L’attentat de Halle et le judaïsme tunisien

L’attentat commis le jour même de Yom Kippour, le mercredi 9 octobre 2019 en Allemagne dans la ville de Halle, attentat qui visait la synagogue de la ville et qui a fini par se retourner contre un restaurant de kebabs mitoyen faisant deux victimes, a ému et indigné le monde entier. Ce que l’on ignore en général, c’est que ce nom de Halle est inscrit en lettres de sang dans la mémoire juive tunisienne. En effet, c’est à Halle que trois Juifs de Tunisie: Joseph Scemla et ses deux fils, Gilbert et Jean, ont été décapités.

La Tunisie, à été occupée pendant six mois par les Allemands ( Du 23 novembre 1942 au 7 mai 1943). Farouches adversaires du nazisme, les Scemla avaient décidé de rejoindre la 2ème Division Blindée du général Leclerc. Ils commirent l’erreur fatale de faire confiance à une connaissance, Hassen Ferjani, qui, non seulement les spolia mais les livra aux nazis. Arrêtés le 10 mars 1943, les 3 hommes, d’abord incarcérés à Tunis, puis à Berlin, sont déportés à Dachau. Jugés par un tribunal de guerre, ils seront condamnés à mort pour espionnage, Les trois Scemla de Tunis ont été décapités à Halle! Étudiant en mathématiques à Tunis, j’avais comme camarade Frédéric Gasquet dont je découvris un jour qu’il était le fils de Gilbert Scemla.

Sa mère, une Juive d’origine russe, respectant les dernières volontés de son mari avait épousé Louis Gasquet qui adopta le jeune Frédéric et lui donna son nom. Frédéric, devenu adulte, se lança avec passion dans la recherche de la vérité sur la fin des trois Scemla. Je l’ai aidé de mon mieux en le mettant au courant des informations dont je disposais. Au terme de sa quête qui l’a conduit à se rendre plusieurs fois à Halle, il a publié un ouvrage: « La lettre de mon père. Une famille de Tunis dans l’enfer nazi » ( Préface de Serge Klarsfeld. Éditions du Félin, 2006 ). Dans ce livre, il me remercie en ces termes: « À Jean-Pierre Allali, camarade de faculté, écrivain, journaliste, ancien rédacteur du magazine Tribune Juive, sur lequel j’ai pu compter pour des conseils et des informations sur les Juifs de Tunisie ».

À force de ténacité, Frédéric Gasquet a retrouvé les tombes de Joseph et Jean Scemla au camp du Struthof, Le corps de Gilbert Scemla, utilisé par l’Institut médico-légal de Halle, a été inhumé dans une fosse commune. Condamné à mort à la Libération par un tribunal militaire français, Hassen Ferjani a vu sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité puis à vingt ans de réclusion. Il a fini par être gracié par le président Bourguiba.

J’ai moi-même raconté la tragédie des Scemla dans mon ouvrage « Les Juifs de Tunisie sous la botte allemande » ( Éditions Glyphe Glyphe, 2014. Préface d’Élie Wiesel). Halle, une tâche sombre dans la mémoire des Juifs de Tunisie.

Jean Pierre Allali

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