L’antijudaïsme contemporain a des causes précises et ne peut être combattu de façon efficace qu’en faisant connaître et comprendre le mariage séculaire des Juifs et de la nation française, fait valoir l’historien*.
LE FIGARO. – Le président a pointé qu’à côté d’un antisémitisme traditionnel «se déploie un antisémitisme fondé sur un islamisme radical, cette idéologie qui gangrène certains quartiers». Bien souvent, l’antisionisme fait office de «masque» à la haine du Juif, a-t-il ajouté. Partagez-vous son analyse ?
Georges BENSOUSSAN. –C’est une bonne chose qu’Emmanuel Macron ait prononcé ces mots. À cet égard, comme à d’autres, rendons-lui cet hommage de n’avoir pas manqué de courage, comme lors de la commémoration du Vél’ d’Hiv’ en juillet 2017, quand il évoquait l’antisionisme, mais aussi le meurtre de Sarah Halimi, commis cette année-là. Pour autant, ramener cet antisémitisme au seul islamisme est une impasse. Si, à l’évidence, les milieux musulmans gagnés par le salafisme sont les porteurs d’un antisémitisme virulent, on ne peut oublier une certaine culture populaire du Maghreb dont plusieurs expressions du quotidien sont nourries d’antijudaisme. On ne peut occulter cette dimension qui a contribué à lever les interdits en matière d’expression de la haine antisémite.
Le chef de l’État a annoncé que la France intégrera
l’antisionisme à sa définition de l’antisémitisme. Est-ce judicieux?
L’antisionisme n’a rien à voir avec la critique de la politique de l’État d’Israël. C’est la forme convenable de l’antijudaïsme, comme l’expliquait il y a cinquante ans déjà Vladimir Jankélévitch. En déniant à l’État juif toute légitimité, on revient sur son droit à exister et l’on prépare sourdement les esprits à sa disparition. Faut-il légiférer? Ce serait, me semble-t-il, tomber dans le piège de l’antisémite. Quoi de plus adéquat que la violation de la loi pour se poser en rebelle? Légiférer pour faire d’une opinion un délit, quand il n’y a pas d’appel explicite à la violence, fera le miel des complotistes et des antisémites. Criminaliser l’antisionisme, comme on l’a fait pour le négationnisme sans prêter assez d’attention à l’époque aux arguments d’un Pierre Nora, par exemple, c’est fabriquer des figures de martyrs et de dissidents.
Source et article complet : lefigaro.