La France sans les juifs

Un livre remarquable. Inattendu. Troublant. Et provocateur. Danny Trom, sociologue, chercheur au CNRS, développe une théorie nouvelle et intéressante. Selon lui, l’antisémitisme musulman ne serait que l’un des aspects du problème. Et d’abord pourquoi ce titre si provocateur. “Je me suis inspiré de la phrase de Manuel Valls un an après l’attentat de novembre 2015 contre l’Hyper Cacher : ”Sans les Juifs, la France ne serait plus la France ”.

Danny Trom pense que Valls a raison. Et pourtant , Danny Trom fait comme si tout était plié. Il pense que le départ “massif” des juifs est inéluctable face à la montée du sentiment d’insécurité. Il pense que le projet européen s’inscrit en opposition à l’Etat d’israël. Il estime que dès lors que l’Etat-nation est considéré comme une forme révolue, l’Etat d’Israël devient un anachronisme. Doté d’une armée puissante, “ cet État qui recourt à la force est en porte à faux par rapport à une Europe politiquement impuissante” explique-t-il. Sa création est en outre le miroir de l’incapacité des Européens à protéger les juifs. En réalité, l’Etat d’Israël est perçu comme l’échec du projet d’universalisme européen.

Pour lui, aujourd’hui, l’Europe est devenue un lieu d’accueil peu exigeant. C’est l’esprit de la bienveillance universelle. Un émigré turc en Allemagne ne se sent pas concerné par la repentance allemande face à la Shoah. Or, si l’accueillant ne manifeste aucune exigence parce qu’il n’a plus une conscience vive de sa propre histoire, c’est la communauté politique qui se délite d’autant. C’est ainsi que, pour lui, la place des juifs en Europe est en cours d’effacement. Oui, mais alors, l’hostilité à Israël n’est-elle pas d’abord liée au conflit israélo-palestinien ? Il répond : “ Il en sert de prétexte, mais il n’en est pas la cause. La légitimité de l’Etat d’Israël a toujours posé problème, et les variations de la politique moyen-orientale n’expliquent pas la situation des juifs en Europe”.

Enfin, pour lui, la montée de l’islam radical en France n’est pas la seule raison qui pousse les juifs à partir. “Elle ne vient pas, dit-il de l’islam mais de la nouvelle éthique pénitentielle qui régne en Europe. Une philosophie de la victimisation, basée sur le rejet des frontières, l’idéologie inclusive de l’acceptation inconditionnelle. Face à cet irénisme stupide, l’Etat d’Israël, qui humilierait les Palestiniens, ne peut que paraître obscène et archaïque. L’Européen est devenu cosmopolite et pacifiste, l’Israélien est devenu un nationaliste désinhibé”.

Alain Chouffan

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4 Comments

  1. Les écailles me tombent des yeux. Une analyse dérangeante mais criante de vraisemblance. Mieux: de vérité.
    L’entente entre l’Israélien et l’Américain (moyen) se fait à partir du nationalisme.
    L’antisémitisme, en Europe, est devenu presque invisible aux gens, car il est banal. Une preuve entre autres: un marché d’objets à Cracovie pour touristes avec des caricatures de JUIFS.
    Lilian P.

  2. D’autant plus que cette victimisation dont il est question est toujours à sens unique. Le motif qui a conduit la France à accueillir autrefois l’ayatollah Khomeiny est le même qui pousse aujourd’hui la Belgique à accueillir Laurent Gbagbo, grand criminel raciste et sanguinaire. Et c’est le même motif qui pousse les islamo-gauchistes, qui sont des islamo-fascistes, à soutenir les activistes palestinien(ne)s les plus extrémistes. Le scénario du PIR est malheureusement arrivé.

  3. ”Sans les Juifs, la France ne serait plus la France ”

    Et elle serait quoi alors ? Les européens peuvent très bien se passer des juifs comme nous le savons depuis 1945 : les trois quart de l’Europe aujourd’hui est Judenrein et la totalité des juifs aujourd’hui représente environ 1,4 millions soit moins de 0,2 % de la population européenne totale avec moins de 1% pour la France…

  4. La disqualification des Juifs comme nation en diaspora en Europe – ce que sont les Juifs historiquement relativement à l’Europe – est en effet une manière pour l’Europe de se définir comme une entité supra-nationale et post-nationale. Toutefois l’Europe n’est pas seulement un projet politique; c’est aussi – et c’est ce que veut incarner le post-nationalisme – après la Shoah – un projet moral humaniste et anti-raciste. Si elle devait devenir inhabitable pour les Juifs, c’en serait fini de cet humanisme d’autant que les Juifs avec le Deuteronome, sont ceux par qui cet humanisme anti-esclavagiste et anti-raciste a été initié produisant finalement les appels à la liberté et à l’egalite des droits pour tous. La question n’est pas de savoir le pourcentage des Juifs qui reste en Europe mais celle de la définition qualitative que l’Europe aura d’elle-même, et si cette définition exclut les Juifs alors toutes les catégories sociales seront affectées par un effondrement démocratique sans précédent et ses suites, qui pourraient fort bien comprendre l’alliance politique des islamistes et des populistes d’extrême-droite qui ont en commun l’antihumanisme. Hitler n’etait-il pas l’ami du mufti de Jérusalem Hadj Amin Al-Husseini ?

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