Le Journal de Montréal, quotidien matinal québécois publié à Montréal, vient de réaliser un reportage Tel Aviv sous influence française. Ce voyage a été rendu possible grâce à Air Transat qui offre des vols directs Montréal-Tel-Aviv et au ministère du Tourisme d’Israël. Le Journal de Montréal est le quotidien francophone le plus diffusé en Amérique.
Il y a beaucoup de français à Tel Aviv. Beaucoup de francophones de Belgique, de France, de Suisse, du Maghreb et même du Québec. Leur présence crée un environnement « francogénique » étrangement familier.
Accessible par vol direct à partir de Montréal, Tel Aviv est un improbable hybride avec ses plages couleur cassonade sur la Méditerranée, son facteur Humidex délirant, sa vitalité culturelle qui frise l’hyperactivité malgré une population relativement modeste (moindre que celle de Québec), son industrie techno rivale de Silicon Valley (ce qui attire des cerveaux du monde entier) et son tourisme homosexuel florissant.
C’est la fête chaque nuit (y compris pendant le sabbat). Plusieurs boîtes ne ferment qu’à l’aube. Une chroniqueuse de Forbes se demandait d’ailleurs l’an dernier si Tel Aviv n’était pas devenue la meilleure destination gastronomique mondiale. Je n’ai jamais vu une telle omniprésence des restaurants, une telle variété de cuisines ou un achalandage aussi permanent. Les gens d’ici mangent à toute heure. Même la nuit.
La concentration de bons restaurants a de quoi ahurir le plus blasé des gastronomes. Les chefs n’ont souvent pas trente ans, me semble-t-il.
« Avec l’apparition des vols à rabais vers l’Europe, les jeunes Israéliens rapportent leurs trouvailles et les intègrent à la cuisine locale qui évolue très rapidement pour le mieux », explique Emmanuelle Adda, une animatrice de radio publique israélienne (Radio Kan) qui s’adresse aux francophones d’Israël et de la diaspora, une heure par jour.
Lors d’une première visite à Tel Aviv, en octobre, en marchant sur la plage, je finis par abandonner le « shalom » pour passer au « bonjour ». Je ne croise que des Français.
Début juillet, dans la masse des vacanciers lors de ma deuxième visite, le français ne prédomine plus, mais il s’entend partout. De toutes les plages de la ville, celle appelée La La Land est peut-être la plus franco-française, la plus chic et la plus chère. Non loin de là, un café appelé La Mer. Une dizaine de magazines en français sont offerts dans les kiosques un peu partout, la plupart gratuitement. Feuilletez-les ! Il y a toujours une grande vedette française en ville et une succession presque ininterrompue de festivals francophones de tout et de n’importe quoi : livre, théâtre, films, humour, comédies musicales, etc.
Parlant de plages. Au nord, l’une est destinée aux gais et lesbiennes (et à quiconque préfère leur compagnie). À côté, on trouve une plage canine où pitou peut légalement s’ébrouer dans l’eau salée. En retrait et cachée se trouve ensuite une plage réservée aux juifs orthodoxes adeptes de la baignade unisexe (alternance homme-femme). Un côtoiement inusité.
Touche québécoise
À Tel-Aviv, un tout nouveau whisky israélien fait fureur, œuvre d’un jeune distillateur qui a passé l’essentiel de sa vie à Montréal. David Zibell a grandi non loin de l’orange Julep et a quitté le Québec il y a quelques années pour refaire sa vie en Israël.
Le meilleur vendeur de sa Golan Heights Distillerie est sa variété « houmous épicé ». Ses affaires vont si bien, dit-il, qu’il entend décupler sa production au cours des prochaines années pour espérer suffire à la demande.
Une convertie
Cette importatrice de produits haut de gamme français ne parle pas le français, mais elle mange français.
Au 201 du boulevard Dizenghov, à la fromagerie-bistro Basher, Liat (prononcé Liette) ne parle pas le français, mais mange français. Elle a tellement aimé le fromage et la charcuterie de la France qu’elle a décidé de se faire importatrice de fromages et de charcuteries pour vendre des produits haut de gamme.
« Même sans publicité autre que le bouche-à-oreille, nos affaires roulent depuis huit ans » dit cette « convertie » culinaire. L’influence culinaire française se fait sentir jusque dans les questions diplomatiques épineuses : « L’Institut Paul Bocuse invite à son école de cuisine pour une formation complète de cinq ans toutes dépenses payées six jeunes chefs israéliens et palestiniens qui étudient et cohabitent ensemble », explique le diplomate français Philippe Guillien, de l’Institut français de Tel-Aviv.
Présence du français
L’influence française est omniprésente, surtout, sans surprise, dans la gastronomie.
La France a fourni ces dernières années des cohortes de milliers de néo-Israéliens fuyant l’antisémitisme réel ou appréhendé, et venus trouver une nation qui leur soit propre. Selon l’ambassade de France, sur les quelque 600 000 francophones vivant en Israël, 150 000 sont des ressortissants français (ayant la citoyenneté française). Ainsi, la majorité de la francophonie de ce pays de 8 millions d’habitants n’est pas d’origine française.
Le cœur francophone d’Israël date des années 1950 et 1960, lorsque les pays du Maghreb se sont vidés de leurs minorités juives. Jadis, une politique musclée d’intégration tendait à effacer les idiomes des immigrants pour faire converger tout le monde vers l’hébreu, langue officielle du pays. Le grand nombre de francophones passait alors inaperçu. Il fallait cesser d’être français pour devenir israélien.
Aujourd’hui, Israël juge préférable que ses minorités cultivent leurs langues respectives et entretiennent des liens culturels et économiques avec leurs pays d’origine. On encourage l’immigrant français à apprendre l’hébreu… et à aider si possible ses nouveaux compatriotes à apprendre le français !
Les Français d’Israël ont par ailleurs depuis quelques années un lobby officiel, un organisme appelé Qualita, basé à Jérusalem, pour les aider à s’intégrer au pays et pour faire valoir leurs intérêts.
Cherchez l’hébreu !
Observez ce que les Telaviviens mangent, c’est le meilleur moyen de faire de belles découvertes.
Pour dénicher des mets aussi succulents qu’abordables, je vous suggère de fuir le français ou l’anglais et de chercher le menu écrit en hébreu seulement (même si vous n’y comprenez rien). C’est là que va l’habitant.
Pour découvrir ce que le restaurant sert, faites la fouine : reluquez les assiettes des gens sur place, posez des questions. Pointez du doigt ce qui vous semble savoureux et dites : « Je veux ça ! » Donnez un papier et un crayon au serveur pour qu’il écrive en alphabet latin le nom du plat. Ma copine et moi avons ainsi mangé de l’acharuli, une sorte de pâtisserie épaisse à l’œuf, au fromage de chèvre et aux épinards, et du junam, une sorte de pizza turque à la salade.
Quelques trucs
Taxi pas cher : À l’aéroport en sortant, allez au troisième étage où, en raison d’un raffinement bureaucratico-légal incompréhensible, se trouvent des taxis à tarif réduit, légèrement moins cher que ceux du rez-de-chaussée.
Couche-Tard local : Repérez le commerce de la chaîne AM:PM le plus près. Si vous cherchez quelque chose pendant le sabbat, du vendredi après-midi au samedi soir, vous le trouverez dans ce super dépanneur, croisement merveilleux entre l’épicerie, la pharmacie et la SAQ.
Louez un vélo ou une trottinette : Vraiment, c’est le meilleur moyen de déambuler dans la ville, surtout pour aller dans la vieille ville arabe de Jaffa, juste au sud. Chez les jeunes, la trottinette électrique supplante le vélo. Profitez-en pour essayer ce moyen de locomotion qui demeure illégal dans les rues du Québec.
Reproduction autorisée avec la mention suivante:
© Le Journal de Montréal, et adaptation de Souhail Ftouh pour Europe Israël
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