Tribune Juive

Je me souviens. 1967 : le divorce France-Israël est consommé. Alain Herbeth

La « Lune de miel » entre la France et Israël est née en 1956. Deux hommes en sont les artisans principaux : Guy Mollet et Shimon Peres. Onze plus tard, le long désamour commencé avec la venue du général de Gaulle au pouvoir, est désormais consommé. Le 5 juin, la « guerre des six jours » peut commencer.

Le 2 juin 1967, trois jours avant le déclenchement de la guerre des six jours, le conseil des ministres français se tient àl’Elysée sous la présience du général de Gaulle.

De Gaulle

Un communiqué est publié à l’issue de la réunion, communiqué qui insiste sur quelques grands points :

– La France n’est engagée à aucun titre avec aucun Etat en cause.

– Elle considère que l’Etat qui, le premier, emploierait les armes n’aurait ni son approbation, ni son appui.

Dès la séance levée, Couve de Murville, premier ministre, adversaire de toujours de l’Etat hébreu, ordonne l’embargo sur les armes à destination d’Israël.

Des voix gaullistes s’élèvent

Quelques uns vont élever la voix, que ce soient Alexandre Sanguinetti, qui ira manifester devant l’ambassade, Raymond Triboulet, Lucien Neuwirth, Diomède Catroux, Joël Le Tac et, bien sûr, les généraux Billotte et Koenig, ce dernier étant président de l’Alliance France-Israël.

Depuis son exil italien, Jacques Soustelle, l’enfant perdu du gaullisme, rappelle dans une interview au journal Combat, que la guerre des six jours n’a pas d’autre but que l’anéantissement de l’Etat d’Israël et l’extermination de sa population, « un but mille répété par les radios du Caire ou de Damas. »

Retour d’exil de Jacques Soustelle et son épouse

La voix de Guy Mollet se fait aussi entendre

Devant des militants socialistes réunis à Toulouse, mollet déclare : « Il ne m’est pas possible de taire notre surprise et notre tristesse uand nous avons pris connaissance de la déclaration faite à l’issue du dernier conseil des ministres, et dont on a tenu à préciser qu’elle était de la main même du général de Gaulle… Comment, après cela, oser parler du droit de vivre d’Israël ? Comment encore oser présenter cette étonnante définition de l’agresseur : celui qui, le premier, prendrait les armes, même pour se défendre ?… La déclaration du général de Gaulle et grave. Israël se trouve dans la situation de la Tchécoslovaquie en 1938. C’est préparer la guerre que tenir ce langage. »

Guy Mollet en Israël avec Golda Meir. 1959. Independance Day

Prenant la parole devant des militants socialistes. M. Guy Mollet a commenté en ces termes la situation au Moyen-Orient :  » Il ne m’est pas possible de taire notre surprise et notre tristesse quand nous avons pris connaissance de la déclaration faite à l’issue du dernier conseil des ministres et dont on a tenu à préciser qu’elle était de la main même du général de Gaulle. Surprise en apprenant que la France n’était engagée à aucun titre ni à aucun sujet avec aucun des Etats en cause. La tradition républicaine veut que l’Etat soit toujours engagé par les décisions des gouvernements qui se succèdent. La France n’a pas commencé en 1958 et elle ne prendra pas fin avec la disparition du gaullisme. Et d’ailleurs le général de Gaulle ne s’est-il pas lui-même engagé à l’égard d’Israël lorsque Ben Gourion le saluait comme l’ami et l’allié ?

 » Et quelle tristesse aussi de voir la France adopter ce comportement. Les U.S.A. et la Grande-Bretagne ne sont pas plus  » alliés  » ni  » engagés  » que nous. C’est le même jour et dans le même débat aux Nations unies, en mars 1957, que furent pris ces engagements sur la libre circulation dans le golfe d’Akaba ; si ces nations jouaient elles aussi aux Ponce-Pilate et adoptaient la même attitude que la France, ce serait la guerre et peut-être un monstrueux pogrome.

 » Comment, après cela, oser parler du droit de vivre d’Israël ? Comment encore oser présenter cette étonnante définition de l’agresseur : celui qui le premier prendrait les armes ? Alors, un blocus n’est pas une agression ? Tout le droit international s’inscrit en faux contre cette conception.

 » Nous avons dit dès la première heure notre accord avec la proposition française d’une concertation entre les quatre grandes puissances. Il nous faut le répéter, mais préciser avec toute l’insistance possible qu’une telle concertation n’a d’intérêt que si elle ne doit pas aboutir à des conclusions munichoises. « 

M. Guy Mollet a poursuivi :  » La déclaration du général de Gaulle est grave. Israël se trouve dans la situation de la Tchécoslovaquie en 1938. C’est préparer la guerre que tenir le langage de la France.

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