deux positions très tranchées avec une appréciation juridique qui ne peut être décidée que par les Juges du fond.
Enfin, et ça n’est pas le moins, lorsqu’on voit le Traoré d’hier, par rapport à ce qu’il était avant, complètement abruti de médicaments, s’il passe en Cour d’Assises, nul ne pourra pas dire : on juge un fou. Et ça c’est aussi un point important.
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