Le confusionnisme est selon moi le mal du siècle. Il est la conséquence de l’égalitarisme pour lequel tout doit se valoir pour ne froisser personne. Aucune tête ne doit dépasser, c’est l’uniformisation générale. Nous vivons au sein d’un totalitarisme pour lequel les différences doivent être abolies au nom de ces différences même!
Ainsi, le Mémorial de la Shoah – qui se trouve à Paris – a totalement trahi sa raison d’être en accueillant – jusqu’au 17 novembre prochain- deux expositions sur…le massacre des Tutsi au Rwanda en 1994.
Comment les dirigeants de ce lieu destiné à se souvenir spécifiquement de l’extermination de six millions de Juifs ont pu ainsi cracher sur la mémoire de toutes ces victimes de la barbarie nazie en associant le mot Shoah, qui comme chacun sait est un mot hébreu signifiant ‘’catastrophe’’, au massacre des Tutsi alors que ces deux événements sont radicalement différents, tant sur le plan factuel que sur le plan ontologique ?
La «passion ardente » pour l’égalité, comme le disait Tocqueville, a gangrené toutes les sociétés occidentales au point qu’il ne peut plus exister de gradation dans l’horreur quand on parle de faits historiques touchant des minorités visibles (or, cette «gradation » existe pourtant dans le droit pénal , avec par exemple des peines plus lourdes lorsqu’il y a des ‘’circonstances aggravantes’’, bien que le résultat du délit ou du crime soit le même ! Ce qui n’est pas le cas ici).
L’organisation par l’Allemagne et ses collaborateurs de la persécution et de l’extermination systématique,bureaucratique et industrielle d’un des plus anciens peuples du monde, et ce à l’échelle de tout un continent (et même plus avec le martyre des Juifs d’Afrique du Nord) ne peut rationnellement se confondre avec un terrible massacre circonscrit à un seul pays dans des conditions totalement différentes .
C’est donc à une politique de banalisation du génocide juif auquel se livrent les dirigeants indignes du Mémorial de la Shoah.
Ceci n’est certes pas nouveau puisque de nombreuses tentatives en vue de noyer la Shoah dans les affres généralisées de l’histoire ne datent pas d’aujourd’hui(en fait elles remontent aux années 1970),seulement c’est la première fois que les responsables d’une institution juive se rendent complices de cette infamie.
De nombreux philosophes et politologues (Christian de la Campagne, Enzo Traverso, Jean-François Lyotard,etc.), tout comme d’innombrables historiens dont les plus grands spécialistes du régime nazi (Ian Kershaw, Robert Jan Van Pelt, etc.) n’ont cessé d’insister sur le caractère exceptionnel de la Shoah au regard de toute l’histoire: «un crime qui n’a pas de nom » dira Churchill.
En tout cas, s’il en a un, c’est le mot «Shoah » qui le caractérise le mieux (à la fois par son origine hébraïque et par l’incompréhension première qui émane de son occurrence), et le terme «Shoah » ne peut être associé à autre chose qu’à l’extermination des Juifs.
Associer «Mémorial de la Shoah » et «génocide des Tutsi», comme le font les cafouilleurs de l’institution juive parisienne de la rue Geoffroy-l’Asnier, relève de la confusion historique et de la trahison morale.
D’ailleurs je serais le premier à trouver «extravagant» qu’un événement concernant la Shoah se déroule, par exemple, au Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes…
Je vais citer maintenant les propos d’un philosophe de référence, Vladimir Jankélévitch, qui a écrit des textes essentiels et définitifs sur le sujet: « Le résultat de ces comparaisons ne se fait guère attendre : au bout d’un certain temps personne ne sait plus de quoi il s’ agit. Ce qui était évidemment le but recherché. Pourtant, ajoute le philosophe francais :«Auschwitz ajoute une dimension d’horreur inédite:je veux dire son caractère orienté, méthodique et sélectif(…).»
L’ extermination des Juifs ne se compare pas aux massacres que les despotes sanguinaires de tous temps ont organisés pour se débarrasser de leur ennemis…l’ extermination des Juifs n’est ni une vengeance ni une précaution…Hitler a dit longtemps a l’avance ce qu il allait faire, et pourquoi il comptait le faire…il s’en est expliqué longuement avec ce mélange inimitable de pédantisme métaphysique et de sadisme…».
L’extermination des Juifs est l’application d’une théorie dogmatique qui existe encore et qui s’ appelle l’antisémitisme[…].
L’inexplicable, l’inconcevable horreur d’Auschwitz – dit encore le philosophe français- se réduit-elle à ces abstractions indéterminées qu’on appelle la violence, l’ artillerie lourde, les horreurs de la guerre ? C’est vouloir noyer le problème dans de pieuses généralités, banaliser et dissoudre pudiquement le caractère du génocide, parler de tout à propos de n’ importe quoi(…).Ce confusionnisme atteste la difficulté que l’on éprouve a faire comprendre aux ergoteurs de mauvaise foi la spécificité de chaque problème.» (V.Jankélévitch; L’Imprescribtible)
J’ajoute que les Juifs sont depuis des millénaires «un peuple [qui] a parmi tous les peuples eu l’histoire la plus pénible (…)». (Nietzsche, Humain, trop humain, 1878). Le peuple juif n’a donc jamais cessé d’ être victime d’actes barbares commis par des peuples, des régimes, des nations aussi différents les uns que les autres mais que seul l’ antisémitisme rassemble.
Je veux rappeler un fait important : comme l’a écrit La Mission d’information sur le Rwanda de l’Assemblée nationale française, des Hutu modérés opposés à la dictature furent aussi victimes de ce massacre de masse (des Hutu ont donc aussi tué des Hutu ; nous restons donc dans le domaine d’une guerre civile horrible mais malheureusement «classique»).
Je ne cherche pas à raviver ici le pitoyable débat sur la «concurrence des victimes», je dénonce juste une imposture !
Je conclus en regrettant que de nombreux Juifs contemporains se mêlent de causes qui ne sont pas les leurs au nom d’un universalime pourtant rejeté par les différentes minorités que ces Juifs soutiennent. Cette mentalité prouve l’état de décomposition avancée de l’identité juive qui tend à se fondre dans une phase supra-identitaire particulièrement alarmante pour le destin et l’unité du peuple d’Israël.
Frédéric Sroussi
Excellent article, très pertinent !
« D’ailleurs je serais le premier à trouver «extravagant» qu’un événement concernant la Shoah se déroule, par exemple, au Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes… » > Donc on a bien fait une comparaison entre le génocide des tutsi et l’esclavage. Complètement hors sujet, y avait un piège dans lequel il ne fallait pas tomber, je crois que l’auteur a mis les deux pieds dedans !
Sinon pourquoi ceux qui ont souffert ne savent pas s’associer à ceux qui ont eux aussi souffert? Très surprenant cette volonté de vouloir comparer les souffrances et placer la sienne toujours au-dessus de celle des autres (dans un sens ou dans l’autre)!
Mais bon pas étonnant quand on voit que l’auteur est un contributeur actif au site d’extrême droite xénophobe et islamophobe « Riposte Laïque »
M. le Commissaire politique Edouard Milztajn ,
Je vois que vous n’hésitez pas à user d’attaques ad hominem. Vous êtes un sycophante de premier ordre…
Comment ?! Vous ne m’avez pas encore dénoncé au Commissariat général aux affaires du politiquement incorrect ?
J’assume absolument ma longue participation au site Riposte Laïque où j’ai pu défendre Israël, expliquer l’imposture des «Palestiniens» ou encore dénoncer les crimes perpétrés par des musulmans (que vous soutenez donc) contre les Juifs et les personnes non juives, et ce, au nom de leur religion conquérante.
En fait, vous écrivez que mon article sur le Mémorial de la Shoah ne vous étonne pas venant d’ une personne comme moi. Cela veut donc dire que quelqu’un qui défend la mémoire des six millions de Juifs exterminés dans le PIRE crime de l’Histoire serait donc obligatoirement (si je suis votre logique)…d’extrême droite ! Je me gausse! C’est vous qui avez mis les pieds dedans, et même jusqu’aux genoux…
Pour finir, la prétendue erreur que vous me reprochez relève du pure sophisme ! Je parlais de la dénomination des lieux : le Mémorial de la Shoah porte un nom qui ne souffre pas l’équivoque !
Je ne vous salue pas,
Frédéric Sroussi
Défendre la mémoire des juifs est tout à fait normale, et on peut-être de tout bord politique cela ne fait pas de différence. Pourquoi employer cet argument biaisé ? Vide de sens et complètement idiot.
Génocide des tutsis : 1 million de morts en seulement 3 mois, au final 90 % de la population tutsi exterminée avec la complicité de la France soit 1,5 millions de tutsis tués. Comment on fait les comptes pour savoir quel est le PIRE crime contre l’humanité???
Beaucoup de mal à comprendre pourquoi les gens comparent les atrocités entre elles et pourquoi certains veulent la place de celui qui en a connu le plus…
Bravo pour cet article. Le Memorial de la Shoah, ne peut se gérer comme une supérette multiproduits.
L’article présente beaucoup de confusions et d’inexactitudes.
Mis surtout, souhaitant préserver l’unicité de la Shoah, qui n’est nullement contestée par le Mémorial ni par sa présentation pédagogique d’un autre crime, l’auteur se trompe de lutte.
Il ne précise ainsi pas en quoi une exposition sur le génocide des Tutsi remettrait en cause cette unicité.
Le travail du Mémorial repose sur un précepte simple: comparer pour mieux singulariser.
Les conférences organisées par le Mémorial sont d’un très haut niveau intellectuel et ne trahissent en rien, jamais, la mémoire des victimes ou la singularité de la Shoah.
Comparaison n’est pas raison; mais le terme de génocide inventé par Raphaël Lemmkin
a l’occasion’de la Shoah, s’applique à toute decision’concertee d’effacer un peuple entier de la surface de la terre.
En ce qui concerne les Tutsis il s’agit bien d’effacer une ethnie entière de la surface de la terre, au motif de sa nocivité pour une autre ethnie, celle des Hutus.
Jean Hatzfeld dans Une saison de machettes, à bien défini les points communs entre génocide des Juifs et génocide des Tutsis : à commencer par la déshumanisation et la diabolisation systématique des uns et des autres avant le déclenchement du génocide proprement dit.
Reste que l’antisemitisme est la haine la plus longue du monde, ce qui, je pense, après y avoir beaucoup réfléchi, vient du message anti-païen radical que le judaïsme apporte dans le monde et qui scie la branche sur laquelle sont assis tous les tyrans en inspirant un esprit de révolte qu’on trouve à la fois chez les prophètes hébreux et jusque chez l’antisemite Marx.
Le grand tort, le tort superlatif du Mémorial de la Shoah – et cela s’est vu jusque dans l’eviction honteuse de son historien-phare, Georges Bensoussan, n’est pas de rapprocher des phénomènes historiques comparables mais bien entendu pas identiques, mais d’avoir occulté le fait que l’Histoire seule ne peut pas permettre de comprendre et d’eviter de répéter un phénomène comme la Shoah; que l’explication de l’antisémitisme recquiert des lectures à différents niveaux dont les niveaux anthropologiques, philosophiques, psychologiques, ce qui fait de la prévention tout autre chose que le rappel des faits et les voyages mémoriels. D’ou aujourd’hui les gros trous dans la raquette et le retour d’un antisémitisme exterminateur. La question à mes yeux c’est comment combattre les prés carrés en matière de recherche et de prévention des crimes contre l’humanite et convoquer la créativité à la table des débats et de l’enseignement dès le plus jeune âge pour que le « plus jamais ça » cesse de rester lettre morte.