En juin 2016, je vous faisais part de la divine surprise : je venais de refermer une pépite : Sotah Soupçon d’adultère[1], de Naomi Ragen. Ce papier pour Tribune juive m’avait valu les foudres de certains lecteurs[2] qui considéraient que j’offensais la réalité juive.
Moi, j’avais eu une pensée pour Ronit Elkabetz, aimant à croire qu’elle avait eu le temps de la faire, cette plongée dans le quotidien d’une famille juive ultra-orthodoxe de Jérusalem, tant le portrait de cette société fermée sur elle-même, le destin croisé de trois jeunes sœurs, me paraissait signe d’un scénario à l’exacte mesure de celle qui venait de nous quitter.
Si l’auteur de Sotah Soupçon d’adultère dépeignait avec une tendresse non feinte le quotidien d’une société solidaire et viscéralement attachée à ses valeurs, elle en dénonçait néanmoins sans la moindre complaisance les dérives, tout particulièrement celles dont les femmes étaient victimes.
Nous étions chez les Reich, famille juive ultra-orthodoxe de huit enfants, vivant modestement à Jérusalem. Le père, homme pieux et bon, consacrait sa vie à l’étude et à l’enseignement, pendant que la mère, une force de la nature, gagnait l’argent du ménage et tenait le foyer : il semble que cela fût souvent le cas lorsqu’on est femme de rabbin.
Nous, lecteurs, allions suivre trois destins à travers les histoires de Dvora, Dina et Haya Léa Reich, jeunes filles dont les vies allaient emprunter des chemins bien différents.
Dès les premières pages, le mariage de l’ainée se profilait : Dvora a déjà vingt ans et il n’est que temps. Elle épousera cet homme peu attirant et qu’elle ne désire pas, mais qu’elle respecte pour ses qualités et sa bonté. Avec le temps, elle apprendrait à le connaître et à l’apprécier, suivant le chemin tout tracé de ces bons mariages arrangés. Elle mènera une vie sans histoire, une vie de femme docile et soumise, faite de grossesses à répétions, bref la vie d’une mère de famille orthodoxe. Acceptant son sort, Dvora sera peut-être heureuse et peut-être même qu’elle finira par l’aimer, ce mari qu’on a choisi pour elle.
Dina est la cadette. Elle est la plus douce, la plus jolie. Cette jeune fille ravissante et fragile devra pourtant se résigner à ne pas épouser celui qui partage ses sentiments, car l’affaire entre les deux familles ne pourra se conclure, faute d’argent. Depuis, Dina a changé et c’est une jeune fille résignée et taciturne qui épousera, à l’âge de dix sept ans, sans le moindre enthousiasme, Judah Gutman, un menuisier de vingt-six ans, un homme bâti comme une armoire à glace, aussi habile et délicat avec ses mains que gauche avec son corps et maladroit avec ses mots.
Loin de deviner la gentillesse, voire la finesse, de cet époux en apparence rustre, la jeune épouse se laissera vite éblouir et séduire par les paroles de Noah Saltzman, voisin peu scrupuleux, homme marié et membre de la même communauté.
Voilà qui pourrait être de l’ordre du non-événement si les jeunes gens n’appartenaient au milieu juif ultra-orthodoxe de Jérusalem. Ce milieu où tout se sait, où la pudeur et les bonnes mœurs sont règles non négociables de la vie communautaire. Où l’un et l’autre seront rapidement repérés…
Dina sera dénoncée pour adultère, accusée puis menacée par la Brigade des mœurs qui sévit clandestinement dans son quartier et fera basculer sa vie : sous la pression, et pour éviter qu’un scandale jetât l’opprobre sur sa famille, elle sera contrainte de quitter les siens sans un mot et s’exilera aux Etats-Unis, où elle sera l’aide ménagère d’une famille juive moderne et assimilée qui tourna depuis longtemps le dos aux pratiques religieuses.
Malgré la gentillesse de cette famille d’accueil qui ignorait tout de son histoire, Sotah peinera à vivre dans cette société individualiste, tournée vers la consommation et les loisirs, cette société radicalement différente de celle dont elle est issue et qui mettra si durement à l’épreuve ses convictions. Elle ne pourra pas non plus soutenir sa sœur Haya Léa, la rebelle de la famille, lorsque celle-ci, éprise du fils du poissonnier, un hassid[3] d’un autre courant religieux et qui entend bien faire son service militaire, s’opposera aux vœux que ses parents formaient pour elle.
Inspiré d’une histoire vraie, Sotah fait pénétrer le lecteur au cœur d une communauté vivant au rythme de rites ancestraux, dans le respect scrupuleux des commandements de La Bible, ces communautés juives orthodoxes de Jérusalem que l’auteur, elle-même née au sein d’une famille juive orthodoxe, connaît si bien, ce monde fermé avec ses histoires de jeunes filles religieuses et très chastes, ses mariages plus ou moins arrangés, ses conflits entres communautés opposées, ses dérives enfin dont les femmes sont les premières victimes.
L’histoire de Dina Reich m’a été inspirée par un article paru dans un quotidien israélien, écrivit Naomi Ragen. Une femme ultra-orthodoxe évoquait son adultère avec un homme marié et religieux qui était son voisin. Elle parlait du plaisir qu’elle avait trouvé, de son sentiment de culpabilité et de la découverte de cette liaison par la Brigade des mœurs. Elle avait été chassée de chez elle sans un sou et séparée de ses enfants. Cette histoire m’a remplie de terreur et d’étonnement. Ce qui suscitait mon intérêt n’était pas tant les détails de cette relation, que le fait qu’une jeune femme religieuse, soigneusement éduquée dans les sacrosaintes rues de Jérusalem, ait pu se trouver dans cette situation. Je me demandais aussi s’il y avait dans ce monde un pardon pour une femme comme elle, de la compassion pour sa faute humaine et un moyen quelconque de regagner ce qu’elle avait perdu. Sotah est ma façon de faire cette enquête.
LE RITUEL DE L’EAU AMÈRE
Pour ceux qui, comme moi à l’époque, l’ignoreraient, des groupes clandestins, les brigades de la pudeur, imposent par la violence leur ordre moral – codes vestimentaires dits code de modestie, comportements –dans les quartiers ultra-orthodoxes de Jérusalem et prétendent aujourd’hui encore lutter contre les mœurs dissolues et les influences extérieures. Ils se sont donné le nom de sicaire en référence à un groupe de Juifs zélotes du Ier siècle et même si la majorité des ultra-orthodoxes désapprouve ces débordements, jugeant cette instrumentalisation de la religion injustifiable et contraire au judaïsme, la police israélienne rencontre de grandes difficultés à enquêter dans ce milieu fermé fait de milices illégales et où règne l’omerta.
J’ignorais aussi que le terme Sotah désignait un traité entier du Talmud, consacré aux femmes soupçonnées d’adultère. Une Sotah pouvait voir ce soupçon levé grâce à un rituel spécifique, le rituel de l’eau amère. Des Mishnayot sont consacrées pour l’essentiel à une définition exacte des règles de procédure dans le cas d’une femme réellement ou prétendument infidèle : par exemple, la femme devait avoir les cheveux desserrés pendant le rituel de l’eau amère, cela étant considéré comme un symbole de la prétendue honte de la femme, et la Mishna disait encore que les vêtements de la femme devaient laisser voir sa poitrine nue. Beaucoup ont considéré cette épreuve comme une méthode de pression sur la femme et la pratique a été abolie dans le courant du premier siècle sous la direction de Yohanan Ben Zakai, au motif que les hommes de sa génération n’étaient pas au-dessus du soupçon d’impureté.
Installée aujourd’hui à Jérusalem avec son mari, Naomi Ragen, écrivain engagée, s’implique dans les problèmes sociétaux rencontrés par les familles juives rigoristes et à cet effet, elle fait se confronter ces deux mondes, le monde juif orthodoxe et le monde moderne des Juifs américains libéraux.
Cette militante active de l’égalité des sexes et des droits de l’homme se bat inlassablement contre la séparation des hommes et des femmes que les plus intransigeants veulent instaurer dans les autobus des quartiers ultra-orthodoxes, combat qui a été relayé dans la presse internationale et lui a valu le surnom de Rosa Park israélienne.
Si Sotah Soupçon d’adultère, c’est un peu Orgueil et préjugés à Jérusalem, dans la mesure où chez Jane Austen aussi, à travers le portrait sensible et attachant de jeunes filles en fleurs de la rigide société anglaise au tournant des XVIIIème et XIXème siècle, se posait la douloureuse problématique d’être une femme dans une société régie par les dogmes et les traditions, le sujet choisi par Ragen Naomi reste hélas toujours d’actualité : triste ironie de l’histoire, Sotah avait pris en juin 2016 figure humaine avec le suicide d’Esti Weisman, une femme orthodoxe: une lettre qu’elle laissa expliquait son geste… Pour avoir décidé de sortir de cet enfermement, elle avait vu ses enfants la répudier. Son enterrement fut à la fois laïc et religieux.
Pourquoi le livre audio ? S’il comble les non voyants et les personnes âgées, ce mode de lecture basé sur l’écoute séduit un public de plus en plus large.
Sotah Soupçon d’adultère. Naomi Ragen. Editions Yodea. 1992. Traduction française de Véronique Perl-Moraitis en 2009.
Sarah Cattan
Livre audio. Lu par Claire Cahen. 18h30 d’écoute. Editions Yodea. 2018.
[1] Sotah Soupçon d’adultère. Naomi Ragen. Yodea éditions.
[2] « Un peu de modestie et de remise en question de toute cette attitude journalistique qui n’est autre que de la presse à scandale, vous aurait fait prendre du recul et avoir de la circonspection sur toutes ces informations.
Le monde « ultra-orthodoxe » (allez savoir qui cela désigne…!) a certes ses imperfections, ses doutes, ses faits divers sordides mais de là à braquer la caméra sur ces travers s’apparente à de la diffamation »
[3] Les Hassidim, chez les Loubavitch, sont appelés allumeur de réverbères : ils doivent éclairer le chemin pour d’autres. Ils sont un des sous-groupes des Harédim, ultra-orthodoxes dispensés du service militaire. Source Akadem.org
Parlons de loi d’abord :
Concernant l’adultère :
– « Si un homme commet un adultère avec une femme mariée, s’il commet un adultère avec la femme de son prochain, l’homme et la femme adultères seront punis de mort. » (Lév. 20, 10).
L’adultère est considéré comme une souillure, une infamie… (Jérémie 23, v. 10, 14, 23)
Concernant les eaux amères quand SOUPÇONS d’adultère :
Il est question ici d’un traité entier du Talmud. Or, dans la Bible, Dieu a déjà légiféré le rituel : « … si le mari a des soupçons sur sa femme (…) cet homme amènera sa femme au sacrificateur et apportera en offrande pour elle (…) » Nombres 5, v. 11-31)
Ensuite, pour abréger :
Le sacrificateur prend de l’eau sainte dans laquelle il met de la poussière du sol du tabernacle : ce sont LES EAUX AMERES qui apportent la malédiction.
Il découvre la tête de la femme et place dans ses mains l’offrande.
Il fait jurer cette femme en prononçant la malédiction… puis elle boit LES EAUX. La malédiction produira ses effets (notamment stérilité) sinon, sans effets, la femme sera reconnue innocente. « Telle est la loi sur la jalousie (…) pour le cas où un mari (…) a des SOUPÇONS sur sa femme : le sacrificateur la fera tenir debout devant l’Eternel et lui appliquera cette loi dans SON ENTIER (…) la femme portera la peine de son iniquité. »
Ici pas question de dénudement de la poitrine de la femme ! Ni d’ailleurs d’une « brigade de mœurs » ou « de pudeur » mais de l’intervention obligatoire d’un SACRIFICATEUR !
Or cette loi ne pouvant s’appliquer dans SON ENTIER, elle ne peut donc tout simplement PAS S’APPLIQUER DU TOUT. Par conséquent ces communautés juives orthodoxes (ultra ou non) ne vivent pas, contrairement à ce qui est dit ici et à ce qu’elles croient elles-mêmes, dans le respect scrupuleux des commandements de la Bible mais bien dans des formes de règles humaines bricolées qui jugent INJUSTEMENT et de manière PARTIALE et OBSOLETE.
Injustement et partialement : seule la femme est jugée alors qu’elle n’a pas commis l’adultère toute seule, et on observe de toute évidence des partis pris en faveur de l’homme adultère…
Obsolète : Cette loi ne peut plus être appliquée DANS SON ENTIER déjà parce que la sacrificature en lien avec le Temple de Dieu a disparu avec lui…
Donc quel JUSTE jugement DIVIN dans ce cas de figure AUJOURD’HUI ? Quelle réponse au questionnement toujours actuel de l’auteur : « Je me demandais aussi s’il y avait dans ce monde un pardon pour une femme comme elle, de la compassion pour sa faute humaine et un moyen quelconque de regagner ce qu’elle avait perdu. » ? On peut voir ensemble ?
« Si un homme commet un adultère avec une femme mariée, s’il commet un adultère avec la femme de son prochain, l’homme et la femme adultères seront punis de mort. » (Lév. 20, 10).
Ça c’est de l’égalité homme femme !
Voyons la réponse à la question de l’auteur à partir d’une situation BIBLIQUE qui se passe 40 ans avant la destruction du Temple (en 70) :
« Jésus (…) alla de nouveau dans le temple, et tout le peuple vint à lui. S’étant assis, il les enseignait. Alors les scribes et les pharisiens amenèrent une femme surprise en ADULTERE et, la plaçant au milieu du peuple, ils dirent à Jésus : Maître, cette femme a été surprise en FLAGRANT DELIT D’ADULTERE. Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes : toi donc, que dis-tu ? (…) Comme ils continuaient à l’interroger, il se releva et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. (…) Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, depuis les plus âgés jusqu’aux derniers ; et Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu. Alors s’étant relevé, et ne voyant plus que la femme, Jésus lui dit : Femme, où sont ceux qui t’accusaient ? Personne ne t’a-t-il condamnée ? Elle répondit : Non, Seigneur. Et Jésus lui dit : Je ne te condamne pas non plus : va, et ne pèche plus. » (Yohanan-Jean 8 v.1-11)
«Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes », disent-ils.
Or on a vu que cette loi concerne l’un ET L’autre adultères. Le délit est flagrant alors où est l’homme ?! De toute évidence, à l’instar des brigades de mœurs, ces hommes ont transformé la loi en ne voulant l’appliquer qu’à la femme seule. Ce que leur conscience, à la parole de Jésus, les empêchera de faire.
Par ailleurs, la femme, qui se savait fautive et méritant son châtiment, repart, sur la parole de Jésus, libre de toute condamnation, c-à-d dans la PAIX par rapport à son péché. Or…
Or le fait demeure : La loi a été violée et exige pour prix du péché la MORT ! « La loi doit être appliquée dans son ENTIER », c’est la loi ! Donc que se passe-t-il au moment où Jésus LIBERE cette femme de sa condamnation à MORT, par le pardon de son péché, sachant pertinemment que la MORT reste le prix à payer pour l’expiation de ce péché ?
Eh bien, à ce moment précis, Jésus accomplit ce qu’Esaïe a prophétisé 700 ans auparavant au sujet du Messie souffrant : « Cependant, ce sont nos péchés qu’il a portés, il s’en est chargé ; et nous l’avons considéré comme puni, frappé de Dieu, et humilié. Mais il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités ; LE CHÂTIMENT QUI NOUS DONNE LA PAIX EST TOMBE SUR LUI et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. » (chap. 53, v. 4-5).
À ce moment précis Jésus devient le bouc-émissaire-victime expiatoire de cette femme dont il prend sur lui le péché d’adultère pour lequel il va être CHÂTIE à sa place en mourant quelque temps plus tard à la croix de Golgotha.
« Le CHÂTIMENT qui me donne la PAIX est tombé SUR LUI » : c’est bien ce que cette femme a pu dire pour l’avoir parfaitement expérimenté.
Pour Dina, il peut en être de même : Plus de sotah mais la reconnaissance de son péché pour recevoir la paix du pardon divin sur la base de la foi dans le sang versé par Jésus, Messie d’Israël, envoyé par le Dieu compatissant pour sauver et permettre un nouveau départ, c’est ce qui s’appelle la « bonne nouvelle » (en grec : Evangile)…