Bon
Mardi
Vernon Subutex
Virginie Despentes
J’avoue.
J’aime les gens qui écrivent.
J’aime aussi ceux qui dansent.
Mais c’est pareil.
Ceux là écrivent avec leurs corps.
Leurs mots tourbillonnent dans l’espace et nous caressent le cœur comme des ailes de papillons arachnéennes ou violentes parfois ,mais qui se posent quand même delicatement, sans jamais s’écraser..
Un livre m’avait été conseille par une jeune femme biberonnée au lait d’ânesse ecrémé, née dans la soie et la dentelle , bercée de mélopées tendres par des parents encore interdits d’avoir produit ce miracle .
Et pour échapper à cet environnement de guimauve et de dragee, elle s’abîme dans des lectures trash et des films violents qui lui donnent l’illusion d’approcher sans égratignure la vraie vie, le quotidien de vraies gens frottées d’épreuves germées dans les bas fonds de la société ..
Bref..
Elle me conseillait depuis longtemps la lecture de Vernon Subutex, oeuvre de Virginie Despentes que je soupçonnais de glauquitude violente.
J’avais raison.
Sauf que c’est écrit par une femme, écrivaine de son état.
Une femme qui étale tranquillement ses entrailles et ses neurones pour en faire une création littéraire.
Et qui y parvient.
Sa bio la décrit comme ayant percuté le fond du fond, les squats,la drogue, la prostitution, le mal d’argent qui cogne chaque matin, l’amour aussi, hetero et homo, le sexe, par plaisir et par nécessité..
De tout ça n’auraient dû émerger que des crachats fielleux contre une société qui carbonise certains de ses enfants.
C’est partiellement le cas, mais pas que..
Car j’ai fini par acheter le livre incriminé pour une poignée d’euros..
Au pire poubelle.
Mais ma critique littéraire n’était pas mauvaise conseillère .
J’ai plongé.
Ca swingue, ça rock, ça couche, ça ment , ça triche, ça pleure, ça rit dans un monde frelaté , qui scénarise avec allegresse ses fractures et ses plaies sanguinolentes.
Ca dit la vie, ça dit la douleur et la honte, ça dit le feu et la cendre..
Bien sûr, ça se passe dans l’univers du cinéma dont Despentes démonte tous les rouages qu’elle connaît à merveille puisqu’elle y a longtemps travaillé.
Galerie de portraits qu’on découvre en cheminant avec sidération dans ce Musée des horreurs, ambitions démesurées ficelées à des egos ballonnés, cupidité, soif de reconnaissance, mégalomanie, dope à tous les étages, et packs de bière glacée comme s’il en pleuvait,la liste n’est pas exhaustive..
Cette société portraiturée au vitriol donne une image atterrante d’une couche d’individus perfusés au désir de fric et de notoriété.
Et surtout, peur, trouille, angoisse, doute, terreur du lendemain dans un monde qui enterre vivant celui qui n’a plus la force de s’accrocher..
Mais Despentes a de la ressource.
C’est une artiste.
Une de ces femmes accroupies qui tresse sans discontinuer ces brins d’osier qui forment de jolis paniers.
Elle ,ce qu’elle torsade, ce sont des mots pour former des phrases et des idées qu’elle écoule sur le marché de la chose littéraire.
Ses paniers à elle sont proposés avec du fiel stocké depuis des âges, de l’ironie amère, du rock qui balance sévère..
Mais elle aime ses lecteurs et les respecte et sous l’apparente désinvolture linguistique qui substitue le parler à l’écriture , se cache un vrai travail ..
Alors, certes, cette littérature s’adresse plus à des quarantenaires qu’à ma génération, mais si on se débarbouille de certains préjugés, qu’on chausse des petites ballerines pour retrouver le goût du rock, on s’offrira une parenthèse de musique et de lecture un peu tressautantes qui nous plongera pour un temps dans un monde jusque là inconnu.
Que cette journée vous offre un espace de lecture si revigorant pour des neurones malmenés.,
Je vous embrasse
Michèle Chabelski
Merci d’avoir si bien lu Virginie Despentes. Et d’en avoir si bien parlé (même si V.S. n’est pas mon préféré)!
Quel plaisir de trouver ici un peu de fraternité de lecteurs.