Regarde bien petit, regarde bien. Sur la plaine la-bas à hauteur des roseaux, entre ciel et moulin, y a un homme qui vient que je ne connais pas…
Est-ce mon frère qui vient nous dire qu’il est temps de moins nous haïr ?”
Qui ne souscrirait pas à ce cri du cœur de Jacques Brel ?
Moins nous haïr, rien de plus.
Malheureusement, l’actualité regorge de faits qui, à tout le moins, semblent s’inscrire dans une tendance au durcissement, et à la radicalisation des positions concernant ce qui peut séparer le registre de l’Homme de celui de Dieu.
A n’en point douter, les positions semblent devenir inconciliables.
L’HUMEUR d’aujourd’hui se propose de formuler quelques remarques, et de rapporter quelques unes de mes réactions à ce sujet. Le titre m’a été inspiré par le slogan de la manifestation anti-laïcité qui a eu lieu à Montréal : “Ta liberté s’arrête là où commencent les interdits de Dieu”.
PRIMO : Manifestement, l’on assiste à une tentative avérée de remise en cause de la laïcité, qui est aussi celle de l’émancipation du temporel vis-à-vis du spirituel et du profane vis-à-vis du sacré.
Tarek Oubrou et ses amis El Karoui et Bajarfil qui réactivent leur projet de représentation des musulmans en réhabilitant l’AMIF (les intérêts priment sur Dieu et la foi), sont dans une entreprise funeste : pour eux la loi de 1905 n’est pas parole d’évangile, elle n’est pas texte sacré, elle est donc aménageable.
L’entreprise d’adjectivation de la laïcité qui n’en a pas besoin (laïcité apaisée, souple, positive, inclusive, ouverte…) s’inscrit bien dans ce cadre ; c’est une tentative de remise en cause qui ne dit pas son nom.
Le futur mufti de la république suggère que l’histoire de France soit réécrite à la lumière de la présence musulmane aujourd’hui. Cela permettrait de réconcilier la nation toute entière avec sa composante musulmane.
Même si cette composante n’est qu’un fantasme, elle n’existe pas comme nous l’avons soulignée par ailleurs.
La France ne va pas changer de civilisation, et son histoire est déjà écrite.
SECUNDO : L’agitation furieuse des enragés de Dieu ne doit pas nous induire en erreur, il ne faut surtout pas y voir un signe de bonne santé et d’une vraie force de l’islamisme.
“C’est assurément un certain islam qui agonise ; toutes ces violences sont les soubresauts de la bête qui se meurt. Je ne sais combien de temps va durer cette illusion du retour à l’âge de Médine, à la cité parfaite… », nous avertissait Abdelmalek Sayad.
Situation propice à la négation, si ce n’est le dévoiement de l’islam comme culture et civilisation au profit d’une hystérisation du culte dans une communauté de conditionnement qui, selon Mohamed Talbi « peut donc avoir une dimension totalitaire. Elle est alors quelque chose d’horrible parce qu’elle tue la personnalité et la pensée ».
En vérité, il s’agit d’un islam fantasmé autant par les non musulmans que les musulmans eux-mêmes. Chercher à arrêter le cours de l’histoire et son évolution ; en rester à l’expérience vécue en Arabie du VIIe siècle est évidemment une tentative vouée à l’échec.
Les psychanalystes verraient dans l’agitation furieuse des islamistes, un phénomène de compensation d’une déficience de la foi par un surinvestissement dans l’exhibition et « un furieux désir de sacrifice, dont nous parle Fethi Benslama en l’inscrivant dans un concept neuf, celui du surmusulman.
Un conformisme bête et méchant, désuet et anachronique, ceint d’une hypocrisie générale s’est imposé.
TERTIO : Ce qui se passe au Canada est inquiétant à plus d’un titre. En mettant en avant le slogan “Ta liberté prend fin là où commencent les interdits édictés par Allah”, cela revient à nier l’existence des autres religions, c’est dénier le droit à l’athéisme. Au risque d’être grossier, j’ai répondu à Charkaoui qui est l’organisateur de cette manifestation :
“Vas te faire foutre, la religion ne prévoit pas d’intermédiaire entre le créateur et ses créatures. Le Coran dit en substance : “que croie celui qui veut et que dénie celui qui veut”. Votre démarche, c’est de l’imposture, c’est de l’associationnisme. Vous êtes la plus grande menace qui pèse sur l’islam, les musulmans, et toute l’humanité.”
J’espère que les canadiens ne laisseront pas agir cette minorité toxique, constituée en majorité de lettrés abécédaires et de semi incultes. Il arrive à l’histoire de bégayer, mais jamais de revenir en arrière. Il faut rester intraitable.
En Algérie, nous disions “pas de démocratie avec les ennemis de la démocratie; et pas de liberté pour les ennemis de la liberté”. Je persiste et signe, un cancer ça s’éradique, faute de quoi il métastase.
Ces Tartuffe et d’autres ne comprennent pas que l’Etat ne reconnait pas la parole de l’évangile, ni celle du Coran, ni celle de la Torah. Quant à la religion musulmane, s’il y a spécificité, ça la regarde. C’est à elle de s’adapter à la loi.
Les interdits d’Allah concernent l’individu comme tel.
La loi concerne tous les citoyens, et on ne la choisit pas. La religion, en revanche, ne concerne que certains, et on la choisit. Et pour parler comme Henri Pena RUIZ, il n’est pas question que “ce qui est de certains s’impose à tout le monde”…
QUATRO : Le revers subi par Erdogan lors des dernières élections municipales en Turquie est hautement significatif. Contrairement aux pays arabes, la Turquie a une expérience pratique et historique de la laïcité.
Dans ma dernière chronique, j’ai dit que l’islamisme est passé de mode.
le parti islamiste au pouvoir depuis 2002, a perdu, lors du scrutin du 31 mars, la mairie d’Istanbul, ainsi que celles de la capitale Ankara et d’Izmir , les trois villes les plus importantes du pays, en plus de nombreuses autres villes…
Le revers d’Erdogan dans les trois plus grande villes de Turquie est annonciateur de changements heureux. Le Khalifat est derrière nous, et le compte à rebours a commencé pour ce fossoyeur de la Turquie moderne.
Atatürk est de retour, que cela plaise ou non.
Par ailleurs, Au Soudan, la démission forcée de Omar El Bachir, ce ténébreux qui a décapité le lumineux Mohamed Mahmoud TAHA, porteur d’une vraie tentative de réforme sérieuse de l’Islam, corrobore amplement cette analyse.
En vérité, l’on assiste a une émancipation vis-a-vis du religieux.
En témoigne le caractère profane des revendications en Algérie, où les islamistes sont de fait hors jeu. Il y a une tendance avérée à l’athéisme dans les pays musulmans. Les gens n’ont que faire de l’eschatologie, “ils veulent prendre leur du de ce monde”, selon l’exhortation du Coran.
Conclusion : Tout est faussé, les islamistes tentent de prendre en otages les hommes, et dictent le mode d’emploi de leur lecture des textes, la seule valable et qui prétend même à l’infaillibilité ; un mode d’emploi fondé sur la prééminence du paraître sur l’être, de la forme sur le fond, du culte sur la foi, de l’anti-culture sur la culture, de l’effet oratoire sur la recherche de sens, de la rudesse sur le raffinement, de l’aliénation sur l’authenticité, de l’archaïsme sur la modernité…
Toute époque a, en effet sa morale, et notre époque a la sienne : remettre l’Homme à sa vraie place dans la société ; quant à Dieu, il n’a pas besoin de l’Homme. « Dieu est assez grand pour se défendre », nous rassure Georges Clemenceau.
Un bon week end !
A la prochaine ? certainement !
Khaled Slougui
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