Adel Djemai, qui incarne un chanteur français gay dans la série israélienne « Douze points » en dit plus sur son personnage et dissipe toute polémique.
« Douze points ». C’est la note maximale que l’on peut obtenir d’un jury à l’Eurovisionet c’est aussi – en français dans le texte – le titre d’une série humoristique israélienne qui défraye la chronique ces derniers jours. La fiction, qui met en scène un chanteur français, gay et d’origine maghrébine qui représente la France au concours de chansons à Tel Aviv, n’est pas sans rappeler la réalité et Bilal Hassani qui défendra les chances tricolores en Israël au mois de mai. Le hic, c’est qu’il est aussi question d’un projet d’attentat commandité par Daesh.
La France aurait menacé de boycotter l’événement, avançaient mercredi des médias israéliens. « Pas de fausse polémique », répondait dans la foulée France Télévisions, assurant que cette série n’était qu’un sujet de discussion parmi d’autres avec la chaîne israélienne KAN, qui a prévu de diffuser Douze points quelques jours avant la finale du concours qu’elle organise cette année. Pour en savoir davantage – et y voir plus clair – sur cette série qui alimente les fantasmes, 20 Minutes a joint par téléphone Adel Djemai, l’acteur français qui incarne le héros, TJ.
Beaucoup de choses ont été dites dans les médias sur le personnage que vous incarnez dans « Douze points ». Qui est-il ?
Mon personnage est un jeune chanteur français, d’origine maghrébine, homosexuel et qui va représenter la France à l’Eurovision à Tel Aviv. Il se retrouve malgré lui dans une histoire d’attentat commandité par Daesh. Voilà le point de départ de l’histoire, contrairement à ce que j’ai pu lire dans plusieurs médias, il ne s’agit pas d’un « terroriste qui se déguise en gay pour commettre un attentat à l’Eurovision ».
Au regard de la bande-annonce, il semblerait que ce soit un autre protagoniste qui ait des intentions terroristes…
Je ne peux pas trop en dire, mais mon personnage retrouve un ami d’enfance, qu’il n’a pas vu depuis dix ans, qui le recontacte en lui disant qu’il doit aller aider un pote emprisonné à Tel Aviv et qu’il a besoin d’une couverture pour entrer sur le territoire israélien. On ne laisse aucun choix à mon personnage, il est menacé et doit céder à un chantage. On ne lui dit à aucun moment qu’il s’agit de perpétrer un attentat. Il ne faut pas oublier que cette série est avant tout une comédie dans laquelle tout le monde en prend pour son grade : mon personnage, Daesh, les agents du Mossad [l’une des trois agences du Renseignement de l’Etat hébreu] dépeints comme des idiots. On part de sujets sérieux pour les amener vers quelque chose de drôle, c’est du cinquantième degré.
Comprenez-vous que l’annonce de la diffusion de cette série suscite une certaine émotion en France ?
Je n’ai pas nécessairement envie de m’exprimer sur la position de la France. France Télévisions dément avoir eu l’intention de boycotter l’Eurovision en Israël. Si France 2 décidait vraiment de ne pas participer, je trouverais ça dommage. Où est la liberté d’expression et le second degré ? On a le droit de traiter de sujets délicats avec humour. A la question « Peut-on rire de tout ? », je réponds oui. Après, il y a l’art et la manière. Ceci dit, effectivement, si on dépeint mon personnage comme « un terroriste qui se déguise en homosexuel pour faire exploser une bombe à l’Eurovision », je peux comprendre qu’il y ait de l’émotion, pour reprendre votre mot, ou des craintes sur le sujet. Je pourrais comprendre que la France craigne l’amalgame entre Bilal Hassani et mon personnage dans la série.
Justement, ce sont les similitudes entre votre personnage et Bilal Hassani qui semble faire grincer certaines dents…
Douze points a été mis en chantier en juin 2018, un mois après la victoire de Netta Barzilai à l’Eurovision. Les auteurs, qui viennent de la pub et signent ici leur premier scénario pour la télé, l’ont écrite dans la foulée. Les castings ont été lancés en septembre et je suis arrivé sur le projet fin novembre. A l’époque, on ne savait pas du tout qui était Bilal Hassani. Quand sa participation à Destination Eurovision a été annoncée début décembre, on était en plein tournage et on a tous été surpris de voir qu’il avait des traits communs avec mon personnage : le fait d’être un chanteur, d’origine maghrébine et ouvertement gay. C’est du pur hasard et j’insiste bien sur le fait que les points communs s’arrêtent là.
Comment avez-vous réagi en découvrant que Bilal Hassani allait représenter la France à l’Eurovision ?
J’ai dit aux auteurs : « Mais vous êtes visionnaires ou quoi ? » Comment ont-ils pu inventer un tel scénario sans le connaître ? J’ai trouvé ça très drôle.
« Douze Points » doit être diffusé à la télévision israélienne dans les jours précédant la finale…
Je pense, contrairement à ce que peuvent craindre les Français, que ça ne peut faire que du bien à Bilal Hassani. Le but n’est pas d’aider le candidat français à l’Eurovision, mais il est vrai que mon personnage est sympa, attachant, loin d’être un bad boy.
Souhaiteriez-vous rencontrer Bilal Hassani ?
Ce n’est pas une priorité pour moi mais, si l’occasion se présente, je serai heureux de le rencontrer. Bilal Hassani fait son petit bout de chemin. J’ai beaucoup d’affection pour lui. J’espère qu’on va enfin gagner l’Eurovision grâce à lui, parce que cela fait depuis 1977 qu’on attend ça !
Un dernier point sur « Douze Points »
« Douze Points » est une série humoristique en trois épisodes créée par Asaf Zelicovitch et Yoav Hebel. Elle a été tournée cet hiver entre Paris et Tel Aviv. Adel Djemai, qui incarne TJ, le personnage principal, joue en français et en anglais. Une partie des répliques des autres personnages sont en hébreu. « J’espère que cette série sera diffusée en France, confie l’acteur français. Elle a de quoi susciter un réel intérêt à l’international. »
Propos recueillis par Fabien Randanne, 20minutes.
Ce qui est sûr c’est que demain soir la 2 rediffuse “Les aventures de Rabbi Jacob” et que c’est toujours un plaisir renouvelé, le souvenir d’une époque où l’humour n’était pas tabou et où une simple comédie faisait beaucoup plus pour la lutte contre l’antisémitisme que toutes les manifs plus ou moins bidonnées et intéressées d’aujourd’hui.