Bon
Mercredi
Noël
Elle a environ 3 ans.
Elle a posé ses petits chaussons devant le sapin de Noël en se demandant comment le Père Noël va réussir à loger tous les cadeaux demandés dans ce minuscule espace.
Elle craint un peu qu’il se décourage.
Papa explique que le Père Noël est un grand débrouillard, qu’il se sort de toutes les situations et qu’en l’occurrence il ne va pas faire exception a la règle.
Il ne dit pas en l’occurrence parce qu’il ne parle pas très bien le français..
Il dit juste t’inquiète pas ketzeleh.
La nuit a été agitée. Des soubresauts d’excitation et d’angoisse ont rythmé ces heures si longues..
Elle a eté assez sage, plutôt obéissante.
Bon, elle n’a pas mangé grand chose, ce n’est pas sa faute, elle n’a jamais faim.
Maman crie: tu crois que le Père Noël va passer pour gâter une petite fille qui ne finit pas son yaourt ?
Je te garantis que non.
Garantis.
C’est un mot très sombre qui entrebaille la porte de la peur.
Le yaourt reste au bord des lèvres, il ne glissera jamais jusqu’au gosier clos.
Elle pleure.
Maman, excédée, arrache l’assiette dans laquelle elle a vidé le yaourt ( pourquoi ? Ça restera un mystère), serre fort le bras de l’enfant, la fait brutalement descendre de sa chaise.
Tu vas voir, les jouets…
Elle passe l’index sous son nez.
Le message est terrifiant…
Il justifie la nuit spasmodique.
Le jour se lève enfin et Papa vient la chercher.
La porte de l’atelier est fermée. Il n’y a pas encore de salon, l’appartement est essentiellement dedié au travail du schneider…
Papa lui tient la main, la regarde, lui fait un clin d’œil…
Elle retient son souffle.
Elle n’a jamais tremblé autant.
Il ouvre délicatement la porte…
La rutilance des couleurs lui cogne la rétine.
Ça scintille de partout…
La patinette rouge jette des paillettes sur ses yeux écarquillés…
Un immense landau laqué de gris perle ronronne entre deux poupées qui sourient dans leur boite rose.
Leurs yeux azur dévisagent l’enfant qui peut à peine respirer…
Des vêtements de poupée jonchent le sol et cohabitent avec une boîte de peintures qui chatoient sous la lumière violente du plafonnier…
Des livres…
D’autres jouets…
Les images se télescopent, l’émotion est si puissante qu’elle en a le souffle coupé.
Elle reste pétrifiée…
Une onde de bonheur cascade sur ses yeux , dans son corps ,l’engloutit et manque lui faire exploser le coeur…
IL est venu…
Malgré les remontrances, les menaces, les blâmes,malgré des claques non contingentées, malgré…
Il est venu.
Mieux, il a pensé à tout, il n’a rien oublié…
Papa explique qu’on trouve là les largesses du Père Noël de Yoyo, la mécanicienne, d’Adrienne- dite Dienne, la coupeuse, de Michel, le presseur…
Elle ne demande pas si chacun possède un Père Noël perso,non, elle reprend son souffle et finit par s’approcher de ce qui ressemble à une manne celeste…
Une sorte de miracle flamboyant lui tatoue la mémoire sur laquelle il dessine des arabesques moirées …
Le regard de Papa lui tiédit l’âme..
Comment fait on pour ne pas exploser quand l’extase vous irradie et fait danser des tourbillons de confiance et de gratitude devant vos yeux émerveillés ?
C’était Noël …
Et les souvenirs flambent en contemplant le ravissement des enfants qui bondissent et hurlent d’allégresse…
C’était Noël…
Joyeux Noël à tous…
Que cette journée signe l’euphorie pure qui préside à la découverte de cette générosité omnisciente et omnipotente du Père Noël…
Une pensée algique pour les exclus, les malades, les interdits de ce bonheur festif…
Je vous embrasse
Michèle Chabelski
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