Le printemps s’annonce décidément couleur électorale. Jamais les Européennes ne nous auront autant intéressés. Témoin qu’elles seront pour nous, Français, de la situation inédite du pays, mais encore de la possibilité d’une Europe. Les Français juifs suivent peut-être un peu plus que les autres les législatives israéliennes. D’une teinte inédite là encore pour le cru 2019. Et enfin, comment ne pas se sentir tous concernés par la grande mascarade qui se joue, sous nos yeux cette fois, en Algérie. Cette simili-présidentielle qui est à l’évidence à tout le moins humiliante pour le citoyen algérien. Pour l’homme considéré encore, en 2019, comme prêt à avaler des couleuvres.
Commençons par la farce burlesque et tragique à la fois qui se joue chez nos voisins algériens.
Burlesque, tragique, mais en même temps signe d’espérance : le peuple se lève. Emmené par les jeunes. Eux-mêmes portés par ce fauteuil roulant incompatible avec leur âge. Cet homme qui décidément ne rime pas avec demain.
Les réseaux sociaux sont de la partie, et les courageux, entendez nos amis Boualem Sansal et Kamel Daoud qui ont choisi de rester là-bas, mais de s’exprimer toujours, rejoignent un Yasmina Khadra qui de Paris se réjouit.
Le plus sage est Boualem. Il observe. Raconte. Tout en subtilité et aussi en ironie. Pour lui, la mèche s’est allumée le 8 février, lorsqu’un communiqué lu à la télé confirma que le Président briguait ce cinquième mandat, le dernier, qu’ils disaient, tentant de rassurer le bon peuple qui s’impatientait de sortir enfin de la mort lente des années Bouteflika. Les seules que ces malheureux eussent connues.
On s’attendait à une explosion ravageuse ; ce furent des manifestations pacifiques, citoyennes, proprettes, lancées par les réseaux sociaux. C’était réjouissant de voir les gens sortir de leur longue et insupportable léthargie et venir, très civilement, rappeler au pouvoir qu’ils existent et qu’ils veulent vivre. Surpris par leur soudaine hardiesse et par le silence confus du pouvoir, les manifestants en profitent, ils parlent, crient, font la fête, ils voient l’avenir …, poursuit l’auteur du Train d’Erlingen, inquiet de la réaction du régime et des islamistes.
Une candidature que Yasmina Khadra qualifiait d’ubuesque, celui-là estimant que l’annonce officielle allait mettre le feu aux poudres et nous l’énerver, ce bon peuple et surtout sa jeunesse.
Car ils sont venus Ils sont tous là et ça n’est pas pour la mamma. Ils disent non. Non à la mascarade qui n’a que trop duré.
Mais c’est qu’à ces manifs dignes et courageuses, le FLN répond donc par un silence plein de mépris. Un peu peu C’est Nous ou rien. Tel un gang, que dis-je, une presque milice, qui vous auraient capturé un pays depuis belle lurette et qui n’aurait pas saisi que même ça, c’est d’un autre temps.
Out.
Périmé.
Ce Parti qui n’a donc pas saisi le sens de ces marches pacifiques. Pacifiques. Mais en rien résignées. Déter, diraient les djeunes. Qui avancent. Comme déjà libérés.
Le pouvoir, il n’a pas l’habitude. C’est quoi ces petits morveux qui donc résisteraient. Tant, en vingt ans de règne d’Abdelaziz Bouteflika, ils n’ont jamais vu ou entendu la moindre contestation. A grande échelle. Répétée. A travers le pays entier. Et par la voix de sa diaspora.
D’ailleurs, que leur a-t-il pris, à ces impudents, qui devraient savoir que les rassemblements sont interdits. Depuis l’an 2001.
Il faut les entendre pour y croire. Telle la colère des grands timides, les marcheurs se lâchent. Ils traitent Ouyahia, tout premier ministre qu’il est, de voleur. Ils disent Non à la mascarade. Et même le Président en prend pour son grade : Bouteflika le Marocain, pas de cinquième mandat , qu’ils répètent. Sans nul respect du au grand âge du sieur. C’est un peu comme si tombaient d’un coup d’un seul les digues de la bienséance. Ils n’en ont cure, de l’âge et de l’état de santé du Président. Ils sont colère. C’est quoi ce truc, ce Président représenté par un cadre avec sa photo lors des cérémonies officielles.
Ils l’avaient peu goûtée, la farce du 10 février, ce jour improbable où un communiqué signé Abdelaziz Bouteflika leur annonça une énième… candidature. Et le style choisi et un brin ampoulé leur donna un peu plus le sentiment qu’on les moquait : La volonté inébranlable de servir la patrie ne m’a jamais quitté et elle me permet de transcender les contraintes liées aux ennuis de santé auxquels chacun peut être un jour confrontébla bla bla Disait le communiqué.
C’est que c’était le peuple, cette fois, qui risquait l’AVC. Gagné qu’il fut d’une colère indicible. Un coup de sang qu’on disait, jadis. Renseigné qu’il était sur l’état dans lequel risquait de les mettre ce mauvais coup : ils n’avaient qu’à se souvenir que depuis six ans déjà, leur Président, ou ce qu’il en restait, n’était quasiment plus apparu en public, incapable qu’il semblait de s’adresser directement aux Algériens et même désormais de recevoir les hôtes étrangers.
Quoi ! Ils n’avaient que Lui en boutique ?
Quoi ? Ces clans qui composaient le pouvoir algérien n’avaient même pas su anticiper ? Offrir un plan B ? Penser en terme de succession ? D’offre respectueuse ?
Quoi ! Ils méprisaient à ce point leur peuple ?
Il fallait bien
y accroire : la machinerie ne s’était-elle pas mise en route pour la faire
avaliser, cette prétention à se succéder… à lui-même.
C’est que cette fois, le bon peuple ne rentra pas.
C’est que cette fois, la fois de trop, ils convergèrent par milliers. Répondant à des appels lancés depuis les réseaux sociaux. Pour dénoncer l’imposture.
Ils n’ont plus peur.
Car Peur de quoi désormais ?
Regardez-les. Fiers . Dignes. Filmant et diffusant leur calme révolte. Leur réveil.
Regardez bien : cette fois, les forces de sécurité, toutes présentes qu’elles sont, ne leur barrent pas la route.
Ecoutez-les, ces journalistes qui dénoncent la censure et montrent du doigt ces titres dont les rédactions refusent de couvrir … l’événement.
Ils deviennent téméraires. Prudents en somme. Ils préviennent que s’ils ne veulent pas d’Abdelaziz, ça n’est pas pour se retrouver avec… Saïd, le frère. Ils veulent du neuf. Du vrai. De l’intègre.
Fallait pas les humilier. Les mépriser ainsi : d’autres en font encore… l’amère expérience.
Regardez. Ecoutez : l’assurance les gagne. Les applaudissements les saluent.
Devant l’équivalent de notre Matignon, ils vous décrochent, après l’avoir hué, l’immense portrait de ce Président fantoche.
Tizi Ouzou. Béjaïa. Sétif. La fièvre semble avoir gagné le pays.
Je les trouve admirables. Car sages. Avec leurs appels à la vigilance sur les récupérations qui pourraient être faites du mouvement. Tout ça via les réseaux sociaux. Avec leur attention à ne pas être … débordés.
La résignation de mise semble avoir cédé le pas à une saine colère.
Certes les forces de police ont bien tenté d’intimider leur monde. D’arrêter à titre d’exemple Rachid Nekkaz. Leur BHL à eux. Et si les forces antiémeutes se sont déployées en nombre, elles n’interviennent pas : ce serait du plus vilain effet, non ?
Ya troho, ya n’roho[1], Scandent-ils. Libérez le Président, chantent-ils avec humour, s’adressant à cette clique corrompue dont la plupart ont dépassé les 70 ans. Barakat ! Ca suffit ! Et ils n’en ont que faire, lorsqu’ils s’entendent dire, eux, par la voix officielle, qu’ils sèment la discorde. Que c’est Allah qui leur aurait envoyé Bouteflika en 1999 pour réformer la Nation.
J’espère qu’ils lisent les mots de Kamel Daoud. Lequel s’en prend au Président et autres tenants du pouvoir algérien. Appelant à réagir pour ne jamais connaître le sort de la Libye ou de la Syrie. Exhortant à réagir. En refusant un Kadhafi ou un Bachar : Ne pas les accepter comme solution. Ne pas y voir des sauveurs ni des bienfaiteurs.
Kamel Daoud qui parle de chantage humiliant.
Exhortant les siens : Le chaos se prépare par le haut et ne commence pas par le peuple. Contrairement à la continuité, la dignité n’est pas un crime.
Kamel Daoud qui fustige la confiscation du pouvoir par une véritable gérontocratie. Q
Le Prix Goncourt du premier roman[2] qui dénonce l’insolence d’un pouvoir qui irait jusqu’à présenter une photo à la place d’un candidat qui est quasiment mort.
Kamel Daoud[3] qui souligne la volonté évidente du régime de terroriser les Algériens et de les immobiliser par ce chantage « soit nous, soit le chaos, soit nous, soit la guerre civile ».
Kamel Daoud qui sait bien que cette fois, le mur de la peur est ca-ssé.
Quel courage. Eux qui ont encore à l’esprit Ils ont encore à l’esprit la décennie noire[4] qui fit quelque 150 000 morts.
Quelle sagesse dès lors. Avec ce silmia[5] entonné dès les premiers signes d’éventuels heurts.
Pouvoir assassin, scandent-ils en souvenir. Brandissant des pancartes arborant un 5. Barré.
Etonnamment, il est discret, l’écho fait à leur mouvement d’importance. Anonyme qu’il paraît : On ne sait pas du tout d’où elle est partie, décryptent les observateurs qui évoquent cette colère. Ça ressemblerait à un appel du peuple. Même si chacun cherche quel homme politique, quel journaliste, quel artiste prête la main La voix la plume pour relayer tout ça. Cette contestation venue d’une base jeune. Hyper connectée.
Au fait ? Où est-il, l’objet de la tempête ? Hospitalisé à Genève. Officiellement pour des examens médicaux. De routine of course. Si c’est pas ballot.
Vous ne voudriez tout de même pas qu’il fît tout cet aller-retour juste pour déposer sa candidature officielle ?
L’heure n’y est même pas. Ni le cœur. Ni la naïveté. Envolée qu’elle est, celle-là : on ne spécule pas – pas encore- sur les … prétendants. Y a personne, que je vous dis.
Celui-là ? Oui C’est bien lui. Connu pour avoir à maintes reprises sorti le chéquier. Devant les caméras si possible. Pour régler les contraventions des Françaises qui refusaient de retirer leur niqab ou leur burkini. Chez ces méchants français. Dans cette dictature qui prétendait t’empêcher de considérer que voile et serre-tête n’étaient pas assimilables. Oui C’est soin nom : Nekkaz. Surnommé le candidat de la jeunesse. Je n’ai jamais soutenu ces femmes mais un principe, qu’il chantait, le malandrin. Qui se vend militant des droits de l’homme. Défenseur des opprimés. Qui promet que lui, il l’éradiquera, la corruption. Qu’il le rétablira, l’Etat de droit. Lui qu’on appelle le BHL algérien. En cause son goût pour les chemises blanches. Sa chevelure. Son appétence pour les plateaux télé.
Tiens ! Le président algérien Abdelaziz Bouteflika bouge ! Il se serait séparé de son directeur de campagne, son ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal ! Le pauvre. Et dire qu’il aura passé son anniversaire à Genève. Samedi. Oui.
La France à laquelle Boualem Sansal rappelle déstabilisation qui suivit la décennie 1990, et l’afflux d’immigrés en France, légaux et clandestins, dont nombre d’islamistes, qu’elle engendra. L’implantation d’un islamisme ultra militant dans les banlieues. Cette communautarisation renforcée. Ces attentats. Sansal qui prévient qu’une nouvelle déstabilisation serait terrible pour cette France. Piégée qu’elle est déjà par l’islamisme.
Quel bonheur de m’apercevoir que je me trompais, commente pour sa part Yasmina Khadra : Il faut être sincère, j’espérais ce mouvement, mais je ne l’attendais pas car les Algériens nous ont habitués à beaucoup de renoncements. Pendant des années, j’ai écrit que l’Algérie avait renoncé[6].
Si pour Boualem Sansal, le pouvoir ne tombera pas, parce qu’il contrôle totalement le pays et dispose de tous les moyens et d’abord de la détermination pour abattre quiconque approcherait la ligne rouge[7], si pour lui, quand le pouvoir se sentira acculé, il fera ce qu’il a toujours fait quand le peuple bouge et le déborde, et plongera l’Algérie dans le désordre et la violence, faisant au moment propice toutes sortes de bonnes concessions et de beaux cadeaux pour imposer la paix sociale,
Comme j’aimerais qu’il eût tort…
Voilà.
Il est candidat.
Oyez, Oyez, bonnes gens, une lettre supposément écrite de sa main est lue, contant fleurette aux niais. Qui n’existent plus.
Eux, les algériens et les algériennes, ne s’arrêteront plus : ils disent non à la mort programmée de leur patrie. Non à ce cinquième mandat. Non à la confiscation de leur destin. Non définitivement à ce statut d’otages.
Ils ont rendez-vous avec l’histoire.
Et ils le font encore avec humour : brandissant ce cachir, saucisson à base de bœuf et/ou de volaille, devenu symbole-anti-corruption. Le cachir, symbole de ce que beaucoup d’Algériens appellent chitta, soit la soumission zélée au pouvoir : ce temps-là est ré-vo-lu, nous disent-ils : il est fini, le temps où, pour attirer le chaland dans les meetings, les organisateurs leur offraient des sandwichs au cachir et une petite somme d’argent[8].
Voilà. Si sept autres petits candidats ont déposé un dossier dont le général à la retraite Ali Ghediri, ancien proche du pouvoir, et malgré les promesses du Président,
Pour info, Nadia Madassi, la journaliste qui a lu la lettre du Président, vient d’annoncer son retrait volontaire de la présentation du JT.
Le coup de force d’Abdelaziz Bouteflika n’a convaincu personne…
L’exécutif algérien réfléchirait à la pertinence de repousser la date de l’élection, fixée au 8 avril 2019[9].
Le ministère des Affaires étrangères français a réagi ce lundi 4 mars, lors d’un point presse : C’est au peuple algérien qu’il appartient de choisir ses dirigeants et de décider de son avenir, a déclaré le Quai d’Orsay.
Un Collectif dit des jeunes engagés demande l’annulation de l’élection présidentielle d’avril 2019… Mais encore la démission du Président et son gouvernement.
Quelle réponse sera donnée en mondovision à l’intelligence collective du peuple algérien ? Ce pouvoir qui ne peut plus prétendre lui servir de représentant va-t-il céder la place.
La morale est-elle convocable sur demande…
Algérie, le monde regarde ton peuple.
Il observe et entend sa mobilisation exemplaire.
Il sait et sent qu’il se passe là un moment clé.
Sarah Cattan
[1] Vous partez ou bien nous partons.
[2] Meursault, contre-enquête.
[3] Le Figaro.
[4] 1992.2002.
[5] Pacifique.
[6] Le Parisien.
[7] Le Figaro.
[8] Ce fut ainsi encore récemment, lors de la campagne présidentielle en 2014 pour le quatrième mandat de Bouteflika.
[9] ObservAlgérie.
Rassurez-vous, mutter Europe sera toujours là pour mettre des étiquettes “produits de colonies Israëliennes” sur des exportations agricoles Israëliennes et nous diriger en tout, avec l’aide bienveillante de la CEDH et de la CJUE. Les méchants populistes britanniques, qui nous font si peur, ont signé un accord commercial (cf Israel Valley) de pre-Brexit avec Israël et retrouvera sa liberté de ne pas suivre le triste exemple de la France.
Pour le reste, nous avons suffisamment de problèmes en France et le feu follet Macronien n’est pas la flamme républicaine qui éclairait l’Europe.