Il était là. 20 heures pétantes.
Livide.
Attendu.
Qui, hier soir dites-moi, n’avait pas rendez-vous avec Lui : j’avais pour ma part annulé un dîner : mon Président allait me parler.
Rendons-le Lui : Me, I, and Myself , semblait un temps révolu désormais. Du moins face caméra.
Merde alors ! Y a des pauvres en France ! Des Travailleurs pauvres. Etrangement, beaucoup semblent l’avoir découvert. S’en sont émus. S’en trouvèrent désemparés. Se tournèrent vers le Président. Celui que d’aucuns surnommaient Jupiter. D’autres Le Président des riches.
Qu’on l’acceptât ou pas, Rendons-le Lui : Il était redescendu de l’Olympe. Il avait consulté. Ecouté plus que de mesure. Il savait qu’il jouait son quinquennat. Mais quelle était-elle, in fine, sa marge de manœuvre.
2 thèmes n’avaient cessé de revenir en boucle. Intouchables qu’ils semblaient : L’ISF. Et puis le SMIC encore. Tel un grand jeu d’adresse où tu sais bien que si tu touches une pièce, tu risques que tout s’effondre.
Le voilà donc. Attendu. Epié. Espéré. Si peu y croyaient. Et déjà se réjouissaient d’un rire mauvais ceux-là, toujours les mêmes, qui telle La Maléfique des contes, escomptaient qu’il se rompît, qu’il flanchât, qu’une boulette il lançât.
En préambule oratoire, Il parla des casseurs et nous craignîmes le pire.
Il retomba heureusement sur la Planète terre. Reconnut l’ampleur. La gravité inédite du soulèvement. Alla jusqu’à reconnaître ses maladresses. Soyons généreux et ne les recensons pas ici : gageons plutôt qu’Il tournera désormais, Lui le premier, sa langue dans sa bouche avant de parler. Faisons-lui crédit et tentons ensemble d’effacer l’ardoise. Lourde. Si lourde
Sa pensée complexe, Il l’avait reléguée au vestiaire. On l’écouta parler de la détresse des salariés qui peinaient à finir leurs fins de mois. Mais encore des femmes seules. Des retraités modestes. Des personnes handicapées. Des frais pour se chauffer. Confessant : Nous avions fini lâchement par nous y habituer et au fond tout se passait comme s’ils étaient oubliés. Effacés.
Il évoqua même les sacrifices demandés au nom de la solidarité générationnelle et reconnut que l’effort demandé n’était pas juste.
Evoquant les victimes de quarante ans de petites décisions et d’ajustements et leur colère sourde face à ces pouvoirs qu’ils sentaient si loin d’eux, indifférents, Il sembla avoir compris que nous ne reprendrions pas vraiment le cours normal de nos vies sans que rien n’eût été changé : ne parla-t-il pas d’un moment historique pour le pays…
Il décréta un état d’urgence économique et social et, pour ce faire, se fendit de mesures concrètes. Il voulait les éteindre, l’incendie et la fureur. Quitte à user du Canadair.
La colère des Gilets jaunes, Il la qualifia de juste à bien des égards. Alors il mit le paquet. Sortit le chéquier. En guise de réponse immédiate. Sonnante et trébuchante.
Virage politique.
Hausse du smic de 100 €.
Défiscalisation des heures supplémentaires
Exonération des charges sociales sur celles-ci
Prime de fin d’année défiscalisée. Versée par les Entreprises qui le voudraient bien.
Annulation de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2 000 €.
Si on incluait le gel des taxes sur les carburants annoncé la semaine dernière,
La facture s’élevait à 10 Milliards
Il semblait avoir pigé que la réponse d’urgence ne suffirait pas.
Promettait ce débat sans précédent au niveau national. Supposé définir un nouveau contrat pour la nation. De la prise en compte du vote blanc à l’immigration, tout serait débattu. Les questions du quotidien. Lesquelles allaient de la fiscalité aux services publics en passant par l’organisation de l’Etat ou encore l’immigration.
Sauf l’ISF
Sauf l’ISF
Il demanda aux chefs d’entreprise de payer leurs impôts en France quand ils y travaillaient. Et aux grandes entreprises étrangères d’en faire autant au titre des profits qu’elles réalisaient sur le territoire.
Des mesurettes pour les grincheux les hargneux.
Le Discours le plus important de ces trente dernières années, pour ses fan. Qui reboostés. Qui faisant contre mauvaise fortune bon coeur
Reste les autres.
Dont votre serviteur
Qui concèdent qu’Il a, d’évidence, enregistré.
Que l’heure est grave
Que l’occasion de s’en sortir ne lui sera pas servie deux fois
L’ISF, il explique pourquoi ça n’est pas possible. Les plus riches partaient, le pays s’appauvrissait, qu’il conta.
Qui attendent. Le plaindraient presque. Pieds et mains liées qu’il est
Ne le voilà-t-il pas déjà, avec les promesses d’hier, à devoir s’expliquer. Escorté de son PM.
Qui devant les Banquiers.
Qui devant L’Europe. Demander l’exceptionnelle indulgence de Bruxelles concernant les déficits publics qui ne manqueront pas de déraper au-delà des 3 % imposés par les règles européennes.
Qui devant L’Assemblée.
Car La facture ! la facture ! Qui paiera ? Qui paiera ?
Si ce soir 10 décembre ressembla à la fin du Moi, Rendons-Lui qu’Il aura aussi acté les difficultés concrètes des fins de mois qui commencent au début du dit mois.
Il ressemblait en somme à chacun de nous.
Qui nous étonnâmes
Nous émûmes
What ? Certains en France n’avaient pas de quoi manger ???? En 2018 ?
Comme nous avions pris l’habitude de les zapper, dès les premiers frimas, les premiers morts.
De solitude
De froidure
D’abandon
Comme nous les oubliâmes aussitôt que nous les contentâmes, ces visages, transparents, postés à l’entrée des épiceries. Demandant à voix basse si sans déranger, on pouvait leur prendre un petit quelque chose. A consommer. Oui. Là. Tout de suite.
Comme nous fîmes mine de ne pas l’avoir croisée, cette mère qui, comme celle de La Promesse de L’aube, n’achetait un beefsteak que pour le seul enfant. Et parfois le vola.
Joyeux Noël. Il n’y a pas de progrès économique possible sans justice sociale.
Sarah Cattan