Tribune Juive

Antisémitisme : la convergence des sales cons ( Revue des Deux Mondes )

Quelques heures avant d’être violemment pris à partie et insulté par des « gilets jaunes » aux cris de « Sale sioniste de merde ! Casse-toi ! », « Sale Juif ! », « Palestine ! », « Rentre chez toi à Tel-Aviv ! », Alain Finkielkraut expliquait dans une interview au Figarovox les raisons de sa prise de distance avec le Mouvement des « gilets jaunes ». Après avoir été sensible à la détresse de ces « laissés-pour-compte de la nouvelle économie et des aides sociales », le philosophe regrettait que les choses se soient « très vite gâtées », faisant référence à l’arrogance du mouvement et à la présence d’antisémites dans les cortèges. Il concluait : « Dieudonné et Soral ont fait un rêve : agréger une France black-blanc-beur autour de la haine des Juifs. Ce rêve risque d’autant plus d’être notre cauchemar que nous vivons à l’ère des réseaux sociaux. Dans ce nouveau monde, les inhibitions sont levées, chacun se lâche et vient pêcher, en guise de vérité, le mensonge qui comble son attente. »

 

« Circonscrire les récents actes antisémites au mouvement né sur les ronds points, pour mieux le délégitimer et évacuer une fois de plus la problématique de la France périphérique, serait injuste. Mais ce serait surtout une erreur. »

Ce cauchemar est désormais une réalité. Dans la France de 2019, une partie non négligeable des Français est en train de réaliser une effrayante convergence antisystème, dont le point commun idéologique est l’antisémitisme.

L’antisémitisme actuel n’est pas seulement l’émanation des « gilets jaunes » ou d’une partie des « gilets jaunes ». Circonscrire les récents actes antisémites au mouvement né sur les ronds points, pour mieux le délégitimer et évacuer une fois de plus la problématique de la France périphérique, serait injuste. Mais ce serait surtout une erreur. Car la réalité est bien pire. L’antisémitisme concerne aujourd’hui au moins 22 % des Français. Ceux qui sont « d’accord » avec « l’existence d’un complot sioniste à l’échelle mondiale », chiffre révélé par l’enquête de Conspiracy Watch et de la Fondation Jean-Jaurès sur le complotisme.

L’existence d’un complot sioniste à l’échelle mondiale EST une caractéristique de l’antisémitisme. La théorie est née avec la publication du Protocole des Sages de Sion, un « faux » forgé par la police secrète du tsar au début du XXe siècle qui « révélait » un projet secret sioniste de domination du monde. Depuis elle n’a cessé de se diffuser. Elle séduit à l’extrême gauche comme à l’extrême droite. Elle maquille d’antisionisme, plus « présentable », une haine des Juifs, seul peuple au monde auquel on interdit d’avoir une terre. Car l’antisionisme n’est pas une critique politique. Ce n’est pas la dénonciation de telle ou telle mesure d’un gouvernement israélien. C’est un principe : Israël, foyer des Juifs depuis trois mille ans, doit disparaitre définitivement de la surface de la Terre car c’est une plaie et une humiliation pour les Palestiniens et les pays arabes.

Des Palestiniens dont la cause est devenue en trente ans une cause islamiste et non plus une lutte de libération nationale. Un djihad devant rassembler tous les musulmans du monde contre Israël, les Juifs, les États-Unis et les démocraties occidentales « islamophobes », au premier rang desquelles la France.

« De quoi ce “chez nous” est-il le nom ? »

Ce discours est distillé en permanence dans les banlieues via les télés satellites, via les chaînes idéologiquement contrôlées par les Frères musulmans, via les prêches salafistes sur internet. + 74% d’actes antisémites en France en 2018. On s’habitue…

« Retourne à Tel Aviv », « On est le peuple et on est chez nous », « Dieu te punira », a hurlé le forcené « gilet jaune » à la tête d’Alain Finkielkraut le 16 février. L’homme connu des services de police appartient à la mouvance islamiste salafiste. Ce que laissait suggérer son « Dieu te punira », qui ne fait pas partie du champ sémantique des identitaires ou de l’extrême droite.

De quoi ce « chez nous » est-il le nom ? D’une terre pure délivrée des Juifs, comme la Seine Saint-Denis, désormais « Judenraus », et dont les habitants juifs ont opté pour l’alya intérieure c’est-à-dire un déménagement dans un autre département ? De quel « peuple » parle-t-il ? Un peuple fétichisé, ayant tous les droits, toutes les excuses et toutes les audaces puisqu’il est le peuple et qu’il a forcément raison ? Un peuple qui s’acharne sur un juif imaginaire, bouc émissaire de tous les problèmes ? À moins qu’il n’ait en tête le peuple de l’islam ? Car s’il est salafiste, il souscrit à l’idée du djihad permanent, de la conquête voulue par le prophète des terres des mécréants et de leur soumission, tôt ou tard, à la loi islamique ? De quel délire relèvent ses propos ?

« Au sein des rangs des “gilets jaunes”, s’exprime, à la marge mais bien visible, une convergence des antisémites de toutes obédiences. »

Mohamed Louizi, ancien Frère musulman ayant quitté la confrérie dont il dénonce aujourd’hui les agissements*, a décrypté, sur son site Ecrire sans censure, le positionnement de la mouvance islamiste face aux « gilets jaunes ». Il cite un édito paru le 23 novembre sur le site islamiste Islam&Info, proche des Frères musulmans, intitulé « Oui il faut être des gilets jaunes ! ».

On peut y lire : « Il nous appartient donc à nous muslim de réimpulser une contestation politique intégrale de l’American Way of Life. Il nous faut faire mentir Fukuyama et prouver au monde que l’histoire n’est pas encore finie […]. À nous donc de donner un sens politique à cette révolte. Le but n’est donc plus de contester simplement cette hausse des taxes mais bien ce système politique qui l’induit. Et pour qui douterait encore, qui de plus légitime que le muslim politique assumant sa fonction de réveil des masses et de refus de l’oppression comme avant-garde de cette révolte ? Ne possédons-nous pas dans notre logiciel originel même [l’islam] cette contestation de la société de consommation basée sur l’exploitation des masses par un système financier reposant sur l’usure et la spéculation ? Ce n’est donc pas pour contrer l’extrême droite ou encore pour nous ranger derrière d’autres que nous nous devons de soutenir ce mouvement. Mais c’est bien pour accomplir en plein jour les objectifs primordiaux de notre logos [l’islamisme] que nous devons nous lever pour la justice sociale et contre ce système oppressif ». Et le texte de s’achever sur : « Cette révolte sera ce que l’on en fera … Alors oui il faut être des gilets jaunes ! »

Qu’en conclure ? Qu’au sein des rangs des « gilets jaunes », s’exprime, à la marge mais bien visible, une convergence des antisémites de toutes obédiences. À l’image de la France, où s’expriment désormais, de plus en plus ouvertement, des antisémites de toutes obédiences.

« Quand donc l’extrême gauche arrêtera de se voiler la face ? Pas tout de suite. »

Les islamistes (hors djihadistes), dont l’idéologie et les discours antisémites ne cessent de grandir en influence dans les banlieues, y compris auprès des non musulmans ; les identitaires, proches du site Égalité et réconciliation d’Alain Soral ; sans oublier la sphère de Dieudonné, dont la dernière vidéo en date du 13 février ne décevra pas ses fans. Après avoir ironisé sur les larmes de Castaner face à deux arbres coupés (référence à la vandalisation du mémorial en l’honneur de Ilan Halimi), il dénonce le combat obsessionnel contre l’antisémitisme des « putes des médias et du show-biz » et conclut par : « Il vaut mieux se séparer. Revenir à une France coupée en deux. Une partie occupée par les banques, les intellos, la république. Et l’autre, la France libre, avec un gouvernement par exemple à Vichy. Parce qu’on ne pourra pas vivre ensemble très longtemps. Et les médias, c’est pareil… Drahi franco-israélien vend l’Express à Weil, c’est quoi ces médias subventionnés avec nos impôts ?… »

La petite musique antisémite qui diffuse, qui diffuse… Relayée par tous les islamo-gauchistes, idiots utiles de l’antisémitisme, qui minimisent, relativisent l’agression dont a été victime Alain Finkielkraut. Comme ils minimisent et relativisent toute l’entreprise idéologique de l’islam politique.

Ainsi ce tweet de Thomas Guénolé, politologue de la France insoumise, qui dénonce, dès la première ligne, la haine… que répand Alain Finkielkraut. Quand donc la France insoumise en aura-t-elle fini avec ses démons islamo-gauchistes, indigénistes, intersectionnels, racisés, qui font le lit du racisme et de l’antisémitisme ? Quand donc l’extrême gauche arrêtera de se voiler la face ? Pas tout de suite. Elle est trop occupée à répandre, ici et à l’étranger, la haine de la France, « dictature fasciste » qui, dit-elle, « gaze » ses manifestants. Les cons ça ose tout.

Valérie Toranian, revuedesdeuxmondes.fr

* Auteur de Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans, Michalon.

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