Les abribus londoniens traitent Israël d’État raciste

Mercredi 5 septembre 2018, les Londoniens ont eu une surprise en rentrant du travail : des abribus de la capitale affichaient « Israël est une entreprise raciste » en rouge et vert (les couleurs du drapeau palestinien) sur blanc.

Un groupe fier de son action, mais qui refuse d’en assumer les conséquences

L’affiche, fièrement revendiquée par un mystérieux groupe du nom de London Palestine Action, a recouvert de cette fausse déclaration de vraies publicités des panneaux Decaux. Par un hasard étrange, c’était le lendemain de la défaite de Jeremy Corbyn contre son propre Parti. En effet, après des mois de discussion, le Labour a fini par adopter la définition de l’antisémitisme élaborée par l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance), dont les manifestations incluent la discrimination de l’État juif.

Cette définition, fruit de la consultation de 200 experts dans différentes disciplines (universitaires, éducateurs, diplomates, professionnels des musées et des lieux de mémoire…) de 31 pays différents, a d’abord été adoptée par des universités, par des villes (Londres et Berlin) et par des États (celui de Caroline du Sud).

Consécration intellectuelle et politique, en juin 2017, le Parlement Européen a voté une résolution appelant ses États membres et les Institutions de l’UE à l’utiliser pour aider les autorités judiciaires et de maintien de l’ordre à identifier et à poursuivre les attaques antisémites plus efficacement.

Corbyn voulait y ajouter un amendement légitimant la présentation d’Israël comme une entreprise raciste. Pile poil le lendemain, les affiches sont apparues sur les abribus, qualifiées de « super boulot » par Asa Winstanley, rédac’ chef du site anti-israélien Electronic Intifada.

London Palestine Action a inondé les réseaux sociaux des photos de sa colonisation des panneaux Decaux, précisant sa « pensée » (si l’on peut dire) : « Créé grâce au nettoyage ethnique, maintenu grâce à l’exclusion ethnique, Israël est une entreprise raciste ».

Consécration populaire, la phrase est devenue un hashtag sur Twitter.

« Créé grâce au nettoyage ethnique »

Le sionisme, ou mouvement d’émancipation national du peuple juif, est l’un des nombreux nationalismes que le XIXe siècle a vu fleurir et que le XXe a vu mûrir et, pour la majorité, donner des fruits.

Le choix de l’adjectif « ethnique » est la signature de ceux qui ne veulent pas admettre que le peuple juif est un peuple (depuis au moins 3000 ans si l’on en croit l’archéologie), alors qu’ils se battent bec et ongles pour obtenir la reconnaissance des Égyptiens de Gaza et des Jordaniens de Cisjordanie comme un seul et unique peuple… se revendiquant comme tel depuis 1964.

Pourquoi ne disent-ils pas « nettoyage religieux » puisque leur argumentation contre l’existence d’un peuple juif est qu’il s’agit d’une religion et non d’un peuple ? Pour deux raisons.

La première c’est que cela ferait d’eux des antisémites avoués, alors qu’ils croient cacher leur motivation sous le soutien au « peuple » palestinien. La seconde, c’est qu’un an avant la Palestine, un autre pays ex-britannique a été lui aussi partitionné sur un motif purement religieux, consacrant la séparation des Hindous (dans ce qui est aujourd’hui la République de l’Inde) et des musulmans à la demande de ces derniers, dans ce qui est devenu la République islamique du Pakistan, elle-même séparée dans le sang en 1971 de la République populaire du Bengladesh. Cette partition « a provoqué l’un des plus grands déplacements de population de l’histoire (…) Plus de six millions de musulmans indiens se réfugient dans le nouvel État pakistanais pendant qu’un nombre approximativement égal d’hindous et de sikhs quittent le Pendjab pour l’Inde sur fond de violences et de massacres qui font plus de 500.000 victimes.[1] » Arguer de l’illégitimité d’un État fondé sur la religion ferait mauvais effet pour des gens qui utilisent « peuple élu » afin de stigmatiser la prétendue supériorité des Juifs, quand ils trouvent justifiée la création du Pakistan, dont le nom signifie d’abord « ‘le pays des purs’ en ourdou (pak, pur et stan, pays) mais pourrait aussi provenir de l’acronyme composé à partir du nom des provinces : Penjab, Afgania, Kashmir, Indus-Sind et BalouchiSTAN.[2] »

« Maintenu grâce à l’exclusion ethnique »

L’exclusion ethnique est probablement à l’apartheid ce que le mal-comprenant est au crétin de base. Outre la périphrase, elle procède du mécanisme de défense inconscient que Freud a appelé la projection : « (mécanisme) par lequel le sujet projette sur autrui les craintes et les désirs qu’il ressent comme interdits et dont la représentation consciente serait chargée d’angoisse ou de culpabilité[3] ». L’antisémite voudrait revenir à l’époque dont il a la nostalgie, où les Juifs étaient exclus de la société, avant d’être déportés et exterminés. Mais ce désir est encore officiellement mal vu dans la société française, aussi s’en défend-il en accusant son ennemi de pratiquer cette séparation ethnique. Sauf que les faits démontrent l’inanité de son accusation : Israël est un État démocratique où tous les citoyens ont les mêmes droits et presque les mêmes devoirs (les Arabes ne font leur service militaire que sur la base du volontariat alors que les Juifs y sont contraints).

Qu’est-ce qu’un peuple ?

Un peuple est un groupe social constitué de personnes qui partagent les mêmes caractéristiques, le même mode de vie, la même culture, la même langue, les mêmes intérêts et surtout, qui ont un sentiment commun d’appartenance à ce groupe. « Pour être un membre irréprochable parmi une communauté de moutons », disait Einstein, « il faut avant toute chose être soi-même un mouton. » Et j’ajoute qu’il faut surtout SE SENTIR mouton.

Les Juifs, où qu’ils aient été pendant des siècles, se sont toujours sentis juifs. Éparpillés en diaspora, à défaut de parler la même langue, ils priaient tous en hébreu. A défaut d’avoir le même mode de vie dans les différents pays où ils avaient trouvé refuge, ils vivaient au même rythme des fêtes juives. Ils partageaient la même culture, le même sentiment d’appartenance et la même espérance : « l’an prochain à Jérusalem ».

Entre un peuple et une nation, il n’y a qu’une différence : le territoire.

Les Juifs ont été une nation prospère sur leur terre. Et puis ils ont été envahis, colonisés, chassés. Il y a 70 ans, les Juifs ont retrouvé leur terre et le peuple juif est redevenu une nation.

Il est étrange que la classe politique française, les médias français et les innombrables militants antisionistes, de droite comme de gauche, se sentent investis de la mission sacrée de créer un « État palestinien » alors qu’ils dénient aux Juifs le droit d’en avoir un au motif que ce qui lie les Juifs entre eux « n’est qu’une religion ».

Ce qui leur paraîtrait étrange, à eux, s’ils avaient la curiosité de regarder la réalité au lieu de leurs seuls fantasmes, c’est qu’Israël est peuplé de Juifs de toutes origines, de toutes obédiences et de toutes attitudes vis-à-vis de la religion : il y a des juifs blancs, des juifs noirs, des juifs jaunes et des juifs mélangeant tout ce qui précède. Il y a des juifs croyants, des Juifs orthodoxes, des Juifs athées et même des Juifs antisémites.

Ils trouvent normal, les bien-pensants, que les Palestiniens réclament un État, alors que, stricto sensu, ils l’ont déjà, qui s’appelle la Jordanie et qui représente 75% du territoire sur lequel la Grande Bretagne a reçu mandat, en 1922, de favoriser la création d’un Foyer national juif. Le Royaume Uni n’a rien eu de plus pressé que d’en soustraire les trois-quarts pour les offrir à l’Émir Abdallah en remerciement de l’aide qu’il avait apportée à Lawrence d’Arabie pendant la première guerre mondiale.

« Les faits ne pénètrent pas dans l’univers de nos croyances[4] »

Marcel Proust connaissait-il déjà les antisionistes, pour les analyser si bien, lui qui est mort précisément l’année où le mandat sur la Palestine a été accordé à la Grande-Bretagne ?

En tout cas, la somme des choses que le groupe London Palestine Action, qui se décrit comme « un réseau de Londoniens agissant de façon créative contre l’apartheid israélien », refuse de savoir est supérieure même au poids de sa mauvaise foi, et là, on est dans du lourd…

Sans cette ignorance volontaire des faits, on ne peut pas écrire « Israël est une entreprise raciste ».

  • Raciste, le fait de vouloir un État pour le peuple juif qui compte 13 millions d’âmes, dont 6,5 millions en Israël ?
  • Raciste qu’un État ait une religion majoritaire ou bien raciste le fait que cette religion soit le judaïsme alors qu’il y a 57 États dans le monde dont la religion est l’islam et dont la loi est fondée sur la sharia ?
  • Raciste un État où la Cour suprême est présidée par un « racisé » ?
  • Raciste un État qui finance toutes les religions ?
  • Raciste un État qui a plusieurs partis arabes (donc « racisés ») ?

Combattre l’antisémitisme est-il une atteinte à la liberté d’opinion ?

C’était l’un des arguments de Corbyn, un argument qui est contredit par les termes mêmes de la définition qu’il refusait : « une critique d’Israël similaire au niveau de celle de n’importe quel autre pays ne peut pas être considérée comme antisémite. » Autrement dit, si l’on reproche à Israël des choses que l’on ne reproche pas à d’autres pays qui font la même chose, c’est antisémite. Si on reproche certaines choses à Israël, comme à tous les autres pays qui font les mêmes, ce n’est pas de l’antisémitisme. Comme l’a déjà dit depuis longtemps Natan Sharansky, ancien refuznik russe et devenu ministre en Israël après sa libération, ce qui distingue la critique légitime d’Israël de l’antisémitisme, ce sont les 3 D : Délégitimation, Double standards (en français : deux poids deux mesures) et Diabolisation. L’exemple type de délégitimation, c’est de discriminer les Juifs « en leur refusant leur droit fondamental à l’autodétermination, tel que déterminé par les lois internationales. Comme toute discrimination à l’encontre d’un groupe ethnique, religieux, racial ou national spécifique est considérée comme du racisme, la délégitimation du droit du peuple juif à l’autodétermination est du racisme anti-juif, c’est-à-dire de l’antisémitisme.[5] »

Intégrant déjà en 2011 l’antisionisme à l’antisémitisme, le député canadien Irwin Cottler avait noté que « Dans le passé, les antisémites les plus dangereux étaient ceux qui voulaient rendre le monde judenrein, libre de Juifs. Aujourd’hui, les plus dangereux antisémites sont peut-être ceux qui veulent rendre le monde judenstaatrein, libre d’un État juif.[6] »

Cachez cet antisémitisme que je ne saurais voir

La presse britannique a largement rendu compte de la campagne antisémite de London Palestine Action, certains titres pour s’en indigner, d’autres pour minimiser l’affaire. Ils mentionnent tous la réaction de la RATP londonienne, TfL (Transport for London), qui indique considérer la chose comme un acte de vandalisme et déclare avoir demandé à son partenaire Decaux de retirer au plus vite les affiches délictueuses.

Plusieurs titres de la presse mainstream d’outre-Manche citent un Tweet répondant à celui de London Palestine Action, qui demande si la prochaine étape sera de remettre en avant l’étoile jaune.

En France, on a choisi de n’en pas parler : 24 heures après les faits, le seul article en français sur le sujet était celui d’Info-Israel, qui avait été repris par Nouvelles du Monde[7].

Hors la presse juive, point de salut pour la dénonciation de l’antisémitisme dans l’Hexagone ? LM♦

Liliane Messika pour M@batim

[1] Wikipedia, Histoire du Pakistan
[2] ibid
[3] https://www.universalis.fr/encyclopedie/projection-psychanalyse/
[4] Marcel Proust, in A la recherche du temps perdu.
[5] Test 3 D d’identification de l’antisémitisme
[6] Irwin Cotler, MP
[7] https://infos-israel.news/projet-raciste-des-panneaux-anti-israeliens-apparaissent-dans-tout-la-ville-de-londres-le-maire-a-demande-de-les-retirer/
et https://www.nouvelles-du-monde.com/la-police-enquete-apres-que-des-affiches-ont-affirme-que-israel-est-une-entreprise-raciste/

 

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3 Comments

  1. Qui a permis de mettre ces affiches ? Ne cherchez pas c’est l’antijuif maire de Londres , musulman pratiquant et profondément anti israélien
    Avec CORBYN ils forment un duo de pieds nickelés dangereux
    Comme à Brésil il faut tuer CORBYN c’est Un devoir religieux : celui qui le fera , aura fait une misva pour le peuple Juif

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