Le départ des troupes américaines de Syrie à sa juste proportion, par Freddy Eytan

La passion des journalistes et des observateurs l’emporte souvent sur la raison, surtout quand il s’agit d’analyser des relations bilatérales avec la France, la Russie ou l’Amérique. Ainsi, ils se focalisent automatiquement sur les relations personnelles entre Nétanyahou et les leaders de ces pays et celles-ci prévalent sur le contexte géopolitique et la réelle situation sur le théâtre des opérations.

Les commentaires alarmants et les grosses manchettes sur la « débâcle » des Etats-Unis, « le départ à la sauvette », « la trahison du président Trump », « le camouflet de Bibi », « Israël demeure seul », « le grand danger » « Personne ne nous protégera face à l’Iran, » etc., etc., sont bien évidement disproportionnées et sèment inutilement la panique, la psychose.

Certes, il ne s’agit pas de prendre la situation à la légère, mais le retrait des troupes américaines de Syrie ne change pas fondamentalement l’équilibre des forces dans la région au détriment de l’Etat d’Israël. 2 000 soldats américains seulement, composés d’unités spéciales, envoyés par Obama, il a plus de quatre ans, avaient pour mission précise de combattre contre Daesh, dans le cadre d’une coalition occidentale. Ils partiront donc de Syrie après que les Américains ont jugé que leur mission a été accomplie.

Ce départ était d’ailleurs prévu de longue date car il s’inscrit dans une liste de promesses électorales du candidat Donald Trump. Nous pouvons regretter que cette décision ait été enfin prise, mais après coup. Pouvons-nous reprocher au président américain de tenir une promesse électorale ? Prenons l’exemple du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Si Trump aurait suivi tous ses prédécesseurs, eh bien, l’ambassade serait toujours à Tel-Aviv…

Ce départ américain s’inscrit dans une politique planétaire, bien précise et déclarée, du Président américain qui souhaite privilégier les affaires intérieures de son pays et économiser les budgets et les aides financières extérieures. Rappelons que son prédécesseur, Barack Obama, a refusé, dès le déclenchement de la crise syrienne, d’intervenir militairement pour faire chuter le régime sanguinaire de Bachar el-Assad. La France de François Hollande avait d’ailleurs approuvé une opération militaire conjointe mais Obama s’était détracté à la dernière minute. Nul doute que le syndrome de la guerre du Vietnam l’avait aussi forcé à un retrait de l’Afghanistan et d’Irak. Dans ce domaine, Trump poursuit la même politique étrangère, mais il le fait différemment, avec fracas, et sur Twitter…

Celui qui le critique pour ne pas avoir éliminé le chef de Daesh, Abou Backer el Bagdadi, et compare la décision d’Obama d’éliminer Oussama ben Laden, rappelons qu’il a fallu plus de dix ans à la CIA et aux forces spéciales pour tuer le tristement célèbre chef d’al Qaida.

Sur ce point, c’est vrai que Daesh a perdu la guerre en Syrie et en Irak, mais il n’a pas encore rendu les armes. Il poursuivra de plus belle ses attentats terroristes spectaculaires dans la région comme en Europe.

Benjamin Nétanyahou et Donald Trump (photo GPO)

Sur le plan stratégique, il est clair que le retrait américain est déjà interprété par l’Iran et le régime d’Assad comme une victoire symbolique. Toutefois, malgré toutes les difficultés et la tension avec la Russie, Tsahal et ses différents services trouveront toujours le moyen de poursuivre les raids contre l’acheminement des armes au Hezbollah et contre toute présence de l’Iran sur le plateau du Golan syrien. Concernant les Kurdes, c’est sans doute un coup sévère et inquiétant pour l’avenir de leur région.

Le meilleur gagnant de ce départ est bien entendu Vladimir Poutine dont les 63 000 soldats et les milliers de mercenaires ne bougeront pas de Syrie jusqu’à nouvel ordre. Nous ne savons pas encore si un accord secret entre Américains et Russes a été conclu pour faciliter la restauration de cette Syrie en ruines et dévastée par la guerre et si le retrait actuel s’inscrit dans le cadre d’un deal entre les deux puissances mais aussi avec la Turquie qui menaçait d’envahir la région kurde.

Certes, dans la jungle du Moyen-Orient, la guerre psychologique joue un rôle considérable sur tous les acteurs. Toutefois, le combat de l’Etat d’Israël se poursuivra contre l’Iran, Daesh et le Hezbollah avec ou sans la présence américaine en Syrie.

D’ailleurs, ce départ pourrait avoir certains avantages puisque la Russie comme l’Iran n’auront aucun prétexte pour rester sur le sol d’un territoire étranger. Sur le plan diplomatique, il sera plus facile d’exiger le retrait de toutes les forces étrangères après celui des Américains.

Enfin, ce départ ne veut pas dire que les Etats-Unis abandonnent l’Etat juif et que les accords stratégiques et militaires signés vont être supprimés. Dans notre région, il existe plusieurs bases américaines importantes, notamment en Turquie et dans plusieurs pays arabes, une flotte en Méditerranée, et des unités mobiles de Marines capables de lancer des opérations ponctuelles.

Enfin, le départ des soldats américains de Syrie confirme une fois de plus que nous devrions toujours compter que sur notre puissante armée, seul Tsahal est vraiment capable de nous défendre contre les menaces proches et lointaines.

Freddy Eytan                                                                                                                                       Le CAPE de Jérusalem, jcpa-lecape.org

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