Parents. Enfants. Amoureux. Compagnons de tous ceux-là, touchés à mort par un Mohamed Merah ou un de ses pairs. Entendez par un de ces nouveaux terroristes qui, au nom de la religion de paix et d’amour que l’on sait, ont frappé, frappent et frapperont le pays.
Tous ceux-là massacrés sans faire dans la dentelle. Lorsqu’ils ciblèrent tour à tour et souvent dans un même élan l’enfant juif. Le jeune homme militaire. Le dessinateur insolent qui osa se rire du prophète comme il l’avait fait du rabbin et du pape. Celui-là qui prétendait aller au concert et cette autre qui osa, peut-être même en jupe et court vêtue, se mêler d’aller boire une chope de bière en terrasse.
Parents. Enfants. Amoureux. Compagnons de.
Condamnés à survivre à l’indicible.
Face à une France révoltée qui sortit même un jour de janvier pour crier Plus jamais.
Face à des politiques qui en parlent avec une prudence mesurée, posent des stèles qui ne mentionnent toujours pas quel était le terrorisme qui assassina leurs enfants.
Face à des media qui, avec des prudences de vierges effarouchées, se livrent à moult contorsions qui en deviennent tragiquement cocasses : était-on certain qu’il s’agissait, là, de terrorisme. Et si c’était plutôt l’acte d’un loup solitaire. Mieux : d’un déséquilibré.
Bref : et si ça n’était pas ça.
Et si ça n’était pas l’innommable
Et si, à force d’accommodements, ils allaient taper ailleurs…
Parce que nous, en France, regardez : Nous ne voulons surtout pas que méprise il y ait. Nous, nous ne sommes guère islamophobes. Nous, nous veillons à ce que jamais il n’y eût tentation d’amalgame.
Nous, en France, nous voulons vivre ensemble.
Parents. Enfants. Amoureux. Compagnons de.
Certains ont choisi de disparaître des radars. Vous aurez beau les chercher, vous ferez tout pour faire, grâce à eux, pleurer dans les chaumières : c’est non. Ils sont aux abonnés absents. Morts avec l’être cher que le terrorisme leur arracha.
D’autres, tel Samuel Sandler ou Latifa Ibn Ziaten, sont ce que la presse appelle de bons clients. Ils répondent aux sollicitations journalistiques. Chacun à sa manière. Que l’on approuvera. Ou jugera discutable.
Il en est deux : Bannis.
Il en est deux : infréquentables.
Leur crime ? C’est leur parole politiquement incorrecte. Ces deux-là, si vous leur tendez le micro, ils vont s’en saisir. Haut et fort vous dire leur douleur. Mais encore leur colère.
Ils parlent trop. Ils en deviennent persona non grata. Plus personne dès lors ne les sollicite. Imaginez : ils vous feraient réfléchir. Ils vous feraient vous indigner. Ils en deviendraient dangereux, me dit-on.
L’un se nomme Patrick Jardin.
Imaginez-vous que notre homme a le toupet de ne pas professer la résilience. Le culot qu’il a : il ose haïr les assassins de Nathalie, sa fille, morte sous les balles des terroristes islamistes du Bataclan. Il ose dans un même élan haïr la religion de paix et d’amour. Pire : il se toque de le dire.
Il paiera le prix ubuesque : il se découvrira fiché S. Oui, fiché S, marquage dont il eut connaissance alors qu’il effectuait un séjour en Guadeloupe et au vu de l’attitude des fonctionnaires du service des Douanes à son encontre.
La mesure de surveillance dont il fit l’objet dura 3 années : il avait osé fustiger les islamistes mais encore l’islam, il avait osé se livrer, donc, à rapprochement dont ne se privent pas apostats et écrivains aussi dignes de sérieux que Waleed Al Husseini ou Boualem Sansal.
Fiché S. Tout de même. Sous prétexte donc de nuire à la sûreté de l’État. Fiché S. les services de renseignements rendant dès lors compte par la voie hiérarchique au pouvoir exécutif, c’est à dire au ministre de l’Intérieur, sans l’ombre du moindre contrôle d’un magistrat, du moindre fait et geste de notre homme.
Fiché S pour avoir refusé de déclarer qu’ils n’auraient pas sa haine. Pour s’être, comme vous et moi, opposé au concert du rappeur islamiste Médine au Bataclan. Pour n’avoir eu de cesse que de dénoncer la complaisance et l’inaction de nos dirigeants vis-à-vis des islamistes qui avaient tué son enfant.
Il en un autre : Albert Chennouf-Meyer. Père d’Abel. Un des militaires qu’une ordure, de laquelle on avait justement décidé de lever le fichage S, assassina. Froidement.
Albert, il n’est pas fiché S.
Quoique. Peut-être devrait-il s’enquérir.
Albert ? C’est d’un autre traitement duquel lui est l’objet. Un traitement au raffinement plus pervers. Plus caché.
Collègues journalistes, de presse écrite, de radio ou télévision, n’en parlez surtout pas. Albert n’est pas dans le mouv. Albert n’est pas swag. Il irait même parfois défendre la Peste.
Collègues journalistes, de presse écrite, de radio ou télévision : Ne vous offusquez surtout pas que ce père ne fût pas, lui, jamais, au grand jamais, l’invité des media. Trouvez normal que lors du procès du frère de l’assassin de son fils, aucune caméra ne l’eût montré. Qu’aucun micro ne lui fût tendu.
Collègues journalistes, de presse écrite, de radio ou télévision : optez ensemble pour la couardise. Pour la prudence lorsqu’elle confine à la lâcheté.
Car imaginez. Qu’un téméraire, un fou que dis-je, un suicidaire parmi Vous tous eût eu l’idée de faire parler ce père. Et que notre homme redît, à une heure de grande écoute encore, que l’islam était la mort, l’enfer, le sang, la terreur, l’horreur, le malheur, la guerre quoi. Imaginez qu’il parlât… de nazislamistes.
Et Vous voudriez qu’on lui confiât le micro ?
Il reste à ce père les réseaux sociaux.
Il reste à cet homme – qu’il m’arrive de trouver, avec le temps, mesuré, cette page où l’on apprend que oui, il a accepté de rencontrer Abdelghani. L’autre frère de la famille Merah. Celui qui le supplia de lui accorder un pardon.
Il lui reste encore une page où il osa, l’indécent, nous conter l’Affaire de la Chapelle ardente. Nous dire ce que chacun s’obstine à taire : que l’armée, lors des honneurs rendus aux trois militaires assassinés, accéda à la demande insensée que fût éloigné des deux autres le cercueil de son garçon, lequel, au vu de la religion musulmane, était … impur. Abel, qui osa être … une victime chrétienne.
Albert qui est encore interdit de tout contact avec Loïc Liber, le quatrième militaire que Merah laissa paralysé à vie. Imaginez un peu que ce père eût pu réussir à monter la tête du jeune Loïc. Comment et pourquoi, je ne saurais le dire.
Albert enfin censuré. Plus souvent qu’à son tour, sur les réseaux sociaux. Dès qu’il crie sa colère contre la peste qui enfanta le meurtrier de son enfant.
Albert interdit. Albert muselé. Albert l’infréquentable. Pour oser demander des comptes à notre société. A ceux qui la dirigent. Albert ce matin censuré pour 30 jours pour avoir commis l’inacceptable : avoir osé critiquer l’interview donnée à La Dépêche par la femme d’un terroriste du Bataclan. Laquelle épouse disait … sa fierté d’avoir eu un tel époux.
Albert Chennouf-Meyer. Duquel un media titra qu’il menaçait les musulmans de France : Que fait la justice, osa alors titrer alterinfo.net
Facebook s’en occupe. La justice peut vaquer. S’adonner à des expertises de l’assassin de Sarah Halimi. Facebook ne censure pas que les photos, aussi artistiques fussent-elles, d’un sein dénudé : non. Facebook veille aussi au grain. Facebook évite la guerre civile qu’un Albert Chennouf-Meyer ou un Patrick Jardin pourraient faire exploser.
Sarah Cattan