Il fallait pour la l’histoire de la Shoah, pour l’exceptionnalité du crime commis, pour rendre une mémoire aux Juifs assassinés, un lieu d’exception qui soit à la fois commémoratif et éducatif. Le Mémorial de la Shoah à Paris, dans le quartier du Marais, c’est à dire dans l’un des vieux quartiers juifs de Paris, avait et a cette vocation. Cette structure, unique en Europe, est tout à la fois un lieu de piété mémorielle autant qu’un musée, qu’un lieu d’éducation et un centre de recherche. Pour ce lieu d’exception, pour cette institution, il fallait des hommes et des femmes d’exception pour la piloter, pour la diriger. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Peut on questionner l’action du Mémorial ou bien s’agit il d’un sujet tabou dont la charge symbolique est telle qu’elle lui confère un statut quasi sacré, intouchable ? Une crise interne, grave, a secoué son fonctionnement en 2017 -2018. L’équipe qui y travaille en a été affectée. Faut-il passer sous silence ces évènements ? S’agit-il seulement d’une querelle de personnes, ou bien peut-on, 60 ans après que Georges Wellers en eut posé les fondations, porter un regard critique sur cette indispensable institution.
Les institutions ont un grand mal à se réformer, à comprendre que les choses changent, que les temps évoluent et qu’elles ne sont plus adaptées à ce pourquoi elles ont été créées. On peut, dans certains cas, s’interroger sur leur bien fondé actuel. Ceci est vrai de toute institution, qu’elle relève de l’entreprise, de la machine éducative, de l’organisation du service public, de la représentation syndicale, du système judiciaire, policier, des diverses structures de l’Etat, du milieu associatif. Sauf à préférer la sclérose par la bureaucratie puis la crise, aucune institution n’échappe à cette remise en cause pour ne pas disparaître.
La crise qui affecte le monde associatif juif, n’échappe pas à cette règle, le vieillissement de ses institutions, les mutations du contexte dans lequel elles évoluent, le changement générationnel, l’accélération des mutations technologiques de tous ordres affecte profondément ce pour quoi ces institutions ont été créées et existent toujours, sauf à penser que la logique institutionnelle est de se perpétuer en ayant oublié leur bien fondé. Refuser de se poser la question de ces mutations c’est simultanément refuser de penser une réforme nécessaire à une survie. Au temps du tweet, de facebook et de la lecture limitée à 140 signes la question de la transmission se pose en d’autres termes qu’il y a cinquante ans. Les témoins disparaissent au profit des historiens mais le travail commémoratif obéit à d’autres intentions. La commémoration convoque l’émotion, voire la prière, et tout le monde a en mémoire le discours vibrant d’André Malraux pour l’inhumation de Jean Moulin au Panthéon. Les frissons ressentis à l’écoute de cette voix donnaient une intensité vivante à l’hommage rendu à celui qui n’avait pas parlé. Les choses ont bien changé y compris de la part de ceux dont la parole incarne aujourd’hui la République.
Ce qui a été créé au sortir de la guerre pour reconstruire une communauté décimée et traumatisée mérite d’être repensé, adapté aux temps actuels, y compris pour ce qui de cette mémoire doit être sauvegardé jusqu’à la fin des temps. L’imprescriptible valable pour la justice fonctionne à l’identique pour la transmission mémorielle: ce qui est pensé comme imprescriptible, par sa nature même, doit relever de l’intouchable. Les mânes du judaïsme français et européen ont une singularité : aucun mausolée ne les rassemble car c’est du côté de la Pologne que leurs cendres se sont volatilisées. Or se souvenir jusqu’à la fin des temps que cela fut, que cela a eu lieu, implique, au contraire, de figer dans le marbre des stèles ce qui ne saurait se soumettre à l’usure du temps. Ce paradoxe n’est qu’apparent car si les stèles demeurent immuables, leurs gardiens ont changé sans qu’ils se questionnent sur la pertinence de leur garde.
Pourquoi poser ces questions au moment présent ? Parce que l’éviction du Mémorial de la Shoah, de son principal historien, Georges Bensoussan, par la direction du Mémorial dit autre chose qu’un conflit de personnes. L’enjeu est ailleurs. Pour analyser les questions que cela pose il est nécessaire de mettre les choses à distance. Parce que la pression du temps l’impose.
Zakhor ! Souviens toi ! Cet impératif est structurel dans la tradition juive autant que dans l’histoire juive contemporaine. Cet impératif est plus que jamais actuel : ne pas oublier ce qui est arrivé, ne pas oublier le projet de mise à mort du peuple juif ! Ne pas oublier que l’obsession antijuive se nourrit aussi de cette dette ineffaçable. « Ils nous détestent pour le mal qu’ils nous ont fait » rappelle Primo Levi. Ce que Serge et Beate Klarsfeld avaient patiemment, obstinément rappelé a été construit, gravé dans le Mur des noms. Il faudra attendre 1995 pour que le Président de la République, Jacques Chirac leur rende un hommage public, dans la reconnaissance de la responsabilité de la France. L’obstination militante des époux Klarsfeld a trouvé son aboutissement. Il manquait une autre œuvre pour dévoiler l’ampleur du crime commis, en France et en Europe. Claude Lanzmann a laissé au monde le récit exceptionnel de la plus grande catastrophe du XXe siècle. De ce récit, aucune image n’en montre l’horreur, seules les paroles comptent. Ce que cela fut y est rapporté, raconté autant par les victimes que par les bourreaux. Cette œuvre restera unique autant pour ce qu’elle dit que pour sa forme filmique. Cet immense travail complété par le recueil de témoignages réalisé par la fondation Spielberg s’ajoute aux archives rassemblées par le Mémorial. La Revue d’histoire de la shoah, dirigée par Georges Bensoussan, s’inscrit dans cette liste de travaux. Passer de la mémoire à l’histoire est un défi du présent. Il est magnifiquement relevé.
Comment penser la transmission, comment se souvenir, comment faire pour enseigner la Shoah ? Comment faire en sorte que le « plus jamais ça » soit autre chose qu’un slogan vide. Comment un lieu dédié à « cela fut » et au « plus jamais ça » peut il fonctionner ? Les témoins disparaissent peu à peu tandis que des esprits pervers osent dire que « ça » n’a pas eu lieu, que c’est une affabulation des Juifs, que c’est une escroquerie juive au service de l’Etat d’Israël. Dans les années 80, des faussaires ont prétendu cela et le scandale intellectuel et politique de l’affaire Faurisson eut à l’époque un invraisemblable écho. Le négationnisme servira d’alibi providentiel à tout ce que recèle la planète antijuive. Le président iranien Mahmoud Ahmadinedjad fit de cet argument un élément majeur de sa haine pour Israël : l’Etat qui combat les palestiniens est d’autant plus illégitime qu’il fonde son droit à être sur l’imposture de la Shoah dont les Juifs seraient les auteurs. En France, il s’est trouvé des relais pour poursuivre cette agression. Dieudonné, Alain Soral, des libertaires en manque d’impertinence et les réseaux islamistes ont diffusé ces discours fréquemment confortés par beaucoup d’alliés de la cause palestinienne. L’alliance des post-nazis, des post gauchistes et des islamistes, la convergence du « il est interdit d’interdire » avec des « Eichmann de papier » ou des égorgeurs du jihad en dit long sur la confusion de l’époque présente et les étapes qui l’on construite.
Dans le même temps les gardiens de la mémoire ont aussi changé. Cet héritage s’est professionnalisé. Des institutions se sont créées, se sont bureaucratisées. Des professionnels ont remplacé les militants. L’éviction de Georges Bensoussan dans ce qu’elle a de réel et de symbolique permet d’illustrer ces questions.
La double peine infligée à Georges Bensoussan
Le premier procès (2017) fait à Georges Bensoussan pour incitation à la haine raciale constituait déjà une première ignominie. Avoir fait asseoir Georges Bensoussan sur le même banc de prévenu que Alain Soral ou Dieudonné ou encore Henri de Lesquen était déjà une première infamie symbolique.
Qu’il fut initié par une association islamiste déguisée en mouvement antiraciste ne pouvait guère surprendre de la part d’un groupe dont la profession de foi consiste à utiliser les moyens de la justice existant dans une démocratie, pour mieux mettre au pas toute expression libre et toute parole critique. Que des islamistes n’aient pas supporté qu’un historien rapporte des vérités gênantes sur les sources de l’antisémitisme dans l’espace arabo musulman, était dans la logique des choses. Ils sont dans leur rôle.
Serait-ce par paresse intellectuelle que certains n’aient rien compris à la stratégie du néo antisémitisme grimée dans les habits de l’antiracisme, on pourrait presque (difficilement) le comprendre ? Pourtant depuis la farce de la conférence de l’ONU à Durban en 2001 on sait que c’est au nom de l’antiracisme que s’exprime aujourd’hui la haine antijuive. C’est bien au cours de cette conférence, supposée inventer de nouveaux outils pour lutter contre le racisme dans le monde que furent distribués des tracts appelant au meurtre des Juifs : « one jew, one bullet » (« un Juif, une balle »)
Depuis vingt ans les travaux de Pierre-André Taguieff sur la judéophoble son histoire et ses métamorphoses, illustrent avec une précision redoutable que la haine antijuive reste une constante de l’histoire quelles que soient ses ruses et les dissimulations, fussent elles progressistes.
Le nouvel antisémitisme au nom de l’antiracisme
La caractéristique du nouvel antisémitisme consiste à diffuser la haine antijuive avec les mots de l’antiracisme et de l’anti fascisme. En attribuant à Israël des pratiques nazies, cette stratégie vise à délégitimer le droit à être de cet Etat. Le sigle = apposé entre la svastika et l’étoile juive, présent sur toutes les banderoles dénonçant Israël comme un Etat « d’apartheid » en est la manifestation la plus limpide. Nous le savons bien, les larmes sur la Shoah accompagnent trop souvent le venin contre l’Etat d’Israël et le sionisme. Elles constituent au contraire l’alibi de cette haine. Pour reprendre les mots du Président de la République, « l’antisionisme est bien devenu la forme renouvelée de l’antisémitisme ».
Pourtant certaines associations se sont laissés prendre par cette mystification et ce fut une autre et désolante surprise de retrouver parmi les parties plaignantes la Ligue des droits de l’homme, SOS Racisme, et la LICRA. Incapables de comprendre l’enjeu, myopes devant la réalité de l’offensive, voilà que les héritiers des défenseurs du capitaine Dreyfus, de Victor Basch, emboitaient le pas du fascisme islamiste.
Que ces associations soient tombées dans ce panneau de la « lutte contre l’islamophobie » au nom du « pas d’amalgame », de la crainte de « stigmatiser » et du « vivre ensemble » constituait le deuxième niveau de sottise.
Que l’Etat, en première instance, à travers les mots de sa procureur, ait alimenté la charge contre Georges Bensoussan à travers une plaidoirie aussi erronée que pédante parachevait la dimension grotesque de ce procès : « Georges Bensoussan a fait un passage à l’acte dans le champ lexical !» devait dénoncer cette docte procureur. Il y eut aussi cette témoin à charge contre Georges Bensoussan, Mme Nacira Guénif, proche du Mouvement des Indigènes de la République, déclarant sans ciller que lorsqu’on dit « espèce de juif » en arabe, ce n’est pas une insulte mais une habitude de langage, sinon une habitude de pensée, innocente.
Heureusement le tribunal ne fut pas dupe.
En première instance comme en appel, les plaignants furent déboutés de leurs plaintes et Georges Bensoussan a été relaxé dans les deux moments du procès. Innocenté par la justice de la République, le fut il par ses employeurs ?
L’affaire dans l’affaire
Il y a bien une autre affaire à l’intérieur de la première et elle est plus grave, symboliquement et politiquement plus grave pour ce qu’elle dit de notre société, c’est l’attitude de la direction du Mémorial de la Shoah à l’égard de Georges Bensoussan.
Que cette institution essentielle et symboliquement centrale au sein du judaïsme français, qui s’est aussi donnée pour mission la lutte contre l’antisémitisme, non seulement n’ait pas dans un premier temps, soutenu publiquement Georges Bensoussan au cours du procès en deux temps, qu’il a eu à subir, mais, pire, qu’il lui ait fait reproche de ses propos sur l’antisémitisme arabo islamique, relève d’un contre-sens intellectuel et politique plus grave de conséquence pour l’avenir des Juifs de France que l’attaque du CCIF.
Que par ailleurs la direction du Mémorial, dans une deuxième temps, ait progressivement et sournoisement mis fin à toutes les fonctions et responsabilités de Georges Bensoussan en y ajoutant brutalité et humiliation, témoigne d’un comportement indigne qui interroge le fonctionnement de cette institution (1)
(1) Le diable, on le sait, git dans les détails. Pour ne laisser prise à aucune rumeur non fondée, à aucune approximation nous estimons qu’il est important de connaître la vérité des faits. Les voici :
Au prétexte fallacieux d’une retraite qu’il aurait été obligé de prendre (voire qu’il aurait « demandée » lui-même) le contrat de Georges Bensoussan n’a pas été renouvelé. Or, il aurait pu l’être en accord avec l’Education nationale jusqu’en 2020. Mais plus encore, les conditions concrètes de son départ, comme les pressions exercées sur le site Akadem finalement contraint de supprimer le 1er juin 2018 la vidéo d’un entretien de Georges Bensoussan avec Antoine Mercier, sont invraisemblables dans un Etat démocratique.
Comment des méthodes dignes des belles heures du stalinisme ont elles pu fonctionner dans ce lieu ? Sans compter d’autres pressions exercées sur d’autres médias (menaces de retraits de contrats publicitaires) pour contraindre Georges Bensoussan au silence. Au sein d’autres institutions, la vérité ne doit pas être connue. Bensoussan n’y est plus persona grata. Des calomnies ont été émises à son endroit : « il aurait souhaité ces procès par souci de notoriété, il serait un séfarade complexé, « à preuve » son pseudonyme ashkénaze de Brenner », et autres propos du même calibre qui fait honte à celui qui les a tenus.
Le 29 juin 2018 Georges Bensoussan apprenait par SMS que son contrat de travail étant à présent arrivé à son terme, il n’avait plus accès à son bureau: On vous fera apporter vos affaires, lui fut-il précisé. Bensoussan fut ainsi sommé de dégager au mépris des engagements pris par son directeur. Le lundi 2 juillet 2018 au matin, alors que Georges Bensoussan se présentait à son bureau, il trouvait porte close. Son badge avait été désactivé. Le vigile, visiblement ébranlé par ce qu’on lui avait ordonné, lui indiquait qu’il avait reçu l’ordre de lui interdire l’accès à l’immeuble. Après de longues tractations, il lui fut consenti quelques heures pour débarrasser trois jours plus tard son bureau et emporter 26 années d’archives et de documentation. Le 5 juillet 2018, Georges Bensoussan se présentait à nouveau devant ce qui était jusqu’alors son lieu de travail, découvrant que la serrure de son bureau avait été changée, qu’il n’avait plus accès à sa messagerie professionnelle, ni par conséquent aux données de ses 1100 contacts professionnels. En quatre heures, il dut remplir quelques cartons et les emporter. Le harcèlement s’est poursuivi puisque, au mépris de l’engagement du Président du Mémorial pris le 31 mai dernier, Georges Bensoussan fut encore évincé du séminaire de formation prévu en octobre 2018 en Israël. Sans souci de l’avenir, à ce jour, octobre 2018, nul ne sait qui assurera la relève de la direction de la Revue d’histoire de la shoah, Georges Bensoussan a été déchargé de cette responsabilité, tout comme, contrairement à la parole donnée par le Président lui même (31 mai 2018), il a été exclu de toutes les formations d’enseignants dont il a été l’initiateur il y a dix-huit ans de cela. Tout comme il est stupéfiant d’apprendre que, début septembre 2018, le directeur de l’institution enjoint à ses chefs de service de ne plus faire appel à l’historien au risque de voir leurs projets invalidés.
Aucun désaccord professionnel ou politique ne saurait justifier de telles pratiques .
Dans le moment présent, sur cette affaire, la direction du Mémorial ne s’est pas seulement fourvoyée intellectuellement. Elle a commis une faute. Les dirigeants du Mémorial n’ont, semble-t-il, pas fait le moindre effort intellectuel pour comprendre l’enjeu des travaux de Georges Bensoussan qui depuis la publication des Territoires perdus de la République (publié en 2002) mettait en lumière l’étendue du nouvel antisémitisme autant que les sources culturelles de l’antisémitisme répandu dans le monde arabo-musulman. Le terrorisme, qui en est le produit direct a tué en France 16 personnes de confession juive depuis 2003, pour la seule raison qu’elles étaient juives.
Les dirigeants du Mémorial auraient pu ne pas céder aux vents dominants du conformisme intellectuel ni s’inscrire dans le déni idéologique de la réalité, cette marque du temps présent. Ils auraient du, au contraire, saluer ce lanceur d’alerte et le remercier pour sa clairvoyance. Par conformisme, sinon par inintelligence, ce leadership juif du Mémorial, fort de sa seule position sociale, croit la conforter en prétendant lutter contre ce qui nous menace tous.
Le Mémorial est une institution unique en France et en Europe. Son action est essentielle. La Revue d’histoire de la Shoah, unique en Europe. est l’outil d’études, non seulement de l’histoire de la destruction des Juifs d’Europe mais aussi de deux autres grandes tragédies du siècle passé, le génocide arménien et celui des Tutsi du Rwanda. Sous le pilotage de Georges Bensoussan, cette revue est devenue un pôle d’excellence.
Penser le moment présent
La politique éducative du Mémorial doit pouvoir être soumise à la critique et à la réflexion. Peut-on considérer que la lutte contre les nouvelles formes de l’antisémitisme, celle qui vient des quartiers, de ces territoires perdus de la République par le seul enseignement de la Shoah, constitue une pédagogie efficace ? N’y a-t-il pas une erreur politique, une erreur de stratégie éducative, une grande illusion, résultant d’une méconnaissance sinon d’un refus de prendre en compte la multitude des transformations de tous ordres de et dans la société française autant que les menaces qui s’annoncent.
Quelles sont-elles ?
Soumise au rythme de l’internet et des « fake news » comment imaginer une prise de conscience dans la jeunesse de la dangerosité des fanatismes quand ceux ci fonctionnent comme une drogue hypnotique? La culture de l’instantané remplace la distance temporelle nécessaire à une maturation. L’exhibition des images de la violence, des images pornographiques, est désormais d’une extrême banalité et accessibilité. Le virtuel s’est substitué au réel sans qu’aucun dispositif préventif ne vienne en préciser le danger. Dans le même temps, le repli identitaire d’une partie de la jeunesse « des quartiers », celle des banlieues des grandes villes, celle de la « France périphérique », trouve dans la haine ethnique d’un groupe dénoncé comme dominant, la raison de son malheur social. Le travail souterrain de l’islamisme non seulement agit comme un dispositif salvateur, donnant du sens dans des vies chaotiques mais désigne les Juifs et Israël comme la clef de tous les maux de cette jeunesse en déshérence. Le succès d’un Dieudonné ou celui d’un Alain Soral constitue autant de signes que de symptômes inquiétants de la montée en puissance de ce poison culturel ancré dans une vision conspirationniste du monde dont les Juifs et Israël constitueraient la source.
(On lira en annexe (2) l’interview intégrale réalisée par le site Conspiracy Watch, des auteurs de l’enquête réalisée par une équipe CNRS publiée au printemps dernier sous le titre La Tentation radicale (PUF, 2018). Elle renseigne sur les mécaniques psychologiques, les lignes de force intellectuelles qui sont opérantes aujourd’hui dans les milieux jeunes, lycéens, adolescents, pris dans des milieux sociaux et culturels différents.)
Le caractère obsessionnel de ces attitudes, leur récurrence aggravée, ont construit des cultures en rupture avec un consensus républicain partagé. Une sécession culturelle s’affirme tant dans le partage géographique des territoires autant que dans les esprits dans un cheminement qui a trouvé son apogée d’abord dans les émeutes antijuives l’été 2014 (guerre contre le Hamas à Gaza) puis apocalyptique au Bataclan en novembre 2015 et dans les tueries des terrasses du XIIe arrondissement de Paris. Pourtant les crimes de Mohamed Merah (2012) commis contre des enfants juifs pour venger des enfants palestiniens avaient déjà tiré une sanglante alarme. Rappelons que tous les auteurs des attentats de 2015 avaient fréquenté les bancs de l’école républicaine, et qu’ils avaient tous bénéficié d’une leçon d’histoire sur la Shoah.
La République et l’école républicaine et laïque sont elles prêtes à affronter ces défis actuels? Possèdent elles les outils, les stratégies adéquates ? A plus forte raison comment une structure éducative comme le Mémorial peut-elle inventer une stratégie qui lui soit propre?
Tout cela aurait au moins mérité un débat interne. Il aurait du y avoir des rencontres, des consultations nécessaires à une actualisation, à une imagination de dispositifs pédagogiques nouveaux. Ceci n’a jamais eu lieu. L’évaluation exclusivement quantitative, mesurée uniquement par le nombre de classes venues visiter le Mémorial ne peut être considérée comme pertinente pour penser une politique éducative. Estimer que c’est au nombre de classes de collèges ou lycées venus visiter le Mémorial, que l’antisémitisme sera réduit, relève autant d’une bonne intention que d’une grande illusion. Les élèves des classes venues sont dans la plupart des cas des élèves déjà sensibilisés et intéressés par le sujet abordé. Les voyages scolaires à Auschwitz relèvent de la même illusion. D’une part les élèves qui y participent sont déjà sensibilisés à ces questions, d’autre part le choc de la visite des camps est tellement traumatique qu’on ne peut mesurer la force et la qualité de son impact. A moins de consacrer un très long temps à préparer (par des lectures) puis à analyser le résultat de ces visites, on peut craindre un effet réduit à l’effroi de ce qui a été vu, ressenti.
Dans l’univers gore et pornographique de l’internet, qui meuble aussi l’imaginaire des adolescents, cette horreur participe à l’accumulation des horreurs quotidiennes rapportées sur la toile confondant le réel et le virtuel. Par ailleurs l’antisémitisme aujourd’hui n’a plus besoin du négationnisme comme aliment premier. Bien contraire, hormis pour quelques néo nazis soucieux de blanchir le nazisme, plus personne ne conteste la réalité de la Shoah, par contre le renversement symbolique du statut des victimes (les Juifs devenus bourreaux) est l’aliment de l’antisémitisme actuel.
Faire des Juifs les nouveaux nazis et des palestiniens les nouveaux Juifs permet d’une part une rédemption des culpabilités à peu de frais et d’autre part une mise en accusation radicale d’Israël visant à sa délégitimation. La Shoah a eu lieu mais l’Etat nazi contemporain se nomme Israël.
Verser des larmes sur la Shoah n’interdit pas la haine des Juifs/israéliens. Depuis les années 2000, (seconde intifada) mais déjà depuis 1982 (guerre du Liban) cette substitution d’un Palestine = ghetto de Varsovie, et de Israël = nazi, n’a cessé de se renforcer avec des variantes opportunes : Israël= apartheid. Tout ceci imprègne l’air du temps pour des jeunes sans repères historiques autant que pour des medias, simplistes ou avides de provocations.
Si le Mémorial a aussi inscrit dans sa mission éducative la lutte contre l’antisémitisme, sa politique éducative aurait du être repensée à l’aune de ces phénomènes nouveaux d’ordre différent. Il ne s’agit certes pas de perdre de vue que ce qui fut pertinent il y a trente ans mais qui ne l’est plus aujourd’hui. Ceci mériterait au minimum d’être analysé, actualisé, repensé. Les choix éducatifs, circonscrits historiquement à la période de la seconde guerre mondiale, ne peuvent rendre compte de la complexité du présent même si la charge de ce passé a pesé lourdement sur les générations ultérieures.
Les hauts dirigeants du Mémorial n’ont-t-ils pas encore compris que l’antisémitisme a muté, n’ont-ils jamais vu ces banderoles mettant un signe = entre la svastika et l’étoile juive ? N’ont ils pas compris que les sanglots sur la Shoah servent d’alibis à la haine d’Israël ? N’ont-ils pas compris que si les Juifs et Israël constituent la cible première du terrorisme, c’est parce qu’ils représentent la première ligne de front de la guerre que l’islamisme a déclaré au monde ? Depuis le 11 septembre 2001, depuis tous les attentats commis en Europe, cette guerre s’est imposée contre les « Juifs, les Croisés et les mécréants » dans le monde. En France les crimes de Mohamed Merah, les assassinats de l’hyper casher, de Sarah Halimi, de Mireille Knoll ont révélé l’étendue de la menace. A quoi correspond cette myopie, sinon cet aveuglement, de la part de ceux qui ont justement la charge de penser les menaces actuelles ? Au souci exclusif de la préservation et de la transmission de la mémoire de la Shoah ? Ce refus, au nom d’une neutralité politique supposée de cette institution, est contradictoire avec l’inscription dans son agenda de la lutte contre l’antisémitisme aujourd’hui. A quoi peut servir le travail sur le passé s’il ne sert à conjurer les menaces du présent ? La communauté juive se trouve aujourd’hui en plein désarroi : pas une famille qui ne se pose la question de son avenir, de celui de ses enfants. Des replis communautaires vers des régions, vers certains quartiers des villes, la recherche d’écoles, pour ne pas avoir à subir ces menaces au quotidien, traduisent ces bouleversements. L’ethnicisation des quartiers s’installe au cœur de la République. Le choix de faire semblant de ne pas le voir et le choix de ne pas le dire, serait sans conséquence s’ils n’engageait pas l’avenir d’une collectivité et celui de la communauté nationale, si toutefois cette formule présente encore une quelconque pertinence.
Un indispensable sursaut
La politique éducative du Mémorial paraît obéir à des choix ritualisés, non pensés à l’aune du moment présent, soucieux en priorité de rester conforme à des exigences convenues, pour obéir aux normes du politiquement correct et à l’incantation stérile au « vivre ensemble », alors que ces questions engagent l’avenir de tous les Juifs de France.
La présidence comme la direction du Mémorial devraient obéir aux exigences et règles de sélection telles qu’elles se pratiquent dans les grands organismes nationaux de recherche. L’excellence du Mémorial ne saurait se soumettre ni à des intérêts vaniteux, ni à la médiocrité de jalousies bureaucratiques. Au-delà, il y a indécence s’identifier aux ombres de La Nuit, à jouer du capital moral de cette mémoire qui est notre et à se comporter en propriétaires d’un objet qui ne leur appartient pas.
L’opacité de son fonctionnement réel comme la cooptation ne peuvent plus être des critères de désignation des responsables. Nul ne doit oublier que le Mémorial fonctionne par la subvention que lui verse la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, c’est à dire l’argent des Juifs morts, déportés et assassinés. Ce budget, il n’en est que le dépositaire, tenu d’être le gardien soucieux de son meilleur usage. Il n’en est pas le propriétaire. Il doit en rendre compte, à la fois quantitativement mais aussi qualitativement.
Aujourd’hui, l’affaire de l’éviction de Georges Bensoussan, fonctionne comme un révélateur pour ce qu’elle nous dit des institutions, pour ce qu’elle annonce politiquement et pour les questions éthiques qu’elle pose.
Nous avons le devoir de prendre conscience d’une affaire qui n’est pas un « différend personnel » porté indument sur la place publique, qui dépasse les individus en cause, qui pose la question de l’avenir de la « communauté juive » et sa capacité de résilience après les coups reçus depuis près de vingt ans. Sauf à reconnaître que l’islamisme et ses alliés, vecteur du « nouvel antisémitisme » auront réussi à imposer leur agenda.
Zakhor ! Cet impératif doit être plus que jamais un fil conducteur pour tous.
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(2) En septembre et octobre 2016, une équipe de chercheurs du CNRS dirigée par Anne Muxel et Olivier Galland ont conduit une enquête auprès de de plus de 7000 élèves de seconde de 21 lycées publics des académies de Lille, Créteil, Dijon et Aix-Marseille. Les résultats de cette vaste enquête ont été publiés au printemps dernier sous le titre La Tentation radicale (PUF, 2018). Vincenzo Cicchelli et Sylvie Octobre y signent le chapitre consacré à la radicalité informationnelle et aux théories du complot. Ils ont accepté de répondre à nos questions.
Conspiracy Watch : Une large majorité des lycéens de votre enquête accréditent l’idée que les attentats du 11 septembre 2001 ont été commandités par la CIA et non par Al-Qaïda – seuls 1 sur 3 rejetant cet énoncé. Comment l’expliquer ?
Vincenzo Cicchelli & Sylvie Octobre : Dans notre enquête, la moitié des élèves des lycées interrogés considèrent que les attentats du 11 septembre ont été organisés par la CIA et non par Oussama Ben Laden. Cela signifie que l’adhésion aux théories du complot est assez largement répandue chez les jeunes. On trouve plusieurs facteurs explicatifs :
– un rapport aux médias qui est plutôt de défiance : du fait de la forte concurrence entre faits établis et faits alternatifs, vérités officielles et vérités alternatives, la situation des jeunes à l’égard des médias est paradoxale. D’un côté, ils expriment massivement une défiance à l’égard des discours médiatiques, estimant que la vérité leur est cachée. 67% d’entre eux pensent que les médias n’ont pas dit toute la vérité au sujet des attentats. De l’autre, ils continuent néanmoins à faire d’abord confiance aux médias traditionnels (48%), alors même qu’ils revendiquent le recours aux idées personnelles (33%). Les lycéens sont nombreux dans les entretiens à mettre très fortement en doute les versions médiatiques des attentats, comme « officielles ».
– la valorisation des idées ou des opinions personnelles, fruit d’un recours massif aux médias-cultures juvéniles. Celles-ci fournissent d’abord des schémas narratifs d’interprétation du réel, de Jason Bourne à Katniss Everdeen, leurs héros sont souvent aux prises avec des secrets, des complots, des apparences qu’il leur faut dévoiler. Ensuite, les fonctionnements des médias-cultures requièrent des jeunes qu’ils se mettent en position de bricoleurs : ils sont ainsi habitués à composer du sens sur la base de puzzles médiatiques, la production culturelle les ayant accoutumés à interpréter, décrypter, démasquer. Enfin, le numérique a donné aux jeunes la possibilité d’agir sur les contenus informationnels et culturels, d’en transformer la signification, et de diffuser leurs « bricolages », cette posture devenant un mode d’expression de l’individualité.
Ces deux traits donnent corps chez les jeunes à une vision particulière de « l’esprit critique », entendu moins comme le fait de tenir une proposition pour vraie ou fausse en la passant au crible de la raison, que comme une réception des médias se fondant sur une posture interprétative, sur des actes de braconnage, de picorage et de réagencement. Habitués par les médias-cultures à regarder le monde comme un ensemble de récits plausibles, les jeunes considèrent les médias moins comme établissant des faits que comme proposant des narrations. Cette conception a probablement concouru à une baisse dans la confiance dans les médias dominants et officiels, toujours soupçonnés de manipulation.
CW : Le malaise identitaire joue-t-il un rôle dans l’adhésion complotiste ? Quels sont les autres facteurs explicatifs à l’œuvre ?
VC & SO : Cette mentalité complotiste articule plusieurs éléments : une intolérance au hasard qui plaide pour la recherche de raisons cachées ; une méfiance à l’égard des apparences qui fait appel à une connexion entre des éléments a priori disparates ; et une valorisation de la critique et du jugement « personnels ». Les événements les plus négligeables sont élevés au rang de faits pertinents et les liens de causalité qui sont établis entre eux sont reformulés afin de construire des nouveaux récits qui comportent un fort effet de réel pour ceux qui les colportent et peuvent se muer en storytelling ayant des effets négatifs sur la production et la réception de l’information. Enfin, adhérer à une explication complotiste procure des bénéficies narcissiques, car cela permet de dévoiler une réalité cachée, de démasquer une fausse vérité, de faire partie du cercle de ceux qui savent et qui comprennent, qui ne sont pas victimes des apparences et développent des idées autonomes.
Les facteurs explicatifs de cette mentalité complotiste sont au nombre de cinq dans l’enquête quantitative :
1) une absence d’intégration économique (56% de ceux dont le père est chômeur ou n’ayant jamais travaillé adhèrent totalement ou partiellement aux théories du complot et 59% dans le cas où c’est la mère).
2) un sentiment de discrimination : les lycéens qui déclarent avoir subi des discriminations sont plus enclins à adhérer aux explications complotistes (58%) et ceux qui ont ressenti des discriminations ethnico-religieuses le sont encore davantage (63%).
3) un sentiment d’injustice : les lycéens qui estiment que la société française est injuste adhèrent nettement plus aux explications complotistes (71%). En outre, ceux qui réfutent la légitimité de la devise républicaine sont plus nombreux à adhérer à des idées complotistes : c’est le cas de 57% de ceux qui ne confèrent aucune importance aux trois éléments de la devise républicaine.
4) un échec scolaire : les lycéens insatisfaits de leur orientation scolaire semblent plus nombreux à adhérer à ces thèses (57%).
5) la prégnance de la religion : le niveau de complotisme est plus élevé chez les jeunes musulmans (64%), ceux qui ont reçu une éducation dans laquelle la religion avait une grande importante (60%), qui font de la communauté religieuse leur premier horizon d’appartenance (58%), qui lui confèrent une grande importance dans leurs activités culturelles (62%), ou qui se sentent très proches des communautés immigrées (58%).
CW : Quels types de propos avez-vous recueillis de la part des lycéens qui ont participé à l’enquête ?
VC & SO : Ce qui a retenu notre attention dans les entretiens auprès des jeunes est la prégnance de mécanismes de fictionnalisation par lesquels ces derniers retrouvent dans le réel et dans les médias-cultures des schèmes interprétatif communs : la fiction est pour eux un étalon de mesure de la réalité.
Tout d’abord, les adolescents font appel à des références issues des œuvres contemporaines de fiction – notamment les films et les séries télé – pour répondre au doute créé par ce qui leur semble « incohérent », « bizarre » ou « pas vrai » dans les informations auxquelles ils ont été confrontés après les attentats. Dans leur esprit, la réalité ne doit pas laisser place au hasard, pour que l’acteur/spectateur adhère à la cohérence du récit.
Ensuite, la prégnance de ces récits est favorisée par la puissance de l’image animée en diffusion rapide (le verbe d’action le plus employé dans les entretiens au sujet des informations sur les attentats est « voir »). L’image donne l’illusion du reflet du réel, de « la preuve par le direct » dont parlent les jeunes, bref elle a valeur de témoignage et il n’est pas étonnant que les médias mentionnés par les adolescents pour s’informer soient les chaînes en continu (BFM, I-Télé…). La force des images est telle qu’elle peut convaincre, à l’encontre de toutes opinions majoritaires ou officielles. Leur viralité interdit le temps de la vérification, favorise la réaction pulsionnelle, dans une logique de concurrence, voire de surenchère, entre médias officiels et sources alternatives. La prolifération des images ainsi que celle des émotions produites induisent une incertitude principielle : quasiment tous les adolescents déclarent ne pas pouvoir être sûrs de la véracité de l’information.
CW : Vous avez dégagé une posture que vous proposez d’appeler la « radicalité informationnelle » et qui ne concernerait pas moins de 9% des jeunes de votre étude. Comment la définissez-vous ?
VC & SO : Nous la définissons de la façon suivante : il s’agit d’une distance aux médias traditionnels, qui s’accompagne d’une adhésion à des vérités alternatives, d’une perméabilité aux théories du complot et d’une participation à la diffusion de vidéos de Daech. Défiance à l’égard des médias et mentalité complotiste sont des phénomènes générationnels, auquel le complotisme radical donne une inflexion plus dure. Un dernier élément contribue à faire basculer dans la radicalité informationnelle : la participation active aux flux informationnels de Daech. On peut distinguer deux niveaux de participation : la consommation de vidéos (qui dénote un intérêt pour un sujet), et leur (re)mise en circulation (qui participe à l’entretien du flux d’informations, comportement plus rare et que l’on peut qualifier de radical). S’ils ne sont que 4% à les rediffuser, ils sont 45% à déclarer les voir sans les partager.
Finalement, la radicalité informationnelle, telle que nous l’avons définie, concerne 9% des lycéens de notre enquête : c’est dans ce groupe que l’on trouve le plus de jeunes qui sont très méfiants à l’égard des discours des médias (64% versus 28% en moyenne) – les jeunes qui en sont membres déclarent ne faire confiance ni aux médias français (77% versus 52%), ni aux médias étrangers (98% versus 92%), ni aux blogs français (93% versus 89%) et font nettement plus appel aux médias alternatifs étrangers (21% d’entre eux déclarent faire confiance aux blogs et réseaux sociaux étrangers versus 3% en moyenne). Ils combinent à cette défiance à l’égard des versions officielles et/ou nationales une plus grande valorisation de leurs idées personnelles (41% versus 33%). Par ailleurs, ce sont ceux qui adhèrent le plus aux théories du complot (57% versus 7%), et visionnent et partagent le plus massivement les vidéos de Daech (39% versus 4%).
CW : Les lycéens qui visionnent et partagent des vidéos de l’Etat islamique sont, comparés à la moyenne des lycéens, beaucoup plus susceptibles d’aimer des personnalités comme Dieudonné, Oussama Ben Laden, Tariq Ramadan ou… Vladimir Poutine ! N’est-ce pas un paradoxe ? Diriez-vous que le complotisme est l’antichambre de la radicalité politique ?
VC & SO : Les 4% des jeunes qui partagent ces vidéos aiment particulièrement Oussama Ben Laden (4 fois plus que la moyenne), Tariq Ramadan (un peu moins de 3 fois plus que la moyenne), Dieudonné (2 fois plus que la moyenne) et Poutine un peu moins de deux fois plus. Cela n’est pas surprenant dans la mesure où ces jeunes sont près de 6 fois plus nombreux que la moyenne à être très radicaux politiquement. Par conséquent, sans pouvoir affirmer que le complotisme conduit à la radicalité politique, ou l’inverse, il est certain que les deux sont intimement liés.
Jacques Tarnero
Vincenzo Cicchelli est maître de conférences, GEMASS/CNRS/Paris Sorbonne.
Sylvie Octobre est chargée de recherches, DEPS/Ministère de la culture, chercheure associée au GEMASS/CNRS/Paris Sorbonne.
Le fond du contentieux en France entre musulmans et juifs ce n’est pas tant Israël que l’Algérie. En cela les juifs sont comme les autres français, victime de l’esprit revanchard et de la jalousie des algériens d’origine. Et au-delà, le statut ancestral du Juif en terre islamique dans l’inconscient musulman comme l’a bien montré notre ami Georges Bensoussan et qui est la raison inavouée du procès qui lui a été fait.
Heureuse de voir que Zakhor, brillante réflexion de Jacques Tarnero, est lu et remporte les suffrages des lecteurs.