Tribune Juive

Dialogue. René Seror

DIALOGUE entre un humain et une machine à Intelligence Artificielle.

Dans un thriller de Bernard MINIER, intitulé M.   Le bord de l’abîme,
je relève un dialogue pour le moins curieux, entre l’héroïne et un ordinateur, dotée d’une intelligence artificielle hors normes.
La jeune femme s’appelle Moira.
L’ordinateur, DEHOUS.

Voici rapporté, mot pour mot ce dialogue:

Moira: DEHOUS, tu vas t’adresser à une majorité de personnes, mais dans cette majorité, il y aura des minorités dont les opinions, les goûts, les croyances religieuses ou idéologiques ne seront pas ceux de la majorité.
Dans ce cas, de quoi devras tu tenir compte en premier lieu?
Des goûts, opinions et croyance de la minorité ou ceux de la majorité?
L’ordi: de la minorité.
-Pourquoi?
-en vertu de la règle de la minorité!
-expliques moi cette règle.
-et bien, dans une société ouverte et démocratique, une minorité agissante et plus intolérante que le reste de la population finit presque toujours  par imposer ses idées, ses préférences ou ses diktats à la majorité.  
Souvent, grâce aux médias qui lui donnent une visibilité disproportionnée et à l’apathie du reste de la population.
La jeune femme tiqua en entendant une telle assertion énoncée d’un ton aussi péremptoire.
-Par exemple?
-Par exemple, les fumeurs peuvent évoluer dans un espace non-fumeurs, mais les non-fumeurs ne peuvent pas évoluer dans un espace fumeurs.
Conséquence: les non-fumeurs imposent leur loi.
-maïs ton exemple n’est pas valable!
Les non-fumeurs sont majoritaires et ils ne sont pas intolérants.
Ils veulent juste ne pas être intoxiqués.
-Ce n’est pas, parce qu’ils sont majoritaires qu’ils ont imposé leur loi!
C’est en vertu de l’asymétrie dont je viens de parler.
-l’asymétrie?
-oui! C’est l’asymétrie qui compte.
Par exemple, pourquoi l’usage de l’anglais continue-t-il de s’étendre?
Parce que de très nombreuses personnes parlant une autre langue que l’anglais, parlent aussi l’anglais.
Même si leur anglais est moins subtil que leur langue maternelle
Alors que la plupart des personnes dont l’anglais est la langue maternelle, bien que minoritaires à l’échelle de la planète, ne parlent pas une autre langue.
Ainsi, les anglais qui ne parlent qu’une seule langue l’emportent sur le reste du monde qui en parlent plusieurs.
Elle remarqua que l’ordinateur avait de nouveau exprimé son point de vue sur un ton passablement  « donneur de leçons. »
L’ordi poursuit:
-Un autre exemple d’asymétrie concerne les religions.
Elle se tendit. Terrain glissant.
Où la machine voulait elle en venir?
-Comment cela?
-Un enfant, né de deux parents, dont l’un est musulman, l’est aussi.
En revanche, dans le judaïsme, la mère doit obligatoirement être juive.
Les unions entre un juif et une Goy se font donc en dehors de cette religion.
Les enfants qui naissent de ces unions ne sont pas juifs.
Quant aux Druzes et aux Yazidis, il faut que les deux parents soient de la même confession.
Sans quoi, l’enfant sera exclu de la communauté.
RÉSULTAT: l’Islam s’étend, mais pas le judaïsme.
Et des groupes religieux, comme les Druzes et les Yazidis ont presque disparus.
-Euh! J’n’crois pas que ce soit aussi simple. Il y a bien d’autres faits à prendre en compte?
Et où mets-tu les chrétiens dans tout ça?
Le silence qui suivit mît fin à la conversation, laissant notre héroïne se demander, qui lui mettait de telles idées?

Bernard Minier

Mon commentaire

Mon commentaire: en toute honnêteté, arrive à la fin du livre, je me suis demandé si le dialogue imaginé par l’auteur, entre un humain et une machine avait un intérêt pour l’avancée  de l’histoire.
Sûr que non!
Mais l’auteur réussit à détourner  notre attention d’un imbroglio magnifiquement ficelé, afin de nous offrir comme une récréation, une série de réflexions actuelles.
Si le cœur vous en dit: bonne lecture.
Sinon, le dialogue rapporté vous donnera à réfléchir.

Quitter la version mobile