Humeur du jour. La télé, un lieu d’exhibition narcissique. Khaled Slougui

Une amie m’a interpellé : alors Khaled! Tu es revenu, pour aussitôt disparaître à nouveau. En plus, c’est vrai, en dehors de l’appel à défendre Henri Pena Ruiz, je ne me suis pas trop manifesté, à part quelques posts et tweets de ci de là. Pourtant les sujets ne manquent pas, comme à toutes les rentrées.

Mais tout vient à point à qui sait attendre… Je n’ai pas pour habitude de me défiler surtout quand je suis en cause : je serais devenu d’extrême droite, la belle affaire!

Inamovible, et la tête froide, je continuerai à mettre mon grain de sel sur tous les sujets; y compris, et en particulier la couleur qui d’un coup est devenue culture, philosophie, religion… Et bientôt, à coup sûr, une pathologie neurologique incurable.

L’HUMEUR de ce jour aborde « le passage du petit fils à grand papa à BFM TV », car cela procède de la même constelletion théorique. C’est une occasion, elle coïncide pour moi avec la relecture de l’essai de Pierre Bourdieu « Sur la télévision » que je conseille à tout le monde.

Oui!  « L’écran de télé est devenu aujourd’hui une sorte de miroir de Narcisse », où l’on n’y va pas pour dire des choses, mais pour de toutes autres raisons, notamment pour se faire voir et être vu.

1 – Un peu de pédagogie! Petit fils à grand papa est une créature des médias, tous types confondus. D’un maître d’école, comme son grand-père, on a fait une figure intellectuelle qui dès lors va naviguer entre obsessions et roublardise (voir ma tribune à ce sujet sur le site du CLR), car il n’est pas facile d’exister dans ce milieu.

2- Depuis le superbe essai de Pierre Bourdieu, l’on sait que la télévision s’impose parmi les moyens audiovisuels. Mais ce faisant , « pèse sur elle une contrainte économique, celle de l’audimat ». « C’est une contrainte terrible : celle qu’impose la poursuite du scoop ».

3 – « Pour être le premier à voir et faire voir quelque chose, on est prêt à peu près à n’importe quoi ». Faire avant les autres, devancer les autres. Voila ce qui explique l’intérêt de Bourdin pour le violeur victime, qui il faut le reconnaître a le don d’essayer de brouiller les pistes. « Le violeur qui crie au voleur ». A d’autres!

4 – Le décor est planté : le prisonnier de 10 mois a fait son introspection (son mot) qui a débouché sur un livre. Trop alléchant pour les charognards de journalistes. Bourdin à la manoeuvre c’est quelque chose, surtout quand la victime est pitoyable. On le sentait « blanchi comme un cheval fourbi ». Voilà quelqu’un qui perd la main. L’on a l’impression qu’il ne réalise pas ce qui a pu lui arriver.

5 – Bourdin a largement dominé les échanges : il posait les questions qu’il voulait et Tarik, usé, répondait comme son élève. Tu as demandé pardon? Oui à à ma famille et à mon Dieu. Pauvre chou! La victimisation à outrance : on m’a tendu un piège. Jusqu’où peut aller l’imposture?

Mais le risque, c’est qu’il n’est jamais bon d’exhumer la victime qui surjoue la spécificité, qui ambitionne la mainmise sur ceux dont l’intelligence est mise en jachère et le libre arbitre sous tutelle.

Il eût été souhaitable d’ignorer ce personnage

Il eût été souhaitable d’ignorer ce personnage, au lieu de lui offrir un tapis rouge pour son retour. Décidément les médias sont toxiques, en ce qu’ils font très souvent le contraire de ce qu’il eût fallu faire.

6 – Gageons que chaque média va avoir sa séquence « Ramadan », seule l’ordre de l’information change. Encore Bourdieu : « C’est ainsi que l’écran de télévision est devenu aujourd’hui une sorte de miroir de Narcisse, un lieu d’exhibition narcissique ».

Les journalistes opèrent une sélection qui n’obéit qu’à un seul principe immuable : la recherche du sensationnel et du spectaculaire.

L’islamophobie, cet outil de la providence

7 – L’islamophobie est un outil de la providence, qui a la magie d’effacer toute responsabilité. C’est toujours la faute des autres. Et c’est la rhétorique que je retrouve en centres de détention chez les islamistes.

Tous sont persuadés qu’ils sont détenus parce que musulmans, et tous sont solidaires sur cet argument que j’ai toujours balayé d’un revers de main.

Avant, ceux qui pêchaient, qui faisaient dans le haram « illicite »  ne se mêlaient pas de religion, ils étaient pudiques à ce sujet, ils respectaient de fait une certaine réserve et assumaient leur choix comme le voulaient des traditions ancestrales, de bienséance, de civilité et de tolérance, de respect de soi, allais-je ajouter.

A contrario, aujourd’hui, on découvre Dieu en prison et l’on pratique prostitution et proxénétisme sous couvert de mariage « hallal » ; aussi, le vol devient un butin de guerre en référant de manière inopportune au temps du prophète, enfreignant ainsi toute éthique

« Chaque âme est redevable de ses actes, en bien, comme en mal », stipule le Coran ».

Une éthique de la responsabilité

Ce qui fait défaut de nos jours chez les musulmans, c’est incontestablement une éthique de la responsabilité.

Conclusion : Si je commençais à m’autocensurer, à tenir compte de la façon d’être, suggérée par certaines créatures, qui chacune a trouvé le filon, le créneau, sur lequel il faut intervenir; mais aussi le milieu dans lequel il faut se mouvoir et se faire voir, au risque du ridicule, je m’arrêterais de suite. J’ai la conception la plus radicale sur l’indépendance et la liberté de pensée que je peux payer très cher, j’assume.

Je ne veux pas plaire à n’importe quel prix. Certains y voient de la prétention, grand bien leur fasse.

Le système dans lequel nous évoluons secrète de la violence symbolique comme le suggère Bourdieu, dont la télévision est une forme particulièrement pernicieuse.

Je parle ici de la violence symbolique, « comme violence qui s’exerce avec la complicité tacite de ceux qui la subissent et aussi, souvent, de ceux qui l’exercent dans la mesure où les uns et les autres sont inconscients de l’exercer ou de la subir ».

L’égalisation par le bas n’a jamais été ma marque de fabrique, je préfère élever le niveau , à ma façon.

Un bon week end!

Au prochain délire!

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