La LICRA a pris connaissance des propositions formulées par la commission animée par Gil Taieb, Laetitia Avia et Karim Amellal.
Pour la première fois dans notre pays, il apparaît que le sujet de la lutte contre la haine en ligne ait été pris au sérieux avec des propositions concrètes, dont beaucoup sont issues des combats portés par les associations antiracistes depuis des années. Ce rapport est un progrès qui marque un rupture évidente avec le statu quo actuel et une étape décisive dans la prise de conscience de ce problème.
Le rapport trace des perspectives intéressantes de responsabilisation des hébergeurs face aux contenus publiés sur leurs plateformes à la faveur d’un certain nombre de dispositifs. Il ouvre la voie à une régulation des usages numériques que nous espérions depuis des années.
Aujourd’hui, il importe de transformer l’essai en traduisant cette volonté dans la loi le plus rapidement possible. La LICRA rappelle que nous vivons sous l’empire d’une loi, la LCEN, qui date de 2004, à une époque où Twitter n’existait pas. La LICRA souhaite avancer au plan technique avec sa commission juridique, les parlementaires et le gouvernement afin de caler aux mieux le cadre procédural qui doit permettre de mettre en place une politique de « tolérance zéro » face au racisme et à l’antisémitisme en ligne.
Nous porterons lors de la discussion des propositions visant à consolider le travail remis au gouvernement, notamment pour que les hébergeurs désignent un responsable légal sur le territoire national (et pas seulement en Europe) ou dans l’amélioration du dispositif de signalement pour les particuliers. La LICRA, avec SOS Racisme, le MRAP, l’UEJF et J’accuse avaient formulé un certains nombre de propositions qui viendront utilement nourrir le débat et compléter les propositions faites par la mission.
Les recommandations du rapport
– Recommandation 1 : Imposer aux grandes plateformes un délai de 24 heures pour retirer les contenus manifestement racistes ou antisémites.
– Recommandation 2 : Imposer aux grands opérateurs un représentant légal au sein de l’Union européenne.
– Recommandation 3 : Imposer aux grands opérateurs des obligations de transparence en matière de retrait, déréférencement et blocage des contenus illicites.
– Recommandation 4 : Rendre dissuasives les amendes prévues en cas de manquement, par les grands réseaux sociaux et moteurs de recherche, à leurs obligations de retrait ou de déréférencement de contenus, comme de coopération avec les autorités judiciaires, en en multipliant le montant par 100. La mission a choisi de suivre l’exemple allemand en fixant un montant à effet dissuasif à l’encontre de ces opérateurs. Ne serait-ce que par son impact psychologique, la multiplication par 100 des montants actuels participe de cet objectif, soit un montant maximal de 37,5 millions d’euros pour les personnes morales et 7,5 millions d’euros pour les personnes physiques.
– Recommandation 5 : Porter à l’échelle européenne un projet de création d’un statut particulier d’hébergeur induisant une responsabilité renforcée s’agissant du traitement des contenus illicites.
– Recommandation 6 : Créer une autorité de régulation des contenus illicites sur Internet en charge notamment de contrôler la mise en œuvre des objectifs de lutte contre les propos haineux en ligne.
– Recommandation 7 : Créer une instance de dialogue entre toutes les parties prenantes (autorité de régulation / plateformes / société civile), chargée notamment de mettre en oeuvre un code de conduite national .
– Recommandation 8 : Créer un logo unique de signalement des contenus illicites, visible et identifiable sur toutes les plateformes.
– Recommandation 9 : Imposer une procédure uniformisée et applicable à toutes les plateformes pour le signalement des contenus illicites ainsi que les recours contre ces signalements.
– Recommandation 10 : Créer une procédure simple et rapide, sous le contrôle du juge, afin de bloquer des sites manifestement racistes et antisémites, sur le modèle de la procédure appliquée pour les jeux en ligne illégaux.
– Recommandation 11 : Encourager les annonceurs à publier la liste des emplacements de diffusion de leurs annonces en ligne, afin de lutter contre la publicité sur des sites diffusant la haine.
– Recommandation 12 : Créer un mécanisme de dépôt de plainte en ligne pour les victimes de propos racistes et antisémites sur Internet.
– Recommandation 13 : Sanctionner les auteurs de propos haineux par des amendes fortes, des stages de sensibilisation à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme ou des travaux d’intérêt général, prononcés par le juge pénal, par ordonnances pénales.
– Recommandation 14 : Créer des chambres pénales spécialisées dans le traitement des infractions (actes et propos) relatives au racisme, à la discrimination, à l’antisémitisme, en ligne et hors ligne.
– Recommandation 15 : Encourager la publication en ligne des décisions de justice.
– Recommandation 16 : Renforcer les modules de formation au dispositif de lutte contre la cyber-haine en formation initiale et continue pour les magistrats et les policiers et gendarmes.
– Recommandation 17 : Créer un observatoire de la cyber-haine.
– Recommandation 18 : Renforcer les dispositifs d’éducation et de formation contre la cyberhaine à destination de la jeunesse, en particulier des publics les plus vulnérables.
– Recommandation 19 : Diffuser via les réseaux sociaux des campagnes de contre-discours face aux discours de haine et de sensibilisation du public sur les dangers des discours de haine sur Internet.
– Recommandation 20 : Imposer aux plateformes la mise en place d’un « kit » d’information destiné aux victimes de cyber-haine, comprenant notamment un lien vers le module de dépôt de plainte en ligne.
Les propositions de la LICRA, SOS Racisme, l’UEJF, J’accuse ! et le MRAP
1. Imposer aux hébergeurs non-établis sur le territoire français de désigner un représentant local assumant leurs responsabilités en matière d’antisémitisme, de racisme, de négationnisme ou de discriminations ;
2. Etendre le dispositif de signalement prévu par la LCEN à tous les contenus à caractère antisémite, raciste, négationniste ou discriminatoire ainsi qu’aux moteurs de recherche ;
3. Assouplir le dispositif de signalement ;
4. Améliorer l’identification des auteurs ;
5. Renforcer le dispositif répressif existant ;
6. Etendre les possibilités d’intervention du juge pour ordonner la fermeture de comptes ou de profils véhiculant des discours de haine à caractère antisémite, raciste, négationniste ou discriminatoire ;
7. Etendre l’obligation de transparence des hébergeurs quant aux moyens mis en œuvre.
Source : licra.org
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