La  » quenelle  » antisémite de Dieudonné au menu des gilets jaunes, par Pascal Riché

Des manifestants ont chanté ce samedi matin 22 décembre, à Montmartre ce signe de ralliement antisystème mais aussi antisémite, popularisé par Dieudonné. L’humoriste antisémite peut jubiler.

Ce groupe de gilets jaunes a joyeusement entonné le chant de la quenelle, geste à l’appui. Musique : celle du chant des partisans. Parolier : Dieudonné. Le texte est d’une vulgarité crasse (“Manu la sens-tu / qui se glisse dans ton cul / la quenelle …”), mais là n’est pas le problème. Le problème, c’est que ce chant est un hymne antisémite codé et ceux qui l’ont entonné ne peuvent l’ignorer, sauf à avoir vécu ces dernières années sur une autre planète. Avec la quenelle, Dieudonné a inventé en 2005 le geste le plus provocateur qu’on puisse imaginer. Le bras droit tendu vers le bas, la main gauche touchant l’épaule droite, il était censé au départ signifier “on va leur mettre jusque là”. Une variante sodomite du bras d’honneur… Des commentateurs ont vu dans la quenelle une sorte de “salut hitlérien à l’envers”.

C’était à l’origine un rapprochement absurde, mais l’humoriste, comprenant le parti qu’il pouvait en tirer, ne s’est pas récrié. Lorsqu’il a présenté une “liste antisioniste” aux européennes de 2009, il faisait “la quenelle” sur ses affiches électorales. Et déclarait : « L’idée de glisser ma petite quenelle dans le fond du fion du sionisme est un projet qui me reste très cher. »

Le geste est devenu pour lui une façon d’afficher, sans le dire, son antisémitisme. Il joue alors avec l’idée, non sans délice. Pour mettre la quenelle en musique, le choix du  »Chant des partisans » (hymne de la résistance à l’occupation nazie) est un clin d’oeil à la période de la Shoah. Sans parler des « Quenelles d’or », ce prix que Dieudonné remet chaque année à des personnalités opposées à Israël ou au “sionisme”…

Et ça marche : à partir de 2013, le geste se répand, malgré les nombreuses récriminations, ou plutôt à cause d’elles. Plus il entraîne des réactions indignées (comme celle du président de la LICRA, qui le qualifie en 2013 de « salut nazi inversé signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah »), plus il devient viral, signe de ralliement affiché sur des selfies ou des vidéos postées sur les réseaux sociaux. Et à chaque fois qu’une personnalité est surprise en train de faire une quenelle (Jean-Marie Le Pen, Tony Parker, Nicolas Anelka…), le scandale rebondit.
Dieudonné fait mine de ne plus rien contrôler : « Aujourd’hui, cette formule magique ne m’appartient plus. Elle appartient à la révolution. Soyez subversifs, glissez des quenelles, désobéissez, faites chier ce système de merde?! » La mécanique est parfaite. Pendant ce temps, sa compagne Noémie Montagne déposé les marques « Quenelle » et « Quenelle + » à l’INPI, pour des produits dérivés. Il n’y a pas de petits profits.

Certes, celui qui aujourd’hui “fait une quenelle” s’affiche avant tout comme “anti-système” et non antisémite – ce qui était peut-être le cas chez les gilets jaunes à Montmartre. Mais c’est justement la confusion recherchée par Dieudonné (mais aussi par son ex-complice le rouge-brun Alain Soral, qui revendique la paternité du geste). Car dans l’imaginaire délirant des antisémites, ce sont les juifs qui tirent les ficelles du fameux système.

Juridiquement, la quenelle n’est pas susceptible de condamnation pénale, sauf dans certaines circonstances précises (devant une synagogue, par exemple, comme ce fut le cas à Bordeaux). C’est justement ce qui en fait la force. Mais aujourd’hui, après les très nombreux débats du début des années 2010 sur le sujet, personne ne peut être dupe de la charge antisémite que porte ce symbole, sauf peut-être les plus naïfs des naïfs.

Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, Dieudonné s’est rendu sur plusieurs ronds-points et manifestations. Il a été à chaque fois acclamé et aucun des porte-parole du mouvement ne s’est, à notre connaissance, offusqué. Sur Twitter, il collectionne les photos de gilets jaunes faisant son geste fétiche. Et sur sa boutique en ligne, ne perdant jamais le nord, il vend un “Gilet de haute visibilité ‘Macron la sens-tu la quenelle ?’”.

Pascal Riché
L’OBS

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