Le Dr. Ben-Meir Maoz du Département de génie biomédical et de l’Ecole des neurosciences de l’Université de Tel-Aviv, en collaboration avec l’Institut Wyss de l’Université de Harvard et l’Institut KTH en Suède, a construit un cerveau sur une puce informatique qui permettra des recherches sur le fonctionnement du cerveau humain à des niveaux de détail et de précision inatteignables auparavant. Autres implications de la recherche: un développement plus efficace des médicaments pour le traitement des maladies neurodégénératives comme le Parkinson et l’Alzheimer, et un remplacement à terme des expériences sur les animaux de laboratoire.
Le cerveau humain est constitué de 100 milliards de neurones, qui contrôlent toutes nos pensées et nos actions, et c’est l’organe le plus complexe et le plus fragile de notre corps. C’est pourquoi il a besoin d’une protection particulière contre les toxines. Celle-ci lui est fournie par la barrière hémato-encéphalique, par laquelle les vaisseaux sanguins qui procurent oxygène et nutriments au cerveau exercent une sélection stricte sur les matériaux qui passent de la circulation sanguine au système nerveux central et vice versa. En plus d’être une barrière physiologique, la barrière hémato-encéphalique régule activement le fonctionnement cérébral. Cependant, à ce jour, la manière dont cette régulation est effectivement mise en œuvre n’est pas clairement établie.
Mimer la barrière hémato-encéphalique
“On sait qu’il y a un lien entre les vaisseaux sanguins du cerveau et l’activité cérébrale elle-même”, explique le Dr. Maoz. “C’est sur ce principe par exemple, que fonctionne l’IRM: lorsque nous faisons marcher une zone spécifique de notre cerveau, les vaisseaux sanguins y font parvenir davantage de sang, et l’IRM mesure l’augmentation de cette activité. Cependant, il est très difficile de comprendre l’interaction entre les vaisseaux sanguins et les neurones au niveau cellulaire. Il est naturellement impossible de travailler sur un cerveau humain vivant, et les cellules cultivées en milieu artificiel utilisées pour les expériences ne reflètent pas ces interactions. Or, l’interconnectivité entre les cellules a une influence importante sur leurs propriétés. Les neurones cultivés dans une boîte de Petri ont des propriétés différentes de celles des cellules nerveuses rattachées aux vaisseaux sanguins”.
La solution trouvée par le Dr. Maoz : la création sur une puce informatique d’un tissu développé à partir de cellules souches converties en cellules organiques, permettant de simuler l’activité de l’organe d’une manière contrôlée. Au cours de ces quatre dernières années, le Dr. Maoz a donc construit un assemblage vivant qui simule les interactions du cerveau humain: un tissu cérébral sur puce, rattaché à deux fragments tissulaires, l’un de vaisseaux sanguins, l’autre de cellules neuronales, qui ‘miment’ la barrière hémato-encéphalique.
“La technologie des organes sur puce a été inventée il y a dix ans et a conduit à diverses percées scientifiques”, explique le Dr. Maoz, ” mais son application pour la compréhension des processus biologiques de base qui se produisent dans le cerveau était très limitée. Jusqu’à présent, on examinait le tissu cérébral détaché de la barrière sanguine. Nous avons créé un système complet et prouvé qu’il fonctionne. Par exemple, nous avons injecté de la méthamphétamine, la fameuse drogue popularisée par la série Breaking Bad (‘Le chimiste’), sur les puces de cellules sanguines, et avons constaté que nous obtenions sur la puce cérébrale les mêmes phénomènes que chez les utilisateurs de la drogue, ce qui nous a permis d’examiner et de mieux comprendre comment elle agit dans le cerveau.
Plus précis, plus humain
Après une série de tests réussis, les chercheurs ont pu montrer pour la première fois que les vaisseaux sanguins du cerveau non seulement se dilatent et se contractent pour permettre la circulation du sang, mais aussi libèrent des substances chimiques et des nutriments qui affectent directement les cellules nerveuses, rationalisent et accélèrent leur activité, et donc aident le cerveau à mieux fonctionner. La percée que constitue la recherche du Dr. Maoz ouvre donc la voie vers des tests plus efficaces de médicaments, en particuliers destinés au traitement des maladies neuro-dégénératives telles que la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer.
“Plus de 60% des médicaments qui fonctionnent lors des expériences sur des animaux échouent dans les essais sur les humains”, dit-t-il. “Malgré les similitudes, un cerveau de souris n’est tout simplement pas un cerveau humain. De plus, les maladies neurodégénératives sont quasi inexistantes chez les animaux, ce qui rend problématique l’utilisation de modèles animaux pour élaborer des traitements pour l’homme. D’où l’intérêt de ce système du cerveau sur puce construit à partir de cellules humaines, qui permet de simuler le fonctionnement du cerveau dans des conditions à la fois normales et pathologiques, et de mener des expériences sur un modèle réel. Le cerveau que nous avons construit en laboratoire nous permet de tester des processus biologiques complexes ainsi que les effets des médicaments sur les humains, sans mettre personne en danger ni nuire aux animaux, et ceci de manière plus efficace que jamais. Les organes sur puce ne sont pas de simples outils de recherche. L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux ( FDA) s’en est déjà servi dans le cadre du développement de médicaments, et un certain nombre de partenariats ont déjà été établis entre mon laboratoire et des sociétés pharmaceutiques en Israël et à l’étranger “.
Le Dr. Maoz ajoute que ses collègues et lui travaillent actuellement à créer d’autres organes humains sur puce, tels que le système immunitaire et le foie, et à les connecter au système cérébral pour créer un modèle complet du corps humain sur des puces, qui pourra remplacera les animaux de laboratoire et offrira aux chercheurs des aperçus sans précédent de l’impact des divers produits chimiques sur le cerveau humain et sur le développement biologique de diverses maladies propres à l’homme. “C’est un objectif sans aucun doute atteignable, puisque nous avons prouvé qu’il est possible de le faire avec l’organe le plus complexe de tous, le cerveau”, conclue-t-il.
Source : ami-universite-telaviv.com
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