Ce qui suit est une traduction complète, en français, de la version finale de la loi fondamentale : Israël en tant qu’état-Nation du peuple juif, adopté par la Knesset le 19 juillet 2018.
Loi fondamentale : Israël en tant qu’état-Nation du peuple juif
1. Principes de base
A. La Terre D’Israël est la patrie historique du peuple juif, dans laquelle l’état d’Israël a été créé.
B. L’État D’Israël est le foyer national du peuple juif, dans lequel il remplit son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination.
C. Le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’état d’Israël est unique au peuple juif.
2. Les symboles de l’état
A. Le nom de l’état est » Israël. »
B. Le drapeau de l’état est blanc avec deux bandes bleues près des bords et une étoile bleue de David au centre.
C. L’emblème de l’état est une menorah à sept branches avec des feuilles d’olive des deux côtés et le mot « Israël » en dessous.
D. L’hymne de l’état est » Hatikvah. »
E. Les détails concernant les symboles de l’état seront déterminés par la loi.
3. La capitale de l’Etat
Jérusalem, complète et unie, est la capitale d’Israël.
4. Langue
A. La langue de l’état est l’hébreu.
B. La langue arabe a un statut particulier dans l’état ; la réglementation de l’utilisation de l’arabe dans les institutions de l’état ou par celles-ci sera fixée par la loi.
C. Cette clause ne porte pas atteinte au statut donné à la langue arabe avant l’entrée en vigueur de cette loi.
5. Rassemblement des exilés
L’État sera ouvert pour l’immigration juive et le rassemblement des exilés
6. Lien avec le peuple juif
A. L’état s’efforce d’assurer la sécurité des membres du peuple juif en difficulté ou en captivité en raison de leur judéité ou de leur citoyenneté.
B. L’État agit au sein de la diaspora pour renforcer l’affinité entre l’état et les membres du peuple juif.
C. L’État agit pour préserver le patrimoine culturel, historique et religieux du peuple juif parmi les juifs de la diaspora.
7. Colonie juive
L’État considère le développement de la colonisation juive comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir sa création et sa consolidation.
8. Calendrier officiel
Le calendrier hébreu est le calendrier officiel de l’état et à côté de lui le calendrier grégorien sera utilisé comme calendrier officiel. L’utilisation du calendrier hébreu et du calendrier grégorien sera déterminée par la loi.
9. Jour de l’indépendance et jours de commémoration
A. Le jour de l’indépendance est la fête nationale officielle de l’état.
B. Le jour commémoratif pour les morts dans les guerres d’Israël et le jour du souvenir de l’holocauste et de l’héroïsme sont des journées officielles de l’état.
10. Jours de repos et de sabbat
Le Sabbat et les festivals d’Israël sont les jours de repos établis dans l’état ; les non-Juifs ont le droit de maintenir des jours de repos sur leurs sabbats et festivals ; les détails de cette question seront déterminés par la loi.
11. Immutabilité
Cette loi fondamentale ne peut être modifiée que par une autre loi fondamentale adoptée par la majorité des membres de la Knesset.
Analyse par Emmanuel Navon עמנואל נבון sur la loi sur l’Etat-Nation[1]
Merci à Gitelman Yitzhak pour cette traduction du texte d’Emmanuel Navon
Après 70 ans d’indépendance, Israël n’a toujours pas de constitution écrite. C’est une anomalie, mais il n’y aura pas de remède de sitôt à cause des écarts irréductibles entre les partis politiques israéliens. Les constitutions sont la pierre angulaire des démocraties; ils définissent l’identité et le but de l’état; ils déterminent les pouvoirs des trois branches du gouvernement; et ils protègent les droits individuels. Israël a des «lois fondamentales» qui déterminent les pouvoirs des trois branches du gouvernement (comme la loi fondamentale sur la Knesset) et qui protègent les droits individuels (tels que la loi fondamentale sur la dignité humaine et la liberté), mais pas une loi fondamentale qui définit l’identité et but de l’état. La Loi fondamentale sur Israël Nation-État du peuple juif a été adoptée pour combler ce vide.
Un vide juridique ?
Pour certains, combler ce vide juridique était inutile puisque Israël est de facto un État-nation et que la Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël définit l’identité du pays («Nous déclarons par la présente la création d’un État juif») et son but (l’indépendance nationale du peuple juif).
En fait, l’adoption de cette nouvelle loi fondamentale était nécessaire en raison de l’activisme judiciaire de la Haute Cour de justice d’Israël au cours des deux dernières décennies.
En 1992, la Knesset a adopté deux lois fondamentales: l’une sur la dignité humaine et la liberté et l’autre sur la liberté d’occupation. Le juge Aharon Barak (qui a présidé la Cour suprême entre 1995 et 2006) a proclamé une «révolution constitutionnelle» de ces deux lois fondamentales. Ce que Barak voulait dire, c’est que la Haute Cour de Justice pouvait maintenant annuler les lois adoptées par la Knesset si elles étaient jugées «inconstitutionnelles» (c’est-à-dire incompatibles avec les deux nouvelles lois fondamentales). Nulle part dans la loi fondamentale, il n’est dit que le tribunal a le droit de les utiliser pour annuler une loi ordinaire. Pourtant, Barak a accordé unilatéralement ce pouvoir à la cour dans une décision de 1995.
Que se passe-t-il lorsque les valeurs juives et démocratiques sont en conflit ?
La « révolution constitutionnelle » a affecté l’identité d’Israël en tant qu’État-nation. La loi fondamentale sur « la dignité humaine et la liberté » stipule qu’Israël est un « Etat juif et démocratique ». Mais que se passe-t-il lorsque les valeurs juives et démocratiques sont en conflit? Pas de problème, écrit Barak en 1992: En cas de conflit, le mot «Juif» doit être interprété par le tribunal «au plus haut niveau d’abstraction». En d’autres termes, il doit être ignoré. Théoriquement, le tribunal pourrait utiliser dans ses décisions la Déclaration d’Indépendance d’Israël, qui définit Israël comme un Etat juif. Pourtant, la Cour elle-même a décidé en 1948 que la déclaration d’indépendance n’avait aucune valeur constitutionnelle.
L’activisme de la Cour, combiné au «plus haut niveau d’abstraction» avec lequel Barak interprétait la judaïté d’Israël, allait bientôt se faire sentir. Le tribunal a jugé qu’un Juif ne peut pas acheter de terrain dans un village bédouin (affaire Avitan, 1989), mais qu’un Arabe peut construire une maison dans un village établi par l’Agence Juive (affaire Ka’adan, 2000). La cour a été sollicitée à deux reprises par des ONG (en 2006 et en 2012) pour annuler la loi israélienne sur la citoyenneté afin d’imposer à Israël le «droit de retour» palestinien par la porte arrière via des mariages fictifs. Bien que la cour ait rejeté les deux pétitions, elle l’a fait avec une majorité de six à cinq.
D’autres lois et symboles liés à l’identité juive d’Israël ne sont pas à l’abri des requêtes auprès de la Haute Cour de justice. La «loi du retour» (qui accorde des droits d’immigration automatiques aux Juifs) pourrait être un jour invalidée pour être discriminatoire; L’hymne national israélien (qui exprime la fidélité des juifs à la terre de deux millénaires) et le drapeau (qui n’a qu’un symbole juif) pourraient être contestés devant les tribunaux pour avoir ignoré les sentiments de la minorité arabe; et les contribuables pourraient demander à la cour contre la dépense de leur argent sur la préservation de l’identité juive dans la diaspora. Jusqu’à l’adoption de la loi fondamentale sur Israël en tant qu’État-nation, la Cour n’avait aucun fondement constitutionnel pour rejeter de telles requêtes et protéger la judaïté d’Israël. Maintenant c’est le cas.
Les opposants à la Loi
Les opposants à la loi affirment que déclarer l’hébreu comme la langue officielle du pays, tout en accordant à l’arabe un «statut spécial», affecte les droits de la minorité arabe. Diraient-ils la même chose de la constitution française, qui établit que «la langue de la République est française» (article 2) tout en reconnaissant seulement les «langues régionales» comme appartenant au «patrimoine de la France» (article 75-1)? Être un État-nation est compatible avec l’égalité civique des minorités. Israël ne fait pas exception à cet égard.
Le droit à l’autodétermination nationale a été reconnu comme universel par la Société des Nations après la Première Guerre mondiale. Les Juifs ont droit à ce droit comme toute autre nation. Contrairement aux États-Unis et au Canada, mais comme la plupart des pays dans le monde (y compris en Europe), Israël est un État-nation. Pourtant, le droit des juifs à l’autodétermination est toujours contesté à l’échelle internationale et nationale. Grâce à la loi fondamentale de l’Etat-nation, la judéité d’Israël n’est plus attaquable dans le pays. »
Je rajoute que les notions de citoyenneté et nationalité sont différentes en Israël et en France, ce qui crée des confusions pour les Français. Ainsi, on est citoyen israélien, d’un état juif, de nationalité Juive, Arabe, Druze, Circassienne, etc. Oui, Israël a été pensé comme un état pour le peuple juif, mais en reconnaissant les droits des minorités nationales sur son territoire, tout en garantissant une égalité au niveau des citoyens.
[1] Jerusalem Post https://www.jpost.com/Opinion/The-case-for-Israels-Jewish-state-law-
La question non clarifiée est celle du cadrage du champ de » l’autodétermination »!
Est-ce qu’un mal-intentionné juif (ou un camouflage institutionnel) pourra exciper de ce principe pour voler en douce son voisin musulman, chrétien ou athée ? Qu’est ce qui relève et qu’est-ce qui ne relève Pas du champ de l’autodétermination ?
C’est un problème de fond en droit qui n’a pas l’air verrouillé eus égard aux Droits universels de l’homme. D’autant plus que les droits de la Cour Suprême semblent remis en cause, y compris dans les analyses explicatives. Est-ce qu’une majorité d’Une voix à la Knesset pourrait suffire à faire s’installer la dictature d’une groupe à la Erdogan en Israël, qui ne manquerait pas comme en Turquie de bien se remplir les poches au nom de » l’autodétermination » !? C’est un problème sérieux pour l’avenir du droit dans la seule Démocratie du Moyen-orient (les arguments sur la soi-disant opposition du droit juif et du droit démocratique sont très inquiétants et risquent de réamorcer les tendances centrifuges aux violences entre juifs, cf. l’assassinat de Y. Rabin).
Ceci dit Israël est le nain menacé par les géants Arabes qui le bordent, et deux pays palestiniens existent déjà (Jordanie et Gaza) ce qui est ignoré dans le monde. De plus le monde Arabe est un monde de viol des Droits de l’homme, et de violent sectarisme contre les non-musulmans réduits au mieux au statut moral de « dhimmis ». Enfin l’expérience du Liban, État chrétien d’origine (créé par la France) submergé finalement par l’islam chiite, montre que la logique invasive islamiste bat son plein.
Optimistement on peut supposer que cette démarche législative serait une préparation au cadrage (comme le verrouillage du statut de Jérusalem) de la négociation à venir pour l’indépendance du (3ième!) État palestinien.
À remarquer que Jérusalem est la pierre de touche de la modernisation à venir du monde musulman, avec l’acceptation définitive par ce monde de l’existence d’Israël. Ce n’est pas demain la veille mais prendre date permet de poser le ferme jalon pour l’avenir des négociations.
Bravo. Prochaine étape, supprimer définitivement la soit disant « cour suprême ».
Déclaration logique. Tout cela provient de l’excès de zèle de la cour suprême qui cumule les rôles de COUR de cassation Conseil d’état et Conseil constitutionnel. Donc dorénavant elle se cantonnera au rôle judiciaire exclusivement et le droit de se taire pour les pseudos colonies les rendus de territoires et le droit au retour des arabes et les mariages fictifs.