Dans la vie, c’est évidemment par ceux en qui on a le plus confiance que l’on se fait trahir. Ainsi, le scandale de l’affaire Benalla qui secoue l’exécutif et la majorité réside moins dans le fait d’avoir recruté un personnage devenu infréquentable – d’autres présidents en ont fait l’expérience ! – que dans la négation d’une réalité indéfendable.
L’affaire Benalla n’est pas le fait d’un sous-ministre ou d’un directeur, qui peuvent toujours servir de fusible. Elle incruste l’idée, insupportable pour ceux à qui on demande efforts et civisme, qu’à un certain niveau de l’État la règle ne serait pas la même. Elle concerne le Président au plus près.
Comment un homme aussi intelligent qu’Emmanuel Macron peut-il transformer une faute a priori isolée en affaire politique majeure ?
La sous-estimation de la gravité des faits, l’octroi de passe-droits injustifiés, puis le refus de reconnaître une erreur révèlent, au sommet de l’État, une psychologie de l’invincibilité qui n’est pas sans danger, dans un pays inflammable.
Cet épisode survient après d’autres séquences qui, mises en perspective, finissent par donner au macronisme une couleur indélébile, que la victoire des Bleus n’aura pas effacée.
Se méfier de lui-même
Outre qu’elle sert les extrêmes, dont les voix écrasent le silence gêné de la majorité, l’affaire Benalla montre un Président qui regarde le pays en surplomb, posture qui conduit les corps intermédiaires et les citoyens à se vivre comme quantité négligeable, voire méprisable.
Ce n’est pas parce qu’on a évité au pays le scénario du pire que la légitimité politique est définitivement acquise.
Dans sa manière de considérer les médias, les syndicats, le Parlement, les territoires, les élus locaux, dans sa façon de fragiliser le tissu associatif et d’humilier Jean-Louis Borloo, en enterrant le travail sur les banlieues qu’il venait de lui demander, Emmanuel Macron tire un fil, toujours le même : je sais, j’ai raison, je n’ai pas besoin de vos conseils, je ne décide pas sous la pression.
Contrairement aux populistes, Emmanuel Macron ne s’attaque pas de front aux contre-pouvoirs qui garantissent le débat démocratique, il les ignore, avec plus ou moins d’élégance.
Sa réforme constitutionnelle, destinée à reformater le Parlement, était déjà interprétée comme une volonté d’affaiblir la représentation nationale et son pouvoir de contrôle. Elle devait, avant d’être reportée, venir en débat au pire moment, dans un contexte qui ne peut que la rendre encore plus suspecte.
Sous prétexte que le temps politique est compté, cette pratique du pouvoir présente deux dangers. Elle offre une occasion et une force inespérées à ceux, et surtout à celle, qu’il avait brillamment vaincus, précisément en promettant une autre gouvernance. Et elle organise une concentration du pouvoir qui pourrait devenir problématique le jour où des forces autrement intentionnées s’en empareraient.
Il ne faut pas en tirer de funestes prédictions. Les enquêtes d’opinion montrent un président dont la cote reste infiniment supérieure à la proportion de Français qui avaient cru en lui au premier tour de la présidentielle. Mais quinze mois après, l’affaire Benalla, en plus du reste, transforme de l’or en plomb. Un autre quinquennat a commencé : il va falloir qu’Emmanuel Macron apprenne à se méfier de lui-même.
Michel Urvoy Ouest France
Nous avons connu deux présidents d’une intelligence exceptionnelle: Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing; ceux-ci n’ont jamais donné l’impression d’en tirer une supériorité morale ou une légitimité particulière. L’intelligence remarquable de M. Macron semble lui faire oublier les circonstances particulières de son élection: une droite représentée par un homme sans honneur qu’il suffisait de devancer pour gagner l’élection. M. Macron est devenu un homme qui mélange dangereusement l’arrogance du haut fonctionnaire et les illusions d’un politicien sans expérience. Contrairement à la tradition française, il ne se croit pas incarnation de la France mais incarnation de lui-même, donc un personnage parfait.
Les fonctionnaires politique temporaires de la présidence de la République n’ont autorité sur rien et prétendent dominer les fonctionnaires d’autorité. L’illusion Macronienne de la légitimité parfaite ne pouvait servir que les pires excès. Les cabinets ministériels sont désormais la meilleure voie pour accéder à des postes futurs de direction économique, par la pratique aggravée du conflit d’intérêts. Nous voyons, aujourd’hui, un individu qui voulait utiliser ses relations, ou relations prétendues, pour diriger un futur cabinet de sécurité privée. Nous avons un autre individu qui veut diriger la présidence ET le gouvernement, au mépris de la Constitution ou d’une Constitution qui saperait notre régime parlementaire. La réponse est claire: retrouver notre régime parlementaire, comme nos amis allemands et britanniques, rendre à la présidence de la République son rôle constitutionnel de serrviteur de l’union de la nation, nous débarrasser de cette élection illusoire qui corrompt la République.