Ça y est, je radote. Encore un texte sur Tunis, les tunisiens, leur génie, et la beauté des sites.
Non, je ne peux pas recommencer, car je connais déjà tous les esprits forts qui vont me sauter dessus.
Et comme je suis, quant à moi, un esprit trop faible, je vais supporter sans broncher….
Bon, je vais essayer d’en glisser une ou deux, face à la domination intellectuelle de ceux qui savent si bien nous abreuver de leur culture, et de leurs origines plus intéressantes.
Il y a plusieurs façon de comprendre les tunisiens. De répertorier leurs histoires entre 1950 et 1980.
Avant tout, ceux qui sont réellement symptomatiques de cette courte et riche histoire ont autour
de 60 ou 70 ans aujourd’hui . Dans les années 70/80, ils étaient tous agglutinés -bien 500 personnes-
sur un espace de plage de 2000 m2 au maximum. Guez, Besnainou, Assous, Gozlan, , Boubli, Berrebi,
Taieb, Slama, Cohen, Ganouna, Zeitoun, Temime, Journo, Halfon, Namer, Madar, Tibi, Seknazi, Saal, Sabban, ….Et aussi Farouk, Hssen, Bagenda, ….
Tous ceux qui regardent de l’extérieur, et ne comprennent strictement rien à ma prétendue nostalgie doivent écouter. Pourquoi subitement, après tant d’années de silence, certains ramènent ces séquences banales de notre vie des mois de juillet ou août ? Ce n’était pourtant que de simples jeux de plages, discussions futiles pour refaire le monde, amourettes sans lendemain, ou éternelles.
Eh bien, après 30 ans de vie parisienne, de l’évolution des jeunes d’aujourd’hui, je me rends compte, au risque de jouer aux vieux cons, que nos valeurs, nos jeux, étaient exceptionnels.
Tout d’abord, contrairement à tant de communautés , les bourgeois et les gens modestes kiffaient ensemble. Personne ne se sentait supérieur. Personne n’écartait l’autre en raison des moyens de chacun. A la buvette, puis deux heures plus tard à la vague, au restaurant du soir, nous étions tous ensemble. Et parfois, on se trompait par excès pour verser sa part afin que le copain moins à l’aise n’ait qu’une part plus faible à donner.
Ces comportements exemplaires étaient le fait des jeunes de Kherredine, ou de la Goulette , en somme les petits bourgeois.
L’autre chose remarquable était l’ouverture d’esprit en général. Vers 1975 avait commencé les campagne de conversion, de techouva, à partir d’un groupe totalement déluré. Les gens qui se délectaient des calmars, langoustes ou autres sandwich au jambon , avaient été transformé en juifs orthodoxes . Pourtant, ces nouveaux barbus continuaient de fréquenter les plages, jouer aux raquettes, et même d’admirer les formes agréables des filles de mon pays. Mieux encore. Les filles du Rabbin Loubavitch local, super mignonnes, acceptaient de jouer aux raquettes de plages , engoncées dans leurs jupes étroites allant jusqu’aux chevilles. Elles jouaient bien, étaient super sympa, ET super religieuses; mais elles avaient -comme bien des loubavitch- mis de côté définitivement toute l’antipathie que certaines fonctions obligent.
En somme, cette équipe de 500 personnes avaient une vertu inouie, surtout comparé aux autres rivages
d’Afrique du Nord: une rare ouverture d’esprit. Les casher se mélangeaient aux bouffeurs d’oursins, les “respecteurs” de Chabbat acceptaient les copains qui passaient devant chez eux en coupé alfa roméo, pour taper la discussion.
On dit -un peu à tort- que nous n’avions pas l’éducation religieuse des Marocains entourés de rabbins à chaque coin de rue. Est-ce vraiment un défaut ?
Cette ouverture aux autres, ce respect de chacun , nous vient d’un parcours typique à l’Histoire et à la géographie du pays: selon certains, les premiers juifs qui ont accosté sur les rives de notre pays furent les légions et marchands de Salomon,il y a 3000 ans. Suivi de tous ces navigateurs Phéniciens, Philistins, grecs, romains, …
Quel enrichissement ! Et lorsque nous regardons sur les tombes des cimetières romains de Carthage, des inscriptions juives trônent: des dessins de chandeliers ; de même que sur les lampes à huile.
Ce creuset incroyable a permis l’éclosion d’un esprit tune : aimer et respecter l’autre c’est aussi
avoir de l’humour, de l’auto-dérision, savoir partager, savoir donner. Et malgré les passages si difficiles
dans le Ghetto -la Hara- les qualités étaient juste en sommeil.
Et je sais que cela va déranger , mais si les discussions d’argent étaient assez rares lorsque nous avions 18 ans, la réussite universitaire, quel que soit le milieu social, était au centre de l’intérêt des jeunes. Les mères juives tunes plaçaient la fierté sur la médecine, ou les grandes écoles d’ingénieurs, plutôt que dans l’accumulation de billets de francs ou de dinars. Résultat: le nombre de tunisiens à polytechnique, ou à normale sup était considérable. Je ne parle pas des médecins de très haut niveau. Ou de notre glorieux “homme le plus cultivé du monde”, Claude Hagège. Non, nous ne sommes pas plus intelligents que les autres, mais plus intéressés par certaines valeurs d’ouverture. Nous aimons nos rabbins, mais aussi la curiosité, l’étrangeté, le vrai judaïsme.
Les béni oui oui ne feront jamais parie de notre lecture du monde, car notre esprit de contradiction est la force même de notre culture. Nous brisons pour reconstruire, nous rigolons, nous supportons la raillerie .
La vérité scientifique ne vient que des remises en question, pas des diktats et des grenouilles de bénitier.
Pourtant notre Thora est très forte , mais ailleurs que dans les ” si tu ne fais pas ça il va t’arriver des ennuis “.
Notre enseignement est clair : le juif, l’homme, sont nos priorités.
José Boublil
Ben oui ,c était ça les juifs de Tunisie .
C est cette Tunisie et ce mode de vie qui nous /me manque tant aujourd’hui .
Merci José Boublil
Sauf qu’aujourd’hui la réussite sociale, en fait l’argent, prime sur l’intellectuel et le Judaïsme est plus une superstition qu’une connaissance. Et ce n’est pas la taille du magen david sur la poitrine ou le fil rouge qui fait vraiment le Juif.
A Carnot ,pendant les Années soixante-dix ,le quart ou le tiers des classes était composé d élevés juifst! Avec qui ,nous les musulmans, avions dés rapport divers et ceci sans aucun rapport avec l appartenance religieuse!surtout que nous baignons ,à cette époque,dans l illusion d appartenir à une caste,celle des élèves de Carnot…ou l aliénation extreme œuvrait à fond,allant ,à certaines occasions ,à amener les tunisiens à s interpeller en adoptant la consonance stricto – française de nos noms arabes…..
donc pour revenir à la composante israélite de la population scolaire,il est indéniable que celle-ci était loin d être uniforme et homogène….certains élèves juifs rechignaient à parler arabe ou éprouvaient les pires difficultés a le faire…d autre le faisaient tout naturellement et certains mêmes revendiquaient leur Tunisianite….le clivage ttwensa/ grana etait inconnu à nos yeux car dépassé au sein même du mocrocosme juif tunisois…..par contre les clivages sociaux s inscrivaient en filigrane et les filles de tel ou tel avocat,médecin, ,ou homme d’affaire,ignoraient condescement tel ou tellle ,originaire de la hafsia du passage,et de l Arian….comme quoi la fracture sociale ou économique primait sur l identitaire et les liens communautaires….les cas les plus curieux consistaient en la descendance des mariages judéo-musulmans ..qui ,pour ceux que j ai côtoyé personnellement,n ont eu aucun mal à s intégrér dans la communauté arabe,le prénom bien tunisien aidant….alors que la plus part des juifs tunisiens avaient adopté les prénoms occidentaux reléguant dans l intimité de leur livret de famille les seconds et troisièmes prénoms hébraïques….quoi qu il en soit ,cette diversité qui caractérisait le Tunis de l époque n est plus qu un lointain souvenir…..mais quelle émotion quand la vie fait croiser nos chemins ,loin de la matrice originelle,et parfois même au bout du monde,ou la qualité d ancien élèves de Carnot,operait comme un sesame pour l amitié ….et ceci même avec des pieds noirs chetiens ,maltais ou italiens deTunisie….et même avec d anciens prof ayant exerçè dans l établissement en question…..