Humeur du jour. L’islamisme est passé de mode. Khaled Slougui

La chronique sur l’islamophobie n’est pas passée inaperçue, c’est le moins que l’on puisse dire. Il y a eu des centaines de partages et de retweets, et cela continue.

La tête froide, j’en tire la conclusion qu’il faut continuer sur cette ligne et ne rien céder, ne rien lâcher aux islamistes et leurs suppôts.

Personne ne me fera renoncer à une certaine façon d’être musulman, ni ne provoquera chez moi un supposé complexe.

Certains, faute d’arguments construits, me font dire ce que je n’ai jamais dit, la ficelle est trop grosse; d’autres, moins inspirés semblent avoir démasqué mon racisme.

J’ai souvent rétorqué par le passé, que j’ai décidé de ne jamais abaisser la culture; aussi, il ne faut pas s’attendre à ce que je rentre dans le piège des débats inutiles qu’aliment une provocation récurrente et débile.

L’objet de cette HUMEUR est de faire un peu de pédagogie sur le terme « islamisme », même s’il n’est plus de mode comme l’illustre parfaitement le mouvement populaire algérien. Il est aussi de revenir sur la notion de racisme

Ce faisant, je me situe dans la trame de ce que j’ai développé sur l’islamophobie.

PRIMO : Très rapidement, le racisme est un phénomène universel qui peut concerner tout un chacun. Il peut mobiliser une multitude de critères qui dépasse la seule religion. Le racisme est aussi important à l’intérieur d’un même ensemble (groupe, communauté, nation, parti…), qu’entre différents ensembles. Souscrire à l’islamophobie, c’est faire le jeu des islamistes qui s’en servent pour faire passer leurs demandes néoreligieuses.

Etre contre la polygamie, l’excision, le voile dans les services publics, la discrimination des femmes, le mariage forcé… Ce n’est pas être islamophobe, c’est être républicain et défendre les DDHC (Droits De l’Homme et du Citoyen). L’entité « musulmans » n’existe pas, il n’y a donc pas un type de racisme qui la concerne spécifiquement. Qu’il y ait un racisme contre les musulmans n’a rien d’exceptionnel, à l’instar de l’arabophobie, de la négrophobie, de l’homophobie…etc.

J’ai tendance à préférer le mot « hétérophobie » qui signifie la phobie de l’autre, ou si l’on préfère l’ostracisme qui frappe les jeunes, les femmes, les handicapés, les homosexuels…celui qui est différent. J’emprunte cette notion à Albert Memmi, qui reste sans conteste l’un des plus grands spécialistes de la question du racisme. Son livre « Le racisme » est un pur chef d’œuvre.

SECUNDO : « C’est quoi l’islamisme ? Fouad Laroui répond sans détour :
L’utilisation politique de l’islam ? Bien sûr. Mais nous allons plus loin ; c’est la dénaturation d’une foi, c’est l’exact contraire de la foi. Et c’est surtout une construction qui semble solide mais qui ne repose en fait sur rien. Du sable, du vent, un mirage, comme vous voudrez ». J’ajoute pour ma part, que c’est un vernis qui fait illusion, il suffit de gratter un peu, et l’on découvre un discours fumeux, d’un autre âge. « Le wahhabisme qui fonde la doctrine islamiste, c’est probablement l’interprétation la plus pauvre qu’ait jamais connue l’histoire théologique et doctrinale de l’islam », rappelle Abdelwahab Meddeb.

L’élan de réforme dont ce mouvement se voulait porteur, incarne en vérité la décadence ayant pour cadre le Nejd semi-désertique, semi-bédouin, et en tout état de cause, archaïque et féodal.

TERTIO : Le recours au vocabulaire religieux vise à masquer des problématiques éminemment politiques, quand elles ne sont pas bassement mercantiles, j’ai sur cette dernière question développé le concept de rente théologique. Il s’agit du partage des différents segments constitutifs du marché religieux.

La stratégie islamiste s’appuie sur une manipulation à grande échelle du religieux pour la prise et l’exercice du pouvoir politique.
Comme l’exprime très bien Mohammed El Hashmawy : « Dieu voulait que l’islam fût une religion, les fondamentalistes en ont fait une politique ».
A juste titre, Mohammed ARKOUN affirme que l’islam (pour les intégristes) est à la fois « refuge, repaire et tremplin ».

QUATRO : L’islam est un REFUGE de l’identité de sociétés et groupes ethnoculturels arrachés à leurs structures et valeurs traditionnelles par la modernité matérielle ; c’est aussi un REPAIRE pour toutes les forces sociales qui ne peuvent s’exprimer politiquement ailleurs que dans les espaces protégés par l’immunité religieuse ; c’est enfin un TREMPLIN pour ceux qui veulent prendre le pouvoir et évincer des concurrents. L’expérience du FIS (Front Islamique du Salut) en Algérie, ou celle des frères musulmans en Egypte donne une illustration éclatante de cette analyse et de ces concepts.
Les islamistes assignent, selon Arkoun de nouvelles fonctions à l’Islam, areligieuses, voire anti spirituelles.

CONCLUSION :
Dès le début des évènements d’Algérie, je n’ai pas exclu que le pouvoir utilise les islamistes, comme il l’a toujours fait pour casser le mouvement populaire, et pour rejouer indéfiniment la carte sécuritaire.

Or, en dehors de quelques agités, ne les a suivis. L’islamisme devient vieillot, et ses mots d’ordre (Etat islamique, application de la chariâ, refus de l’occidentalisation…) sonnent déjà comme l’expression d’anachronismes. Et pour cause? Le pouvoir ne peut plus faire encore une fois l’économie d’une confrontation avec la tradition, il ne peut plus ajourner une problématique de la modernité. La séparation de l’Etat et de la religion s’impose comme une condition de survie.

En France, méditer la nouvelle réalité de l’islamisme en Algérie n’est nullement fantaisiste, ça peut aider à mieux comprendre les ressorts de ce mouvement qui a pris une dimension et une importance surfaites.
Même s’il est éculé et ringard, l’argument de la victimisation est le seul qui reste aux islamistes, cela justifie qu’il soit entretenu à dessein.

L’Etat gagnerait à rester intraitable sur le principe de laïcité, et dans ce domaine, l’affect et les sentiments n’ont pas de place, ils ne sont plus de mise. Place aux démarches réflexives et à la raison.

Il y a panique dans le camp des bigots et des islamistes.

Les femmes qui se sont exprimées dans Mediapart ne sont pas représentatives des « musulmanes », qui aimeraient bien qu’on leur « foute la paix », elles qui souhaitent tout simplement être de leur temps, d’autant qu’elles sont l’écrasante majorité. Du reste, c’est connu que les intérêts catégoriels se déploient toujours au nom de l’intérêt général. A mon avis, le combat de ces agitatrices furieuses est d’arrière garde. Il en devient grotesque, et en décalage avec les vraies exigences qui sont universelles et non singulières et spécifiques.

Dans un Hadth du prophète, il est rapporté : « Un jour, un compagnon du prophète surprend celui-ci en train de pleurer, et lui demande la raison de ces larmes qui lui fendent le coeur. Le prophète lui répond entre deux sanglots : j’ai vu que dans le futur, j’allais témoigner contre ma propre communauté ».

Nous y sommes! A force de mensonges, de distorsion, de perversion et de falsification de l’histoire, cette même histoire se retourne contre eux.

Bonne semaine!

A la prochaine? Certainement!

Khaled Slougui

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1 Comment

  1. Excellente tribune, comme toujours. On ne soulignera jamais assez le rôle dangereux et pervers joué par Médiapart. C’est également le cas de Le Monde et Libération en France, tout comme The Washington Post aux USA et The Guardian outre-manche.

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