Sur le Golan, la décision américaine n’est qu’un « bout de papier »

La plupart des habitants de cette région syrienne annexée par Israël n’attendent rien de la reconnaissance

Près de 23000 Druzes vivent sur le Golan (ici à Majdal Shams). Kobi Wolf pour La Croix

Le jovial pharmacien de Majdal Shams ne se fait pas prier pour montrer son portrait de Bachar al Assad. À peine le nom du président syrien prononcé qu’il accourt depuis son arrière-boutique, un grand sourire sous sa moustache grise et les bras chargés. « N’ayez pas peur, prévient-il en déroulant une affiche aussi haute que lui. C’est un grand président, je l’aime beaucoup. »

Le commerçant, prénommé Gandhi par son père, « admirateur fou » du leader indien, n’a pas mis un pied à Damas depuis la fin de ses études, en 1983. Depuis, il a rejoint la ville où il est né il y a soixante ans : Majdal Shams, 10 000 âmes et des maisons souvent inachevées accrochées au plateau du Golan, à 1 100 mètres d’altitude. Quand le pharmacien a vu le jour, la Syrie contrôlait ce paysage de cratères volcaniques, de pentes et de sommets pour certains vert cru, pour d’autres enneigés en cette fin mars glaciale.

« Ici, c’est la Syrie, je suis syrien ! »

C’était avant 1967, quand Israël, victorieux de la guerre des Six Jours, a conquis puis occupé et annexé le plateau. Druzes pour la plupart, une branche du chiisme, ceux qui, comme Gandhi et sa famille, n’ont pas fui du côté syrien de la nouvelle frontière longeant Majdal Shams se sont alors retrouvés sous administration d’Israël. L’ennemi juré de leur mère patrie syrienne.

Comme beaucoup des 23 000 Druzes du Golan, Gandhi n’a jamais accepté l’occupation israélienne. « Ici, c’est la Syrie, je suis syrien ! » clame-t-il, tandis qu’à la télévision derrière lui, une chaîne syrienne diffuse un débat sur le sujet du moment : la reconnaissance américaine, jeudi 21 mars, de la souveraineté israélienne sur le Golan. « Donald Trump n’a pas le droit de donner cette terre », peste le pharmacien. Ayant manifesté, samedi 23 mars, il sait toutefois que ses protestations sont vaines. Mais il sait aussi que le décret de Donald Trump ne changera rien : « C’est un bout de papier ! »

Un avis partagé hors de sa boutique. « Donald Trump veut aider Benyamin Netanyahou », explique le client d’un bureau de change. Comme la plupart des Druzes du Golan, il continuera d’appartenir aux « ni-ni » : des habitants se disant syriens mais dépourvus de papiers d’identité délivrés par Damas, et qui, dans le même temps, travaillent, payent des impôts et bénéficient du système social israélien, mais refusent la nationalité israélienne et ne peuvent voter.

Une vue de la ville de Madjal Shams. / Kobi Wolf pour La Croix

L’inconfort peut aller loin. « Je reste ici, la situation économique est meilleure qu’en Syrie », dit une autre cliente. Ce compromis, qui explique en partie pourquoi le Golan ne s’embrase pas, Majdi, 37 ans, mécanicien, l’a fait sien. « Je ne me bats pas car j’ai une belle vie ici », dit-il, dans un garage à deux pas de la « colline des cris » où, avant Internet, les proches déchirés par la nouvelle frontière se retrouvaient de part et d’autre, micro en main, pour communiquer.

« On n’a pas peur ici, on se sent protégé par Israël »

L’approbation de la Maison-Blanche fait aussi des heureux au Golan : la plupart des 25 000 Israéliens du plateau et les touristes. Pour les entendre, il faut emprunter des routes en lacets bordées de panneaux signalant la présence de mines héritées de la guerre, contourner des promontoires surveillés par des chars militaires, et atteindre le Mont Bental, à 20 km de Majdal Sham. Là, Tom, Texan, admirant le panorama, assure : « C’est bien pour Israël ». Une amie ajoute : « On n’a pas peur ici, on se sent protégé par Israël. »

Touristes sur le site de la bataille de 1973 sur le Golan. / Kobi Wolf pour La Croix

Un écho aux Israéliens du Golan pour qui le choix américain résonne comme la confirmation d’une propriété déjà acquise. « Que ce soit israélien ou syrien, ce n’est pas important », assure Johanna, sachant la seconde option impossible.

Directrice de la réception de Neve Ativ, hôtel et village communautaire où vivent vingt familles israéliennes, elle ne s’inquiète pas. Bordée de pommiers en fleurs, l’affaire va bon train : les 44 chambres, dans des chalets aux allures suisses, affichent complet. « C’est serein ici, d’ailleurs, c’est comme une famille avec les salariés, tous druzes, sauf trois dont moi », dit-elle.

Une sérénité difficile à partager pour l’un des employés druzes : « J’ai dû devenir israélien pour travailler ici, je n’ai pas eu le choix pour nourrir ma famille. Mais tout le monde dit que je suis un traître. » Un opprobre que la décision de Donald Trump n’effacera pas.

Un territoire sous surveillance de l’ONU

Une tour de surveillance à la frontière syrienne. / Kobi Wolf pour La Croix

Après avoir conquis 1 200 km² du plateau du Golan sur la Syrie en 1967, Israël l’a annexé en 1981. Riche en eau, il offre une vue en profondeur sur le territoire israélien.

Pour l’ONU, le Golan est un « territoire occupé ». Depuis 1974, la Force des Nations unies pour l’observation du désengagement (Fnuod) y contrôle une zone tampon entre Israël et la Syrie.

Damas, qui en exige la restitution, a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité. Cinq de ses membres, dont l’Allemagne et la France, ont rejeté, mardi 26 mars, la reconnaissance américaine de la souveraineté israélienne.

Source La Croix

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